Quel est le réel délai dans lequel une accouchée est exposée à un risque accru d’accident thromboembolique

Lecture critique de l’article : Kamel et al. Risk of a Thrombotic Event after the 6-Week Postpartum Period. New Engl J Med 2014;370:1307-131.
 

Cet article publié ce mois-ci dans le New England Journal of Medicine apporte des éléments de réponse à cette question cruciale. Oui cruciale, parce que les accidents thromboemboliques du post partum restent malheureusement encore aujourd’hui dans les pays développés une cause de mortalité et de morbidité maternelle importante. Connaître le délai dans lequel nos patientes restent exposées à ce sur-risque et celui dans lequel elles retrouvent réellement leur risque de base est un point essentiel de l’optimisation de leur prise en charge, de la prévention et de la réduction de ce risque. Cette étude a été menée de manière rétrospective à partir de l’analyse de l’évolution dans le post-partum de 1687930 patientes ayant accouchées en Californie. Le suivi de ces patientes était d’un an.  Au total, 720 (0,042 %) accidents thromboemboliques ont été rapportés dans l’année suivant la naissance, dont la majorité sont survenus dans les six semaines suivant l’accouchement. Ce risque était d’ailleurs significativement plus élevé dans les six premières semaines du post-partum que celui observé plus tard avec411 accidents thromboembolique versus 38, pour une différence de risque absolu de 22,1 accidents (IC à 05 % : 19,6-24,6) pour 100000 naissance et un Odds Ratio de 10,8 (IC à 95 % : 7,8-15,1). Néanmoins, au total, le risque d’accident thromboembolique restait significativement plus élevé jusqu’à 12 semaines après la naissance avec 95 accidents thromboemboliques sur cette période contre 44 plus tard pour une différence de risque absolu de 3 accidents (IC à 95 % : 1,6-4,5) pour 100000 naissances et un Odds Ratio de 2,2 (IC à 95 % : 1,5-3,1). Le risque d’accident thromboembolique n’était par contre pas significativement plus élevé 12 semaines après la naissance que plus tard, faisnat envisager un retour au risque de base dans ce délai.

Finalement, cette étude confirme ce que nous savions déjà grâce à la littérature médicale, à savoir un risque élevé dans les six semaines suivant un accouchement. Pour rappel, la Haute Autorité de Santé, dans ses recommandations de décembre 2010 sur la « compression veineuse en prévention de la thrombose veineuse »  recommande le port de bas de contention pendant toute la durée de la grossesse et dans les six semaines suivant l’accouchement et ce pour toute grossesse, indépendamment de tout facteur de risque. Cette étude nous apprend cependant que ce risque persisterait deux fois plus longtemps que ce que nous savions jusqu’ici. Alors bien sur, nous pouvons et nous devons porter un regard critique sur cette étude. Bien sur, il s’agit d’une étude rétrospective avec les limites inhérentes à toute étude de ce type et ce malgré la taille de l’échantillon étudié et le prestige de la revue dans lequel cet article et publié. Néanmoins, la réalisation d’une étude prospective d’une taille suffisante pour répondre à la question du risque thromboembolique dans le post-partum en population générale avec un meilleur niveau de preuve paraît illusoire et ce type de question reste aujourd’hui difficilement mieux évaluable que par une étude rétrospective bien menée comme c’est le cas ici. On ne peut surtout que regretter que cette étude ne permette pas une analyse précise et fiable du risque thromboembolique en fonction des terrains individuels ; ce qu’une étude rétrospective ne peut analyser avec fiabilité. Enfin on peut surtout se demander si la connaissance d’un risque finalement plus prolongé dans le temps que ce que nous savions jusqu’ici doit faire changer nos pratiques. Certes, même si le risque est deux fois plus important que le risque de base, il reste extrêmement faible. Tout ceci doit bien évidemment être rapporté au nombre d’accouchements réalisés chaque année, à la morbidité des mesures préventives nécessaires et au coût qu’elles entraînent.  Ceci doit surtout nous faire réfléchir sur la nécessité d’une sélection des patientes en fonction de leur terrain et de leur risque individuel. Il est très probable que ce risque soit plus important et plus longtemps pour les patientes exposées à des facteurs de risque. D’autres études, celles-ci prospectives évaluant spécifiquement ces populations à risque sont nécessaires. En attendant, il est important de garder à l’esprit que toutes nos patientes sont à risque d’accident thromboembolique de manière sans doute plus prolongée que ce que nous savions jusqu’ici et de dépister celles qui sont le plus à risque pour une prévention mieux ciblée.

 
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