Recommandée par la Haute Autorité de la Santé (HAS), la préparation à la naissance et à la parentalité (PNP) a des objectifs de prévention, d’éducation et d’orientation des couples dans le système de santé afin de les accompagner dans le processus de parentalité. (1)
Cette préparation regroupe l’entretien prénatal précoce réalisé vers le 4ème mois par une sage-femme, un médecin, ainsi que la mise en œuvre des 7 séances de PNP prises en charges par l’assurance maladie.
Il existe une diversité de cours : classiques, en piscine, haptonomie, sophrologie, hypnose, yoga prénatal, relaxation, chant prénatal…etc.
Mon expérience de sage-femme en milieu hospitalier m’a fait constater que les patientes se présentant en début de travail sans avoir fait au préalable de préparation à la naissance étaient plus souvent algiques et angoissées, moins efficaces au moment de la poussée, et plus passives dans leur vécu de l’accouchement.
Dans un intérêt de santé publique il me semble intéressant de relever les impacts connus dans la littérature de la PNP sur le déroulement du travail, de l’accouchement et du post-partum.
Objectif : relever les impacts des cours de PNP en période périnatale, notamment sur la réduction de certaines complications.
Hypothèses :
Dans le cas d’une préparation à la naissance (7 cours réalisés en cours de grossesse) :
- La durée de travail et des efforts expulsifs seraient diminués
- Le taux d’accouchements instrumentaux seraient diminués
- Le taux de césarienne serait moindre
- Le taux d’épisiotomie seraient moins élevés
- La douleur serait diminuée
- Les patientes ressentiraient moins d’anxiété
- Les nombre de dépressions du post-partum serait diminué et l’attachement à l’enfant serait favorisé.
Littérature
Impact sur la durée du travail et des efforts expulsifs
Cazal.E, réalise une étude de cohorte rétrospective en 2010 auprès de 130 femmes enceintes exposées versus non exposées à au moins 5 cours de préparation à la naissance au cours de leur grossesse (de type approche posturo-respiratoire de B. de Gasquet et/ou de Yoga). (2)
Cette étude montre que :
- Les patientes préparées arrivent en salle de naissance à une dilatation plus avancée d’un centimètre d’écart sans que cette différence soit significative.
- La durée du travail de 5 cm à l’accouchement est plus courte d’une heure chez les patientes préparées (différence non significative).
- La PNP favorise significativement la mobilisation des femmes (plus de trois postures pratiquées pendant le travail), ce qui tendrait à diminuer la durée du travail.
- La durée des efforts expulsifs n’est pas diminuée (augmentation de 5 minutes chez les patientes préparées) sans que cette différence soit significative. Cette donnée pourrait être expliquée selon l’auteur par l’apprentissage de la poussée par expiration pendant les cours de PNP (méthode qui demande une connaissance et une maîtrise de son corps plus poussée).
Impact sur le taux d’accouchements instrumentaux
Cette même étude montre que la PNP est un facteur protecteur d’extraction instrumentale pour efforts expulsifs insuffisants. (2)
En revanche, elle ne montre pas de diminution du recours aux instruments. Au contraire elle met en évidence 35% d’accouchement instrumentaux versus 25% chez les femmes non préparées (différence non significative). Ce résultat ambivalent peut être dû selon l’auteur aux taux extrêmement variables d’extraction instrumentales selon les établissements hospitaliers en France, et en raison des profils psychologiques particuliers des femmes qui entreprennent des cours de PNP (probablement plus anxieuses ou stressées).
Impact sur le taux de césarienne
Un médecin anesthésiste réalise en 2009 une étude sur une population de 652 femmes : 74 ayant bénéficié durant le travail d’une hypnose par des médecins spécialisés (suggestion de confort de calme puis retour à un état de veille ordinaire) versus 578 parturientes n’ayant pas eues d’hypnose. Cette étude montre que le taux de césarienne est significativement inférieur dans le groupe « hypnose » en comparaison au groupe témoin de patientes n’en ayant pas bénéficié (p = 0,03). (3)
De même, l’étude de A. Cova met en évidence un taux moins élevé de césariennes programmées ou en urgence et d’extractions instrumentales dans le groupe des patientes ayant suivies des cours de PNP sans que cette différence soit significative (4).
Impact sur le taux d’épisiotomie
Très peu d’études relatant de l’épisiotomie nous informent d’une préparation à la naissance et à la parentalité dans les échantillons de population, dans la mesure où cette donnée est peu renseignée dans les dossiers médicaux, et qu’un grand nombre d’études sont rétrospectives.
Toutefois, la récente étude publiée en 2020 par A-M. Nzinga Luzolo met en évidence que les parturientes non préparées à la naissance accouchent plus souvent par césarienne (5,4%) que par voie basse (2,8%) (p < 0,001), et que celles-ci ont plus d’épisiotomies (42,4 % vs 13,3 % chez les femmes préparées), et de déchirures périnéales (10,9 % vs 1,4 %) (5).
Impact sur la douleur
L’étude ci-dessus a également cherché à évaluer le phénomène douloureux dans un échantillon de 163 parturientes dont 71 étaient préparées à l’accouchement en per-partum versus 92 parturientes non préparées.
Les parturientes préparées avaient ressenti moins de douleur pendant l’accouchement par rapport aux parturientes non préparées (7/10 vs 9/10 ; p < 0,001).
L’auteur explique notamment que la douleur peut se moduler dans le contexte physiologique, psychologique, social ou culturel de chaque femme, et que l’accompagnement des soignants participe à la réduction de ce ressenti douloureux (5).
Impact sur l’anxiété
Dans cette même étude, chez les parturientes préparées, la tension artérielle systolique, la fréquence cardiaque, respiratoire et le niveau d’anxiété était significativement diminué (p < 0,05) évalué par l’échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression) (5).
Impact sur les dépressions du post-partum et l’attachement à l’enfant
Kozinszky Z et al. Montre qu’une brève intervention anténatale préventive en groupe se concentrant sur la psychoéducation, la gestion du stress, l’amélioration des mécanismes d’adaptation peut être efficace dans la réduction de la symptomatologie dépressive du postpartum (7).
Dans son mémoire de sage-femme, A.Cova évalue l’impact d’une PNP sur le ressenti des primipares au sein d’une étude observationnelle prospective « exposée/non exposée » en 2016 sur 86 primipares ayant reçues ou non un minimum de 5 cours de PNP au cours de la grossesse.
Les scores d’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) et le Mother-Infant Bonding Scale (MIBS) ont été utilisés pour évaluer la perception des mères quant à leur état d’esprit et l’attachement à leur enfant (4).
Ce travail montre un impact significatif positif des cours de PNP sur la prévention de la dépression du post-partum : la moyenne de score EPDS est significativement plus basse dans le groupe PNP + (6,9 vs 9,3) (p = 0,0418 < 0.05).
En ce sens, des différences (non statistiquement significatives) sont visibles pendant la grossesse, avec moins de baisses de moral et de troubles du sommeil dans le groupe des patientes ayant suivies des cours de PNP.
Dans cette étude, l’haptonomie et la piscine semblent montrer de meilleurs résultats pour ce qui est du ressenti maternel.
La réalisation ou non d’un entretien prénatal précoce (EPP) n’a quant à elle, pas montré de différence sur les scores EPDS et MIB (4).
Il n’a pas été mis en évidence de lien significatif entre la PNP et le ressenti d’attachement à l’enfant selon cette étude : la moyenne de score MIB est plus basse dans le groupe ayant suivi une préparation à la naissance (1,1 vs 1,8), mais cette différence n’est pas statistiquement significative (p = 0,12 > 0.05).
Selon l’étude « Maternal behavior toward her newborn infant. Potential modification by peridural analgesia or childbirth preparation », la préparation en sophrologie a un effet positif sur la relation entre la mère et son enfant (6).
Et les pères ?
Une préparation à la naissance et à la parentalité spécifique pour les pères a aussi toute sa place. Ces groupes permettent de valoriser la place du père et de le rassurer dans son processus de paternité comme l’a montré G.truelle dans son mémoire de fin d’études. (9)
Ces groupes offrent notamment l’avantage d’un libre échange entre futurs pères. Cette valeur ajoutée semble décuplée lorsque le sage-femme animant le groupe est à la fois un homme et un père.
Conclusion
La préparation à la naissance constitue un enjeu de santé publique, de par ses bénéfices sur le plan médical et psycho-social pendant la grossesse, l’accouchement et en post-partum.
C’est pourquoi celle-ci est recommandée par la HAS.
Elle améliore notamment le bien être, la confiance en soi, les connaissances : théoriques, physiques, et psychiques, la respiration (donc la gestion de la douleur et du stress), elle apporte une réflexion dans la préparation à devenir parent, ainsi qu’une aide administrative (8).
Il est difficile d’évaluer significativement tous les impacts obstétricaux et psycho-sociaux de la PNP, en raison du nombre d’études limité à ce sujet, des échantillons de population restreints, de la diversité des cours proposés, et des facteurs confondants existants.
Une récente étude a notamment montré l’intérêt d’une préparation à l’accouchement en per-partum permettant une réduction significative de la douleur, de l’anxiété, et de certaines complications obstétricales (césarienne, épisiotomie, déchirures…) (5). Cet accompagnement personnalisé nécessite une grande disponibilité du personnel soignant, ce qui semble difficilement envisageable dans l’organisation actuelle du système hospitalier en salle de naissance en France. Une augmentation conséquente de personnel serait nécessaire à cette organisation (par exemple en attribuant une seule parturiente par sage-femme).
Par ailleurs, il semble important de souligner que les cours de PNP au cours de la grossesse concernent davantage les femmes primipares de niveau socio-économique élevé. Il serait intéressant de mettre en place des campagnes d’information à l’attention des femmes de niveau socio-économique défavorisé, plus vulnérables, afin que celles-ci aient plus souvent accès à ce type de préparation.
Bibliographie
1- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/preparation_naissance_recos.pdf
2- https://aurore.unilim.fr/memoires/nxfile/default/b8060ac1-4d02-4d93-9a46-689361908741/blobholder:0/M-SM2011-005.pdf
3- https://www.campus-hypnoses.com/medium/W1siZiIsIjIwMjAvMDEvMTYvNXdsaTJobWs1Y19tZW1vaXJlX2ZyYW5ja19iZXJuYXJkX21hdGVybml0ZS5wZGYiXV0/memoire-franck-bernard-maternite.pdf?sha=37c6aca1bcf01b51
4- https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01349690/document
5- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1624568720300196
6- Wagner A et al ; Maternal behavior toward her newborn infant. Potential modification by peridural analgesia or childbirth preparation ; Rev Fr Gynecol Obstet. 1989 Jan;84 :29-35.
7- Kozinszky Z et al. Can a Brief Antepartum Preventive Group Intervention Help Reduce Postpartum Depressive Symptomatology?. Psychother Psychosom 2012;81:98-107.
8- https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01535750/document
9- https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01590359/document