Vous avez dit « Violences Obstétricales & Gynécologiques »

Depuis quelques années, mais tout particulièrement cet été, un vent de contestation virulente des pratiques gynécologiques et obstétricales se fait jour sur les réseaux sociaux abondamment relayé par certains médias qui souvent se contentent de les recopier.

Il y est question de « violences » terme fort mal accepté par notre profession car ce mot sous-entend un caractère délibéré. D’où vient ce vent mauvais ? La réponse est bien sûr plurifactorielle.

En voici quelques éléments qui ne prétendent pas résumer cette problématique fort complexe : nos sociétés occidentales ont progressé dans la voie des droits de l’homme et la relation patient / médecin désormais attendue par le public est une relation d’égal à égal, sans paternalisme résiduel, même s’il s’agit de protéger le patient. Or la pratique obstétricale est marquée par l’urgence inopinée et la responsabilité médico-légale devant une complication aux retombées parfois gigantesques. Un accouchement sans facteur de risque a priori peut se transformer en un rien de temps en un événement médical à très haut risque. Un accouchement peut ne pas se terminer comme la patiente l’avait espéré, engendrant au bas mot une frustration mais parfois un véritable syndrome post traumatique. Nous n’avons pas le quitus quand la mère et l’enfant se portent bien. Il faut désormais plus. Il faut que l’accident, qui lui est parfois violent, soit ensuite commenté et débriefé. Sans quoi il est susceptible de nuire au long cours à la santé psychique de la mère et d’ailleurs par voie de conséquence à celle de son enfant. Une hémorragie de la délivrance par exemple qui se produit dans 5% des accouchements peut, à elle seule, entraîner un sentiment de perte de ses propres moyens voire même entraîner un souvenir éminemment délétère de menace de mort. Une césarienne en urgence, surtout si le praticien est dans l’angoisse et ne sait pas le cacher, peut constituer une expérience très traumatisante. Et pour 800 000 naissances/an, la fréquence des accouchements traumatiques pourra alimenter à l’infini les blogs de tous poils qui les collectionnent.

Alors peut-on informer les femmes au préalable des quelques cent complications plus ou moins graves qui peuvent se produire au cours d’un accouchement normal ? La réponse est oui pour un certain nombre d’entre elles, la césarienne en urgence, l’extraction instrumentale ou l’épisiotomie. En revanche, il ne parait pas souhaitable de parler des complications rares et pourtant graves que constituent l’embolie amniotique ou autres péripéties dramatiques. Si on le faisait, par souci légitime d’information exhaustive, on ferait beaucoup de mal à nos patientes. Ce ne serait plus des accouchées mais des rescapées. Il y a une réelle différence entre un consentement éclairé pour une intervention chirurgicale où la patiente peut toujours renoncer et un consentement pour un accouchement où elle ne peut pas décider que tout compte fait elle ne va pas accoucher…

Un événement normal de la vie donne une exigence encore plus grande de la part du public.

Mourir du fait d’un accouchement, cela ne devrait plus exister ! Mourir pour une complication fut-elle rare de la Contraception orale, inacceptable !

Peut-être avons-nous trop promis ? Peut-être que le terme de mort maternelle évitable est par trop choquant ? Mais de tels accidents continueront de se produire quelle que soit notre pertinence médicale. Même si nous ne devons pas agiter ces complications exceptionnelles, elles doivent refaire partie de notre communication institutionnelle.

L’appropriation du corps des femmes par les hommes au travers des siècles, qui est encore très prégnante tout autour de nous, donne chez nous un véritable vent de libération et d’autonomie fort compréhensible : « Ce n’est pas à autrui de décider pour moi, pour mon corps, pour ma reproduction. Je veux maîtriser le plus de choses possibles concernant mon corps ». Cette revendication parfaitement légitime doit être entendue par les professionnels de la naissance bien plus qu’elle ne l’a été jusqu’ici : toutes les maternités de France devraient être équipées d’un secteur physiologique d’accouchement ne serait-ce que pour en offrir le choix aux femmes. La rédaction d’un projet de naissance personnalisé devrait être systématique. Nous ne devons pas continuer d’imposer aux femmes des protocoles de sécurité qui ne sont nullement justifiés compte tenu de leur bas risque. Nous ne sommes légitimes d’utiliser la technique que si celle-ci est indiquée au plan médical. Sinon, c’est un abus de pouvoir médical. Mais si nécessaire nous devons avoir les moyens immédiats de soigner et de sauver. Une augmentation de l’accouchement à domicile au prétexte que les maternités ne sauraient pas entendre la demande des femmes serait un échec collectif pour notre discipline

Certes l’outrance des attaques nous choquent car la très grande majorité des professionnels de la santé, en privé comme en public, effectue un travail d’une qualité exceptionnelle.

La punition collective qui nous est infligée ces derniers mois, au prétexte que certains se comportent mal, est aussi une maltraitance. Sachons dire que notre métier a une pénibilité supérieure à celle de bien des spécialités dont nul n’a tenu compte jusqu’ici. Modifions nos pratiques pour rester en adéquation avec la demande de la société qui change et qui change vite. Ne taisons plus les carences organisées par nos tutelles qui font des économies sur le dos des femmes et nous font porter le chapeau des réductions de personnel qui altèrent la sécurité de certaines maternités. Profitons de l’occasion qui nous est donnée de faire évoluer notre métier sans y perdre en qualité.

L’éducation et la persuasion des patients ont manqué sur la vaccination, sur la préparation à la naissance, sur le dépistage organisé du Cancer du sein et sur de nombreuses autres questions. C’est toute la médecine qui est en crise et nous sommes simplement les premiers. Mais on ne peut plus aujourd’hui se contenter d’envoyer une convocation aux femmes pour pratiquer un dépistage du cancer du sein. Il faut plus et si on ne le fait pas, tous ensemble, les pamphlets pour dire que la pilule tue plus que les violences conjugales continueront et nos patientes seront de moins en moins bien informées et soignées.

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.