Parlons bientraitance en gynécologie obstétrique

Auteurs

Rentrée agitée pour la gynécologie obstétrique en France.

Pluie de témoignages de violences obstétricales ou gynécologiques, rapport sur ces violences du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, réponses inadaptées des représentant.e.s professionnel.le.s, et pas la moindre ombre d’un travail positif sur le sujet.

Où en sommes-nous ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est ouvertement attaquée aux violences obstétricales, il y a environ dix ans, après plusieurs rapports accablants sur les pratiques des professionnels en Amérique du Sud et en Afrique Subsaharienne (1). Ces rapports montraient que l’attitude des soignant.e.s, avec des violences verbales, physiques et économiques forçait les femmes enceintes à fuir les structures de santé pour retourner accoucher à domicile ou avec des non professionnel.le.s.

Ces violences font donc régresser le niveau de soins et sont contreproductifs pour l’OMS, les agences non gouvernementales et les ministères de la Santé de ces pays qui travaillent sur le sujet. Ces violences concernent tous les soignant.e.s et les personnels administratifs.

En 2010, l’OMS sort une fiche pratique simple intitulée « The prevention and elimination of disrespect and abuse during facility-based childbirth » que devrait lire tout.te professionnel.le de santé (2). L’OMS rappelle que cette rupture de confiance des parturientes envers les professionnel.le.s de santé touche celles-ci dans un moment de vulnérabilité maximal, l’accouchement.
En France, l’histoire est différente, même si les mots utilisés sont les mêmes. La quantité et les détails des témoignages ne laissent aucune place au doute et les professionnel.le.s ne devraient pas minimiser leur impact.
En revanche, il est vrai que nous constatons un amalgame fâcheux entre la violence de ne pas avoir expliqué un geste utile, bien exécuté, et celle de faire un geste inutile, dangereux, voire douloureux. Par manque d’explications et de communication, nous ne sommes même pas capables de nous assoir autour d’une table, professionnel.le.s et patientes, pour en discuter efficacement et généralement chacun.e  y va de son argumentaire avec un certain niveau d’autisme.
Que dit le rapport sur les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical ? (3) Premièrement, il repose sur beaucoup de témoignages, qui ont l’avantage d’exister, mais l’inconvénient de n’être que des témoignages, donc de ne prendre en compte que la parole de celles qui veulent s’exprimer, le plus souvent pour se plaindre. Il ne permet donc pas de couvrir la totalité du ressenti des patientes.
Ensuite, il propose 26 recommandations sur 3 axes que sont :
« Reconnaître l’existence et l’ampleur des actes sexistes, dont certains relèvent des violences, dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical »,
« Prévenir les actes sexistes relatifs au suivi gynécologique et obstétrical » et
« Améliorer et faciliter les procédures de signalements et condamner les pratiques sanctionnées par la loi ».
Tout ça est très négatif, tant dans la forme que dans le fond.
Cependant, comme pour la notion de violences obstétricales qui n’est pas née en France, toutes ces recommandations se cachent derrière le vrai changement qui s’opère ailleurs et partout, dans notre société, et il est né avec #metoo.
Ce mouvement a libéré la parole des femmes et leur a permis de s’exprimer sur des sujets qui étaient tabous, bien que fréquents.
Ce mouvement a fait évoluer les pensées, et peut-être les actions, espérons définitivement.
Il a influencé la façon dont les gens se draguent, s’abordent, jusqu’au plus profond de leur intimité.
S’il fallait auparavant s’assurer de l’absence de refus avant un geste intime, il faut maintenant s’assurer de l’accord de l’autre. Nous ne devons plus nous assurer de l’absence de « non », il faut nous assurer du « oui ». Et il y a des sites internet qui l’expliquent fort bien (4).
Si vous avez bien suivi le cheminement de ma pensée, vous avez compris où cela nous mène, nous, professionnel.le.s de santé (et plus spécifiquement, mais pas uniquement, ceux.elles de la santé de la femme). Si avant de poser un spéculum, faire un toucher vaginal, examiner des seins, il fallait (à peine) s’assurer de ne pas avoir de refus de la patiente, il faut désormais s’assurer de son accord, au préalable.
Nous devons appliquer ces règles simples et évidentes qui touchent l’intimité des patient.e.s, et les enseigner aux plus jeunes, de façon à ce que cela devienne un automatisme naturel.
Ces gestes simples sont de la bientraitance. Ils ne prennent pas plus de temps, n’interfèrent pas avec notre travail et remettent la patiente au centre des soins que nous lui prodiguons. Cela ne retire rien au métier de médecin ou sage-femme. Bien au contraire, cela le justifie. Cela devrait s’appliquer à toute la médecine et dépasser les gestes qui touchent l’intimité des patient.e.s.
Ne luttons pas contre un mouvement qui est contemporain des changements de notre société, mais accompagnons-le pour qu’il trouve une justesse dans les soins nécessaires et dans le respect des soignant.e.s également.

 

Références

  1. https://www.ghdonline.org/uploads/Respectful_Care_at_Birth_9-20-101_Final1.pdf accédé le 05 septembre 2018.
  2. http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/134588/WHO_RHR_14.23_eng.pdf;jsessionid=35DC28D89705A120BA8954D1C4C0BD8F?sequence=1 accédé le 05 septembre 2018.
  3. http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_les_actes_sexistes_durant_le_suivi_gynecologique_et_obstetrical_20180629.pdf accédé le 05 septembre 2018
  4. pauseplaystop.org.uk accédé le 05 septembre 2018

 

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.