Taux de récidive à 5 ans d’une électroconisation à l’anse diathermique ou d’une conisation laser

Les auteurs présentent les résultats d’une étude italienne rétrospective multicentrique ayant inclus les patientes prises en charge entre 2010 et 2014 pour des lésions de CIN2 ou CIN3 par électro-conisation à l’anse diathermique (ECAD, n=2399) ou conisation laser (n=567), avec un suivi d’au minimum 5 ans [1].

Le taux de récidive à 5 ans était globalement de 6%, avec un délai médian de récidive de 18 mois (rang, 5-52). En analyse multivariée, les facteurs associés à la récidive étaient le diagnostic de CIN3 (HR : 3,8 ; p<0,001) et la persistance de l’HPV en post thérapeutique (HR : 1,81 ; p<0,001). A noter que la technique d’exérèse par conisation laser montrait une tendance à diminuer le risque de récidive par rapport à l’ECAD, mais de façon non significative (HR : 1,28 ; p=0,071).

Les auteurs ont par la suite réalisé une analyse basée sur un score de propension permettant de comparer 500 patientes traitées par conisation laser, appariées à 1000 patientes traitées par ECAD. D’après cette nouvelle analyse, la technique ECAD, vs. conisation laser, était associée à plus de berges endo-cerviales atteintes (6,1% vs. 2,2%, p<0,001). Le taux de persistance de l’HPV en post thérapeutique n’était pas différent selon la technique utilisée (15,0% pour ECAD vs. 11,6% pour conisation laser, p=0,256). Le risque de récidive à 5 ans était significativement plus important dans le groupe ECAD que dans le groupe conisation laser : 8,1% vs. 4,0%, p=0,023. La persistance de l’HPV en post thérapeutique (par rapport à sa négativation) était associé à une augmentation du risque de récidive après ECAD (HR : 1,6 ; IC95 : 1,01 - 2,86) ou après conisation laser (HR 15,0 ; IC95 : 2,47 – 91,1). A noter que dans le groupe de patientes prises en charge par ECAD, les berges positives sur la pièce de conisation étaient également associées à un risque augmenté de récidive (HR : 1,76 ; IC95 : 1,09-2,45).

Discussion

D’après les recommandations de l’INCa de 2016 [2], une lésion cervicale de haut grade histologique avec colposcopie satisfaisante doit être traitée par une résection de type anse diathermique sous guidage colposcopique. Aucune recommandation n’avait pu être émise en rapport à la technique de conisation laser devant l’absence de données suffisantes dans la littérature. L’étude de Bogani et al. [1] vient insister sur la nécessité d’exérèse in-sano des lésions histologiques de haut grade par des colposcopistes expérimentés [3-4]. A noter que l’on retrouve, dans cette étude, un taux bas (11%) de berges non in sano sur la pièce d’exérèse, ce qui est en deçà du taux de 20% recommandé par les règles de bonne pratique en colposcopie [5]. Bogani et al. concluent cependant que leur étude ne permet pas elle seule de valider la technique de conisation laser pour l’exérèse des lésions dysplasiques de haut grade en raison de données manquantes concernant le suivi à long terme et les complications obstétricales.

Un des messages majeurs de cette étude est que la persistance d’un test HPV postif en post-thérapeutique (par rapport à sa négativation) est significativement associé à un risque plus élevé de récidive. Ces résultats sont concordants avec diverses publications antérieures, dont celle de Arbyn et al. publiée en 2017 dans Lancet Oncol [6]. D’après Arbyn et al., la sensibilité et la spécificité pour prédire l’échec du traitement par exérèse d’une lésion dysplasique de haut grade était de 55,8% (95% CI 45,8–65,5) et 84,4% (95% CI 79,5–88,4), respectivement, pour le statut des berges, et de 91,0% (82,3–95,5) et 83,8% (77,7–88,7), respectivement, pour le résultat du test HPV. Un test HPV haut risque négatif dans les 3-9 mois après l’exérèse et des berges in sano étaient associés à un risque d’échec de traitement de 0,8% et 3,7%, respectivement [6]. 

Ces données viennent confirmer les récentes recommandations de l’INCa publiées en 2019 [7]. En cas de berges non in-sano, une deuxième exérèse ne doit pas être proposée à titre systématique, car elle est associée à une augmentation du taux de complications obstétricales [8]. Un test HPV haut risque est recommandé à 6 mois du traitement des lésions dysplasiques de haut grade (Grade B) :

  • si le test HPV est négatif, les patientes restent plus à risque de cancer que la population générale et ne peuvent pas rentrer dans le dépistage primaire (Grade B) : un test HPV de contrôle est recommandé à 3 ans (Grade B), puis à nouveau à 3 ans si négatif (Grade B). Si le test HPV se positive, une colposcopie avec examen de la vulve et du vagin +/- biopsie est recommandée (Grade B). Une surveillance post-thérapeutique prolongée est recommandée (Grade B) et sans limite d’âge (Grade C). Les données de la littérature ne permettent pas de déterminer exactement les modalités et périodicités de la surveillance prolongée ;
  • si le test HPV est positif, une colposcopie avec examen de la vulve et du vagin +/- biopsie, éventuellement complétée d’un curetage de l’endocol, est recommandée (Grade B). Si la colposcopie est satisfaisante et ne met pas en évidence de lésion, un test HPV à 1 an est recommandé (Grade C). Si une lésion est mise en évidence, la conduite à tenir est celle des recommandations actuelles pour ce type de lésion [2]. Si la colposcopie est non satisfaisante, sans aucune lésion identifiée et avec un examen du vagin normal, les données de la littérature ne permettent pas de recommander une attitude particulière, notamment une conisation diagnostique. Les outils existants (nouvelle colposcopie dans des conditions optimales, cytologie, curetage de l’endocol, test HPV) pourront être utilisés afin de décider de la conduite à tenir.

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[1] Bogani G, DI Donato V, Sopracordevole F, Ciavattini A, Ghelardi A, Lopez S, Simoncini T, Plotti F, Casarin J, Serati M, Pinelli C, Valenti G, Bergamini A, Gardella B, Dell'acqua A, Monti E, Vercellini P, Fischetti M, D'Ippolito G, Aguzzoli L, Mandato VD, Carunchio P, Carlinfante G, Giannella L, Scaffa C, Falcone F, Borghi C, Ditto A, Malzoni M, Giannini A, Salerno MG, Liberale V, Contino B, Donfrancesco C, Desiato M, Perrone AM, Dondi G, De Iaco P, Leone Roberti Maggiore U, Signorelli M, Chiappa V, Ferrero S, Sarpietro G, Matarazzo MG, Cianci A, Bosio S, Ruisi S, Guerrisi R, Brusadelli C, Mosca L, Tinelli R, DE Vincenzo R, Zannoni GF, Ferrandina G, Petrillo M, Dessole S, Angioli R, Greggi S, Spinillo A, Ghezzi F, Colacurci N, Muzii L, Benedetti Panici P, Scambia G, Raspagliesi F. Recurrence rate after loop electrosurgical excision procedure (LEEP) and laser Conization: A 5-year follow-up study. Gynecol Oncol. 2020 Sep 3:S0090-8258(20)33826-9. doi: 10.1016/j.ygyno.2020.08.025. Epub ahead of print. PMID: 32893030.

[2] Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cer- vico-utérine anormale, Thesaurus, Collection recommandations et référentiels, INCa, décembre 2016.

[3]Ghaem-Maghami S, De-Silva D, Tipples M, et al. Determinants of success in treating cervical intraepithelial neoplasia. BJOG 2011; 118: 679–84.

[4] Ulrich D, Tamussino K, Petru E, Haas J, Reich O. Conization of the uterine cervix: does the level of gynecologist’s training predict margin status

[5] Moss EL, Arbyn M, Dollery E, et al. European Federation of Colposcopy Quality Standards Delphi Consultation. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2013; 170: 255–58.

 [6] Marc Arbyn, Charles W E Redman, Freija Verdoodt, Maria Kyrgiou, Menelaos Tzafetas, Sadaf Ghaem-Maghami, Karl-Ulrich Petry, Simon Leeson, Christine Bergeron, Pekka Nieminen, Jean Gondry, Olaf Reich, Esther L Moss. Incomplete excision of cervical precancer as a predictor of treatment failure: a systematic review and meta-analysis. Lancet Oncol. 2017. Vol 18.

[7] Surveillance post-thérapeutique des lésions précancéreuses du col de l’utérus / Thésaurus, septembre 2019

[8] Kyrgiou M, Athanasiou A, Kalliala IEJ, Paraskevaidi M, Mitra A, Martin-Hirsch PP, Arbyn M, Bennett P, Paraskevaidis E. Obstetric outcomes after conservative treatment for cervical intraepithelial lesions and early invasive disease. Cochrane Database Syst Rev. 2017 Nov 2;11

 

 
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