Effet troupeau : la vaccination anti-HPV protège les jeunes filles vaccinées…. et le reste de la population

La vaccination anti HPV permet de protéger des lésions ano génitales de bas et haut grades les jeunes filles vaccinées, mais également, par « effet troupeau » (lié à la non transmission des HPV),  le reste de la population. Telle est la conclusion de la toute récente méta analyse de Drolet et coll. publiée en aout 2019 dans le Lancet (1).

Les auteurs y actualisent les données d’une première méta-analyse publiée en 2015 (2) qui concluaient déjà que la vaccination anti HPV permettait de réduire significativement le taux d’infections à HPV 16-18 et de condylomes ano-génitaux chez les jeunes filles dans les 4 ans suivant leur vaccination. Les auteurs concluaient également, que dans les pays avec une couverture vaccinale de plus de 50%, la vaccination des jeunes filles permettait de faire diminuer, par effet troupeau, les taux de condylomes ano-génitaux chez les hommes et chez les femmes plus âgées. La méta-analyse de 2015, ne permettait cependant pas de conclure, par manque de recul, sur le bénéfice de la vaccination concernant les lésions histologiques de haut grade (CIN2+).

Dans cette nouvelle méta-analyse, Drolet et coll. ont inclus 65 articles publiés entre 2014 et 2018, représentant les informations concernant plus de 60 millions de personnes, avec un suivi allant jusqu’à 8 ans après une vaccination. L’objectif principal était d’établir le risque relatif concernant la fréquence (prévalence ou incidence) dans la population des lésions HPV induites entre les périodes précédant ou suivant l’introduction du vaccin anti HPV. Les résultats ont été stratifiés selon l’âge, le sexe et le nombre d’années écoulées après la vaccination.

D’après leurs résultats, la vaccination des jeunes filles par vaccin bivalent ou quadrivalent permet de faire diminuer, avec un recul de 5-8 ans :

  • La prévalence des HPV 16 et 18 :
    • chez les jeunes filles de 13-19 ans : diminution de 83% (RR 0,17, 95% CI 0,11–0,25)
    • chez les femmes de 20-24 ans : diminution de 66% (RR 0,34, 95% CI 0,23–0,49)
  • La prévalence des HPV 31, 33 et 45 :
    • chez les jeunes filles de 13-19 ans : diminution de 54% (RR 0,46, 95% CI 0,33–0,66)
  • La prévalence des condylomes ano-génitaux :
    • chez les jeunes filles de 15-19 ans : diminution de 67% (RR 0,33, 95% CI 0,24–0,46)
    • chez les femmes de 20-24 ans : diminution de 54% (RR 0,46, 95% CI 0,36–0,60)
    • chez les femmes de 25-29 ans : diminution de 31% (RR 0,69, 95% CI 0,53–0,89
    • chez les garçons de 15-19 ans : diminution de 48% (RR 0,52, 95% CI 0,37–0,75)
    • chez les garçons de 20-24 ans : diminution de 32% (RR 0,68, 95% CI 0,47–0,98)
  • Les taux de lésions CIN2+ :
    • chez les jeunes filles de 15-19 ans : diminution de 51% (RR 0,49, 95% CI 0,42–0,58)
    • chez les femmes de 20-24 ans : diminution de 31% (RR 0,69, 95% CI 0,57–0,84)

Ces résultats confirment les données d’une publication écossaise (3) dont nous avions présenté les résultats dans le numéro Gynécol Online d’Avril 2019 (4). Ainsi, en Ecosse, une politique active de vaccination touchant plus de 85% de la population cible permet à la fois une réduction des lésions précancéreuses directes (CIN3+) dans la population vaccinée mais également grâce à l’effet troupeau à une protection plus large des populations de même âge.

Ces données sont très encourageantes et modifieront sans doute prochainement les modalités du dépistage des lésions HPV induites. On ne peut cependant que regretter que le taux de la couverture vaccinale anti HPV en France reste aux alentours de 20%. La Haute Autorité de Santé vient de publier en juillet 2019 de nouvelles recommandations sur le dépistage, ne différenciant pas les patientes vaccinées de celles non vaccinées (5). Il est ainsi recommandé de proposer en dépistage :

  • aux femmes de 25-30 ans : un premier frottis à 25 ans, puis un second à un an d’intervalle en cas de normalité, puis un troisième à 3 ans d’intervalle toujours en cas de normalité
  • aux femmes de 30-65 ans : un premier test HPV 3 ans après le dernier frottis. Puis en cas de normalité, un test HPV tous les 5 ans.

Les recommandations concernant la vaccination sont quant à elles toujours d’actualité et à diffuser (6) :

  • Le HCSP recommande que les jeunes filles et jeunes femmes non antérieurement vaccinées reçoivent le Gardasil 9®.
  • La vaccination est recommandée pour toutes les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans. La vaccination est d’autant plus efficace que les jeunes filles n’ont pas encore été exposées au risque d’infection par le HPV. L’une des doses de la vaccination contre les infections à papillomavirus humains peut être coadministrée notamment avec le rappel diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite prévu entre 11 et 13 ans ou avec un vaccin contre l’hépatite B, ainsi qu’avec le vaccin contre le méningocoque de sérogroupe C dans le cadre du rattrapage vaccinal.
  • Par ailleurs, dans le cadre du rattrapage vaccinal, la vaccination est recommandée pour les jeunes filles et jeunes femmes entre 15 et 19 ans révolus.
  • Pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, la vaccination HPV par Gardasil® ou Gardasil 9® est recommandée jusqu’à l’âge de 26 ans, en prévention des lésions précancéreuses anales, des cancers anaux et des condylomes. Dans cette situation, la vaccination peut être proposée dans certains CeGIDD et dans certains centres publics de vaccination
  • Patients immunodéprimés : la vaccination contre le papillomavirus est recommandée chez les garçons comme les filles aux mêmes âges que dans la population générale, avec un rattrapage jusqu'à l'âge de 19 ans révolus. Chez les enfants des deux sexes, candidats à une transplantation d'organe solide, la vaccination peut être initiée dès l'âge de 9 ans.

 

(1) Drolet M, Bénard É, Pérez N, Brisson M; HPV Vaccination Impact Study Group. Population-level impact and herd effects following the introduction of human papillomavirus vaccination programmes: updated systematic review and meta-analysis. Lancet. 2019 Aug 10;394(10197):497-509. doi: 10.1016/S0140-6736(19)30298-3

(2) Drolet M, Bénard É, Boily MC, et al. Population-level impact and herd effects following human papillomavirus vaccination programmes: a systematic review and meta-analysis.Lancet Infect Dis 2015; 15: 565–80.

(3) Palmer T, Wallace L, Pollock KG, Cuschieri K, Robertson C, Kavanagh K, Cruickshank M. Prevalence of cervical disease at age 20 after immunisation with bivalent HPV vaccine at age 12-13 in Scotland: retrospective population study. BMJ. 2019 Apr 3;365:l1161. doi: 10.1136/bmj.l1161. PubMed PMID: 30944092

(4) https://www.gyneco-online.com/gynecologie/la-vaccination-en-ecosse-reduit-les-lesions-de-haut-grade-et-de-bas-grade

(5) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/201907/synthese_et_recommandations_hpv.pdf

(6) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinal_maj_17avril2019.pdf

 

 
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