Garderons nous les cicatrices de nos pratiques et de nos peurs ?… L’utérus cicatriciel en 2012

Quelques chiffres à retenir….

Figure 1 : Enquête nationale périnatale 2010 portant sur 15187 patientes.

 

  • Taux de césarienne en France en 2010 : 20,8 % de l’ensemble des accouchements
  • Taux de succès de l’accouchement voie basse sur utérus cicatriciel : 75%
  • Taux de rupture utérine : 0,1 % à 0,5% des accouchements

Chaque année 1,5 millions de naissances dans le monde se font par césarienne et ce nombre ne fait qu’augmenter.

La décision de la voie d’accouchement en présence d’un utérus cicatriciel est devenue une question quasi quotidienne pour l’obstétricien.

Même si la question est quotidienne la réponse et l’évaluation du risque est loin d’être évidente et uniforme.

En effet 20 % des patientes multipares ont bénéficiées d’une précédente césarienne, et en fonction des centres et des équipes un grand nombre de ces patientes ( plus de 50% en France )  bénéficiera d’une deuxième césarienne prophylactique.

La problématique  est la suivante : le bénéfice immédiat d’une césarienne itérative n’est pas clairement démontré dans l’ensemble des situations et la présence d’un utérus bi-cicatriciel va accroitre considérablement le risque de placenta praevia et éventuellement accreta pour la grossesse suivante.

Le risque de rupture utérine reste un risque faible de 0,1  à 0,5% des accouchements. C’est l’évaluation de ce risque qui dirige nos choix de voie d’accouchement.

L’HAS a établie des nouvelles recommandations en 2012 pour la gestion de l’utérus cicatriciel .Ces recommandations concluent qu’il convient de privilégier l’accouchement par les voies naturelles à la césarienne programmée. Nous allons  revenir dans ce dossier sur ces recommandations et leurs applications pratiques.

 

Peut on prédire l’issue d’une épreuve utérine ?

Dans sa méta –analyse , JM GUISE montre qu’il n’existe aucun

modèle mathématique capable de prédire de manière efficace le succès de la voie basse ou la rupture utérine. Néanmoins certains dogmes persistent encore dans nos pratiques et  souvent dictent l’attitude de l’obstétricien.

 

Les recommandations de l’HAS permettent d’être clairs sur les points suivants:

Facteurs associées à la réussite de la TVBAC :

  • ATCD d’accouchement voie basse ( c’est le meilleur facteur pronostique)
  • Bishop favorable à l’entrée en salle de travail
  • Travail spontanée

Facteurs diminuant le succès des TVBAC :

  • ATCD de 2 césariennes
  • Age maternelle>40 ans
  • IMC>30
  • Poids fœtale > 4000g( mais attention 50 % de faux positifs avec estimation de poids fœtal)
  • Terme >41 semaines d’aménorrhée

 

Quelques points à retenir des recommandations :

  • la cicatrice des césariennes réalisées avant 32 semaines n’est pas plus fragile que celle à terme
  • il n’existe pas de supériorité sur un type suture pour réduire le risque de rupture.
  • Diabète : TVBAC possible quelque soit la nature et l’ancienneté du diabète en l’absence de macrosomie
  • L’obésité n’augmente pas le risque de rupture utérine mais augmente le risque d’échec de la TVBAC.
  • ATCD de myomectomie ne contre indique pas la TVBAC si l’utérus est fermé en plusieurs plans.
  • la valeur prédictive de  l’évaluation échographique de l’épaisseur du segment au niveau utérin est trop mauvaise pour que cette mesure soit utilisée en pratique.
  • Il est préférable mais pas indispensable d’obtenir le compte rendu opératoire de la césarienne précédente( pas d’augmentation du risque de rupture en absence de compte rendu)
  • Pas d’augmentation du risque de rupture utérine si le délais entre 2 grossesses est d' au moins 12 mois. La TVBAC peut être autorisée même si le délai< 6 mois si conditions favorables. Cette pratique est peu répandue pour le moment.
  • Une cicatrice corporéale  contre indique  l’épreuve utérine.
  • Le taux de succès d’essai d’accouchement par voie basse est le même pour les patientes qui ont eu une césarienne pour dystocie dans la deuxième partie du travail que pour les patientes ayant eu une césarienne pour une autre indication.

 

Le point sur les cas particuliers +++ :

  • Siège : pas de contre indication à la VME et pas de contre indication à la voie basse.
  • Gémellaires : TVBAC possible et même taux de succès que singleton sans augmentation du risque de rupture
  • Macrosomie : césarienne recommandée si > 4500g . Entre 4000 et 4500 g , le risque d’échec de la voie basse est augmenté et le risque de rupture utérine est doublée…. Mais ceci ne contre indique pas la TVBAC
  • Avant 37 SA : taux de succès comparables voir supérieurs dans certaines études>encouragée la TVBAC
  • Grossesse prolongée : Réduction du taux de succès mais pas de risque accru de ruptures ++++ . La TVBAC est possible si terme > 41 SA.

Dans la pratique courante ces points particuliers sont justement souvent associés à une césarienne prophylactique. Il est difficile d’évaluer le temps nécessaire pour changer ces pratiques et appliquer les recommandations dans les différentes équipes.

 

Comment doit se dérouler en pratique une épreuve utérine ?

  • dossier validé , complet et comprenant la preuve de l’information reçue par la patiente
  • condition humaine et techniques doivent être réunies pour gérer une éventuelle rupture utérine. Dans les recommandations il est possible d’effectuer une épreuve utérine même dans les centres ou l’obstétricien n’est pas sur place à condition d’une organisation adaptée.
  • la pelvimétrie n’est pas nécessaire SI l’examen clinique est satisfaisant.
  • l’analgésie péridurale n’est pas une obligation
  • la tocométrie interne ne s’impose que si l’on utilise des ocytociques
  • l’analyse du RCF doit être très attentive. Mais notons que l’utérus cicatriciel en dehors de tout complication augmente le risque d’acidose néonatale.
  • la révision utérine s’impose si il y a une hémorragie ou si le fœtus présente des signes d’hypoxie.
  • si placenta antérieur recouvrant la cicatrice : naissance dans une maternité avec soins continus ou réanimation maternelle.

 

Conclusion  :

Le texte de recommandation du CNGO 2012 conclue ainsi :

  • La TVBAC  est l’option à privilégier dans la grande majorité des cas (accord professionnel).
  • Peu de situations cliniques justifient en elles- mêmes une césarienne prophylactique (accord professionnel).

Il faudra un délais de plusieurs années pour mesurer l’impact de ces recommandations et le changement des pratiques dictées par la crainte de la rupture utérine, surtout pour les cas particuliers cités précédemment.

Les risques sont faibles en effet en valeur absolue dans les 2 options( TVBAC et la CPAC ). Le rapport bénéfices/ risques pour la mère à court et à long terme est favorable à la TVBAC (accord professionnel). Mais le rapport bénéfices/risques à court terme pour l’enfant est favorable à la CPAC (accord professionnel).

Les choix que nous prenons au quotidien, ainsi que les informations que nous délivrons à la patiente, reposent aussi  sur des odd ratio.Il est capital de pouvoir expliquer le risque absolu et le risque relatif aux patientes.

Dans  l’étude de Landon qui sert toujours de référence toutes les encéphalopathies ischémiques sont du côté de l’essai de voie basse, et il n’y en a aucune du côté de la césarienne de principe. Cela me semble être un élément d’information important a apporté aux patientes.

Notons aussi qu’il existe en France, bien plus que dans les pays anglo-saxons , une préoccupation obstétricale majeure qui consiste a diminué le taux de césarienne.

Même si il paraît important d’essayer de diminuer le taux de césarienne en raison notamment des surisques liés aux  utérus multi-cicatriciels, gardons bien à l’esprit que l’objectif final reste le BIEN NAITRE  et la satisfaction de la patiente!

Pour comprendre les raisons pour lesquelles les médecins prennent des décisions différentes face à un même risque, il faut accepter l’hétérogénéité des situations dans lesquelles ils doivent prendre ces décisions.

En effet les  contextes dans lesquels ils évoluent sont très différents: la structure, les équipes , leur propre expérience, les différences démographiques et sociales des patientes , la pression médico-légale….

Il faut ainsi accepter que ces contextes influencent naturellement nos choix face à un même risque et influencent aussi notre délais pour changer nos pratiques suites à des recommandations….

TVBAC : tentative de voie basse après césarienne
CPAC : césarienne prophylactique pour antécédent de césarienne
 

Bibliographie :

  1. Recommandations CNGOF2012 : utérus cicatriciel
  2. HAS : indications de la césarienne programmée à terme. Recommandations janvier 2012
  3. GUIS JM et al . Vaginal birth after cesarean : new insights. Evidence Report/Technology assessment 2010 ;191 :1-397
  4. Enquete perinat 2010 :http://www.perinat-france.org/

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.