Quel pourrait être l’avenir de l’AMP ?

L’avenir de l’AMP se décline en différents niveaux qui ne dépendent pas tous des professionnels concernés. Il peut être regardé sous un angle technique, sociologique, économique ou politique. De nombreux acteurs sont par la même concernés au-delà des praticiens, tels que les « usagers », les représentations nationales, le corps social avec ses écoles de pensées et les systèmes et possibilités de financement.
Les limites des prédictions existent. Ainsi pouvons-nous penser que Bob Edwards et Patrick Steptoe avaient anticipé que plus d’un million de cycles de FIV seraient réalisés annuellement en Chine quarante ans après la naissance de Louise Brown ? De l’exploit technique avant les années 80, l’AMP est devenue une prise en charge de routine quasi-universelle en permettant des programmes low-cost. Ses indications ont d’abord évolué avec les possibilités techniques, puis poursuivent leurs modifications dans le champ sociologique tel que l’âge et les nouvelles parentalités. Le rôle et la perception des soignants s’en trouvent changés avec une adaptabilité non totalement partagée.

1- Quelles évolutions techniques peut-on postuler ?
La spécificité de l’approche mixte clinique et biologique de l’AMP a vu et verra des évolutions dissociées dans le temps entre les deux disciplines bien que chaque secteur impacte les contraintes et la performance de l’autre. Le succès d’une AMP suppose la rencontre de gamètes compétents pour former un embryon compétent avant un dialogue embryon endomètre efficient.

A- Qu’attendre de la clinique ?

A court terme et, à la différence historique des apports majeurs successifs des agonistes et antagonistes du GnRH, il n’y a pas de vision évidente d’une avancée d’une nouveauté pharmacologique d’une telle ampleur. L’industrie des gonadotrophines va optimaliser la disponibilité, le packaging et le coût des produits facilitant l’acceptabilité des traitements et leurs sécurité et confort.
L’observance réelle des traitements va être questionnées dans des dispositifs d’accompagnements des couples en étant facilitée par le point précédent.
Cet aspect est sans doute majeur pour les cycles artificiels de préparation de l’endomètre, notamment lors des grossesses, où la pharmacopée et les professionnels entrouvrent de nouveaux questionnements.
Ces points vont permettre d’accroitre la qualité de vie des couples et de diminuer le drop-out qui reste un item important dans le perte d’efficience de nos prises en charge chiffrée à ce jour à 15% de naissances manquantes.
Les débats actuels et leurs mouvements de balancier entre stimulation modérée et maximale ne trouveront leurs conclusions que dans l’avancée des connaissances physiologiques : à quoi sert la réserve ovarienne, tous les follicules sont-ils équivalents ou certains sont-ils prédestinés dès la constitution de la réserve ou lors de la phase indépendante des gonadotrophines de leur croissance, quels sont les rôles et la temporalité de ceux-ci des androgènes, quelles régulations intra-ovariennes restent-elles à découvrir, quelle est la réalité et l’impact des vagues de croissance folliculaire… ?
Le random-start a ainsi montré que les dogmes sur la croissance folliculaire pouvaient être challengés. Il conviendra de faire la part des choses dans les analyses rétrospectives de gros fichiers. Ce qui est rapporté en cause (plus il y a d’ovocytes- plus il y a de naissances) n’est sans doute qu’une conséquence (le nombre d’ovocytes est le reflet de la compétence ovarienne et il y a plus de naissances quand la compétence est meilleure). La stimulation multi folliculaire maximale n’a pas prouvé que tous les ovocytes recueillis pouvaient donner un embryon capable d’aller jusqu’à une naissance.  L’analyse des big datas dépassent nos capacités mais les mathématiciens dont nous avons besoin pour progresser ne doivent pas être isolés dans l’exercice au risque de donner des résultats sans aucun sens clinique.
La physiologie de l’endomètre devra être affinée avant que de penser à une optimalisation de la temporalité des transferts embryonnaires. La dépendance de l’endomètre des stéroïdes ovariens n’est pas discutée sur les plans de l’ouverture de la fenêtre d’implantation et de l’adaptation locale de l’immunité. Les mesures de l’impact des stimulations sur la qualité de la préparation de l’endomètre seront optimalisées ainsi que les préparations artificielles de celui-ci.

L’harmonisation de l’utilisation des IIU qui est actuellement très hétérogène selon les pays devra se faire et ira de pair avec sa diminution dans les traitements des troubles de l’ovulation sans altération cervicale ou sexologique.

B- Qu’attendre de la biologie ?

Depuis environ 10 ans sont apparus des matériels spécifiquement conçus pour l’AMP. Cette évolution qui est une nécessité va se poursuivre au bénéfice des résultats. Le suivi des paramètres et des indicateurs du laboratoire, dans et au-delà des procédures de certification et d’accréditation, a trouvé son régime d’équilibre et il va s’étendre.
Le primun non nocere, qui consiste à penser que le laboratoire ne doit pas dégrader la qualité initiale des gamètes est le minimum actuel et on peut attendre que l’appareillage et les milieux de culture puissent à terme remédier à certains defects ponctuels de ceux-ci.
Il reste vrai que l’étape in vitro est toujours sub-optimale et que les blastocystes obtenus in vivo par lavage utérin après stimulation présentent de meilleurs scores à la classification de Gardner que ceux obtenus in vitro chez les mêmes couples, alors même que les taux d’aneuploïdie sont identiques (Munne S et al Hum Reprod 2019).
La meilleure connaissance de la physiologie et des besoins des gamètes et des embryons permet de concevoir des matériels et des milieux de mieux en mieux adaptés. Une amélioration des taux d’implantation pourra ainsi être obtenue.
L’amélioration de la performance obtenue dans les programmes de vitrification grâce aux évolutions des systèmes et milieux permet d’espérer des gains comparables lors des étapes de préparation du sperme, de la mise en fécondation et de la culture.
Le choix de l’embryon à transférer va progresser et on peut penser que des méthodes non invasives sur le milieu de culture seront fiabilisées. Ce point n’améliorera que de façon indirecte le taux de succès par un gain de temps et la diminution des transferts inutiles (absence d’implantation possible et/ou risque de FCS), limitant ainsi les épuisements des couples et le drop-out.
Ceci rejoint la discussion sur la stratégie de stimulation par l’enrichissement de la réflexion sur l’intérêt d’un recrutement ovocytaire important. Il peut aussi être développé des tests sériques pour évaluer l’opportunité de débuter une stimulation à un cycle ou un jour donné, certains marqueurs pouvant être associés à un statut favorable ou défavorable pour l’issue d’une tentative.  
Les résultats des programmes low-cost, qui donnent 10% de naissances en moins en valeur absolue, confirment l’intérêt de poursuivre l’investissement dans les laboratoires qui sont aujourd’hui la pièce essentielle à la qualité d’un programme d’AMP et de son suivi.
Le laboratoire reste cependant dépendant du case-mix du centre et de l’évolution des indications. L’âge de la femme restera une étape limitante en raison de l’aneuploïdie.
L’impact des délais d’abstinence sur la qualité des spermatozoïdes (mobilité, état des membranes et de l’ADN) sera mieux pris en compte en raison du caractère déclaratif de celui-ci sans contrôle réel et de la réalité d’un appauvrissement majeur de la sexualité chez une majorité des couples.
Les effets de l’environnement qui sont en début d’analyse vont permettre à moyen terme la mise en place de politiques de prévention.

2- AMP et Sociétés
L’accès à l’AMP reste dépendant des conditions de prise en charge matérielle de celle-ci. Le niveau de reste à charge conditionne le volume de l’activité, notamment pour les situations de chances faibles de succès. Le seuil minimal est différent pour les couples, les praticiens et le financeur. Il dépend aussi de l’acceptabilité et de la disponibilité du don de gamètes dans chaque pays.  L’avenir de l’AMP dans le monde sera dépendant des décisions prises à ce sujet qui seront intègreront sans doute les réalités des besoins démographiques. Dans les pays européens l’AMP contribue entre 3 et plus de 5% des naissances totales, ce qui n’est pas neutre sur les réflexions politiques dans des contextes de natalité entrainant des régressions démographiques.

L’acceptation de modes de vie différents du contexte hétérosexuel dans la plupart des pays est en partie contemporaine du développement de l’offre d’AMP.
Celle-ci a ainsi apporté une réponse « médicalisée » aux demandes de parentalités différentes. Tous les pays n’ont pas autorisé ni organisé ces prises en charge dans les mêmes conditions juridiques et financières, ce qui a créé un nomadisme médical important et des inégalités entre les populations.
Les praticiens de l’AMP ne sont pas unanimes sur le champ et les modalités qui leur sont acceptables et sur le ressenti du changement de leur place initiale de « soignants » qui traitaient une infertilité de cause médicale. Pour autant ces prises en charge feront partie de l’avenir de l’AMP dans une régulation des professionnels que nous pouvons espérer de bon sens au regard, d’un côté de blocages ne respectant pas les principes d’autonomie et de justice et de l’autre côté de dérives mercantiles ou techniques, de risques pour la femme et l’enfant et de l’absence de bienfaisance.

Conclusions
L’avenir technique de l’AMP est toujours devant elle et il verra les résultats poursuivre une certaine amélioration. Au début des années 80, le taux de naissances était autour de 3% par cycle pour des indications pures de FIV et les gains progressifs ont été marqués par des bonds importants (agonistes) ou des ouvertures d’indications (ICSI).
La stabilisation des résultats actuels est une résultante des améliorations techniques et de la dégradation du case mix.
Ce métier encore jeune sera pratiqué probablement dans des centres avec des praticiens exclusifs répondant ainsi à l’attente des couples de bénéficier de structures organisées et adaptées à leurs besoins techniques et humains.

 
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