FISH sur spermatozoïdes : où en sommes-nous aujourd’hui ?

Résumé de la présentation (Dr Elena GARCIA MENGUAL)

Sistemas Genomicos, Valancia, Spain.

Une cellule aneuploïde se caractérise par la présence d’un nombre de chromosomes différents de la norme (euploïde), soit par excès soit par défaut. Au niveau zygotique l’aneuploïdie d’un embryon peut apparaître à cause de l’altération des processus post-mitotiques qui auraient lieu pendant le développement embryonnaire. Cependant, dans la plupart des cas, l’aneuploïdie embryonnaire a son origine au moment de la gamétogenèse à cause d'erreurs dans la méiose, ce processus anormal pour avoir lieu chez l’ovocyte ou le spermatozoïde.

Les résultats de nombreuses études épidémiologiques dans les années 1980 (Plachot et collaborateurs1) ont montré que l’aneuploïdie des embryons avaient pour origine une incidence d’aneuploïdie de 26% pour les ovocytes matures et du 8% pour les spermatozoïdes. Compte tenu du 8% d’aneuploïdie généré lors du processus de fécondation, la probabilité théorique d’aneuploïdie post-zygotique serait du 38%.

L’espèce humaine se caractérise par une importante mortalité prénatale dont l’aneuploïdie est la principale cause. La plupart des conceptus aneuploïdes sont éliminés sous forme d’avortements ultra-précoces non détectables cliniquement. Dans ce sens il faut souligner le caractère fortement délétère des monosomies qui généralement conduisent à des fausses couches ultra-précoces (avant la fin de la deuxième semaine de gestation), sauf pour la monosomie X aussi connue comme syndrome de Turner qui peut arriver à naître. Malgré tout, le 0,6% des conceptus aneuploïdes échappe à la sélection naturelle et la grossesse peut arriver à terme, c’est le cas des trisomies pour les chromosomes 13, 18, 21, X et Y et la monosomie X.

Sur ce scénario, les études de FISH (fluorescent in-situ hybridization) sur spermatozoïdes, qui ont pour objectif de déterminer quelle est la fréquence de spermatozoïdes aneuploïdes sur l’éjaculat, deviennent un outil d'aide potentiel dans le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA). En effet, ils permettront d’établir un pronostic du devenir de cet échantillon spermatique vis-à-vis du risque relatif pour les embryons générés in vitro. Si des anomalies sont détectées, le risque pour les embryons est alors abordé et le diagnostic préimplantatoire (DPI) envisagé.

Au cours des vingt dernières années, de nombreuses publications ont identifié certains patients qui pourraient bénéficier de ces études : patients avec caryotype normal et facteur masculin (oligozoospermies, teratozoospermies, oligoastenoteratozoospermies) ; après chimiothérapie ou radiothérapie ; voir même certains patients avec des paramètres spermatiques normaux  qui peuvent aussi produire des taux élevés de spermatozoïdes aneuploïdes. Ainsi, l’étude de FISH sur spermatozoïdes serait indiquée dans des cas de couples qui présentent des fausses couches à répétition ainsi que des échecs d’implantation en AMP 2–5.

Cependant, de nos jours la mise en œuvre des études de FISH sur spermatozoïdes dans la routine clinique reste encore limitée à cause de certains inconvénients :

  1. Pour atteindre la puissance statistique nécessaire pour une quantification précise il faut analyser un large nombre de spermatozoïdes. Á ce sujet, la mise au point et la validation de systèmes automatisés permettent d’analyser un grand nombre de cellules par échantillon, ceci rend la technique plus accessible6.
  2. Pour obtenir un profil d’aneuploïdie le plus réel possible, il faut non seulement analyser les taux de disomies et de diploïdies, mais aussi les taux de nullisomie, ce qui est plus difficile en raison de l’absence de signal fluorescent du chromosome qui peut être du soit à une réelle nullisomie, soit à un problème de fixation de la sonde fluorescente sur un chromosome pourtant présent. Pourtant connaître de manière fiable le taux de nullisomie est important dans la mesure où une monosomie de l’embryon est très délétère pour son développement. Sur ce point les systèmes automatisés garantissent l’évaluation de la nullisomie, ce qui est plus complexe pour le système manuel.
  3. Plus le nombre de chromosomes testés est élevé, plus le test sera précis. D’habitude les études de FISH incluent 5 chromosomes (13, 18, 21, X et Y). Uniquement quelques laboratoires offrent la possibilité d’étudier des chromosomes supplémentaires (normalement les chromosomes 15, 16, 17 et 22 qui sont liés á une infertilité masculine ainsi qu’a échecs d’implantation) fournissant une étude de sept ou neuf chromosomes.
  4. Concernant l’établissement des seuils de normalité, il n’y a pas de consensus au niveau clinique pour le traitement statistique des résultats du FISH sur spermatozoïdes. Sur ce point, récemment une approche statistique pour les études de FISH spermatique a été proposée4, qui permet de catégoriser le résultat d’un patient comme normal ou altéré par comparaison de l’étude de l’aneuploïdie spermatique dans une population fertile.

D’autre part, étant donné que les processus d'analyse ne sont souvent pas normalisés, il faut souligner la nécessité et la complexité pour chaque laboratoire de déterminer ses propres seuils d'aneuploïdie spermatique en fonction de la technique utilisée et de la population témoin utilisée.

En cas d’infertilité masculine, l’étude de l’aneuploïdie spermatique (FISH) fournit une valeur pronostique sur l’aneuploïdie embryonnaire dans le cadre d'un bilan pré-PMA, ou après des échecs répétés de PMA. Chez les patients avec un taux élevé d’aneuploïdie spermatique le recours au DPI peut être envisagé. Ces informations devraient alors être communiquées aux patients dans le cadre d'un conseil génétique du couple, ceci leur permettrait de prendre des décisions concernant leur avenir en matière de procréation en fonction de leurs risques.

Note : Il est important de détailler que l’information traitée sur ce résumé fait référence exclusivement aux études réalisées chez des patients avec caryotype somatique normal. L’application des techniques cytogénétiques chez des patients porteurs de réarrangements chromosomiques numériques (47, XXY ; 47, XYY) ou structurels (translocations, inversions) doit être traitée compte tenu des conditions particulières dans chaque cas.

 

Commentaire sur la présentation (Patrice CLEMENT)

Le concept de réaliser une analyse de l’aneuploïdie des spermatozoïdes devant des échecs d’assistance médicale à la procréation dont on sait qu’une grande partie est liée à des aneuploïdies des embryons est intéressant. Ceci étant, il est probable que cette aneuploïdie embryonnaire soit plus liée à des taux élevés d’aneuploïdie ovocytaire (notamment en fonction de l’âge de la femme) qu’à des taux d’aneuploïdies spermatiques.

D’autre part, l’analyse de l’aneuploïdie spermatique est souvent réalisée par l’étude uniquement de 5 chromosomes (13, 18, 21, X et Y), les laboratoires utilisant pour cette techniques les kits d’analyses utilisés en diagnostic prénatal pour la recherche des principales aneuploïdies fœtales pouvant aller jusqu’à la fin de la grossesse. Il n’y a donc pas une exhaustivité de l’analyse des chromosomes et le taux d’aneuploïdie globale est fait par extension de l’analyse des 5 chromosomes étudiés. L’analyse automatisée présentée par le Dr GARCIA MENGUAL est faite dans très peu de laboratoires.

Il est également important de noter qu’il n’y a pas d’étude démontrant une relation directe entre le taux d’aneuploïdie du sperme et le pourcentage d’embryons aneuploïdes, certainement liée à la difficulté de trouver un seuil pertinent d’aneuploïdie spermatique au-delà duquel on peut penser qu’il y a un impact. C’est d’ailleurs un des problèmes majeurs d’interprétation de cette technique : connaître le seuil au-delà duquel on peut conclure à une anomalie. Il semble donc difficile de prendre la décision d’un diagnostic pré-implantatoire (DPI) uniquement sur la présence d’un taux d’aneuploïdie spermatique (cette indication de DPI étant d’ailleurs interdite aujourd’hui en France).

Un autre sujet qui doit être pris en compte est la présence ou non de la répétabilité du taux d’aneuploïdie entre différents éjaculats d’un même patient.

Pour toutes ces raisons, il semble que cet examen doit être demandé dans des indications précises comme par exemple la présence d’une macrozoospermie, après une chimiothérapie, ou devant des échecs répétés d’implantation en AMP avec un bilan féminin apparemment normal. Dans ces situations, il faudra également avoir une analyse pertinente du résultat, éventuellement sur plusieurs éjaculats pour prendre la décision de passer en don de sperme, décision difficile à prendre uniquement sur un taux d’aneuploïdie spermatique.

 

Références :

1. Plachot, M. et al. Are clinical and biological IVF parameters correlated with chromosomal disorders in early life: a multicentric study. Hum. Reprod. 3, 627–35 (1988).

2. Lewis, S. E. Is sperm evaluation useful in predicting human fertility? Reproduction 134, 31–40 (2007).

3. Tempest, H. G. & Martin, R. H. Cytogenetic risks in chromosomally normal infertile men. Curr Opin Obs. Gynecol 21, 223–227 (2009).

4. García-Mengual, E. et al. Male infertility: establishing sperm aneuploidy thresholds in the laboratory. J. Assist. Reprod. Genet. 3, (2019).

5. Rives, N. et al. Sperm aneuploidy after testicular cancer treatment: data from a prospective multicenter study performed within the French Centre d’Étude et de Conservation des Oeufs et du Sperme network. Fertil. Steril. (2017).

6. Sarrate, Z. et al. The use of fluorescence in situ hybridization analysis on sperm : indications to perform and assisted reproduction technology outcomes. (2019).

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.