Best Of ESHRE & ASRM : le meilleur de la fertilité

New York, mars 2019, la date est prise pour cette édition du Best of ESHRE & ASRM. Les deux plus importantes sociétés savantes en fertilité se réunissent annuellement pour présenter une version best of de l’état de l’art, des innovations et des nouvelles connaissances dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation, le tout présenté par des invités de renom dans une session plénière réunissant plusieurs milliers de personnes.

Cette année, les organisateurs ont mis en place des sessions pour ou contre où chaque orateur présente ses arguments. Il s’agit de débats, parfois très animés, selon le sujet et selon les convictions propres de chacun des orateurs. Un format interactif, intéressant… Aperçu des différentes discussions ayant eu lieu.

Freeze all for all?

Pour - Bruce Shapiro (Fertility Center of Las Vegas) :

    • Le taux de succès à la décongélation est le facteur limitant pour le succès de la stratégie freeze all : les centres avec une bonne stratégie de cryopréservation ont un bon taux de succès à la décongélation et peuvent atteindre des taux d’implantation après transfert d’embryon congelé aussi bon voir meilleurs qu’après transfert frais.
    • Aux Etats Unis, en 2016, sur les 14200 cycles de TEC, le taux d’implantation et le taux de naissance vivantes par transfert étaient supérieurs à celui des 9149 cycles avec transfert d’embryon frais (42.6 vs 22.0 et 42.7 vs 27.4, p<0.05) et le nombre de cycles congelés supérieur au nombre de cycles frais.

Contre - Abha Maheshwari (University of Aberdeen, UK)

  • L’orateur a contré les arguments de Shapiro en avançant les dommages embryonnaires potentiellement réalisées par la vitrification (Yamanaka et al)
  • Par ailleurs, en cas de vitrification, on note un risque relatif plus important de prématurité, d’hypotrophie et d’hémorragie du post-partum (Sha et al, Londra et al)
  • En outre, Maheshwari a mis en garde contre les conséquences épigénétiques de la congélation embryonnaire

ICSI for all?

YES - Gianpiero Palermo (Weill Cornell Medical College, New York) :

  • Palermo, qui a développé l’ICSI à Bruxelles en 1992 avant d’être recruté dans le centre de Cornell à New York, a précisé que Cornell est passé de 45% d’ICSI dans les années 1990 à plus de 75% aujourd’hui. Dr Palermo se montre rassurant quant à une augmentation du pourcentage d’ICSI. Il appuie son argument en présentant les résultats de Cornell. Les taux de succès obtenus en ICSI sont satisfaisants et le suivi des 11000 enfants nés d’ICSI à Cornell ne montre pas de recrudescence d’anomalies, malformations ou troubles du développement.
  • Lorsqu’un patient a une cryptozoospermie sévère, lorsqu’un couple a des échecs inexpliqués d’ICSI, ou même lorsque le taux de fragmentation de l’ADN est augmenté (technique SCSA), le centre de Cornell pose l’indication d’un prélèvement chirurgical (biopsie testiculaire ou ponction épididymaire selon le contexte clinique). Palermo présente les résultats de 1200 ponctions épididymaires et 1900 biopsies testiculaires effectuées à Cornell. Les taux de grossesse sont significativement meilleurs dans le cadre des ponctions épididymaires par rapport aux biopsies testiculaires et ils sont meilleurs dans les cycles synchrones que dans les cycles asynchrones, quel que soit le groupe de traitement.
  • Palermo s’est montré rassurant quant à la généralisation de la pratique de l’ICSI dans le monde, car de nombreuses études montrent une absence de recrudescence d’anomalie néo-natales (Belva, Knoester Leunens, Goldbeck)

NO - Luca Gianaroli (Sismer Reproductive Medicine Unit, Bologna, Italy)

  • Gianaroli présente les taux d’utilisation de l’ICSI dans le monde (figure)
  • Pour les couples avec un facteur masculin d’infertilité, les deux auteurs sont d’accord quant aux bénéfices de l’ICSI.
  • Cependant, Gianaroli a également fait une revue de la littérature au sujet des autres indications de l’ICSI
    • Insuffisance Ovarienne : meilleur taux de fécondation en ICSI mais taux de naissance similaires en FIV et ICSI (Guo et al)
    • Age maternel avancé : taux de naissance équivalents (grossesse, accouchement) (Tannus et al)
    • Infertilité inexpliqué : taux de succès équivalents (implantation, fausse couche, accouchement) (Boulet et al)

Spermogramme diagnostique : est-ce le moment de faire une mise à jour?

Contre : Alan Pacey (University of Sheffield, UK)

  • Alan Pacey a tout d’abord présenté les avantages du spermogramme diagnostique. Il s’agit d’une technique peu couteuse, facile à réaliser, consensuelle (WHO guide 2010) et dont l’interprétation est aisée.
  • Malgré tout, il s’agit également d’une technique qui a des inconvénients comme la variabilité inter-laboratoire, surtout sur la morphologie spermatique. Pacey cite enfin les recommandations de la British Fertility Society qui précisent que le meilleur facteur pronostic est la concentration de spermatozoïdes mobiles progressifs.
  • Finalement, Pacey considère les nouveaux tests comme des effets de mode et se pose la question de leur utilité à l’ère de l’ICSI.

Pour : Christopher de Jonge (Andrology, University of Minnesota Medical Center, Minnapolis)

  • De Jonge pointe les mêmes inconvénients que Pacey concernant le spermogramme diagnostique. Il ajoute également que le spermogramme néglige la composition du plasma séminal, s’intéresse à la quantité plutôt qu’à la qualité des spermatozoïdes,
  • Il présente ensuite quelques tests qui peuvent être réalisés de façon conjointe au spermogramme
    • Cap-Score : mesure le pourcentage de spermatozoïdes aptes à effectuer la capacitation. L’étude de Schinfeld montre que les scores obtenus sont différents entre un groupe de patients ayant déclenché une grossese ou non, p<0.01. Selon l’auteur, Cap score pourrait donc prédire l’obtention d’une grossesse
    • Hyaluronan : un composé du cumulus oophorus qui permet de lier les spermatozoïdes matures et de bonne qualité afin de les sélectionner avant ICSI. L’orateur n’a pas présenté d’études validant cet examen.
    • Fragmentation de l’ADN : l’auteur parle du SCSA comme étant une méthode permettant d’évaluer un grand nombre de spermatozoïdes de façon standardisée afin de prédire le succès en AMP (Virro, Bungum, Menezo).
    • De Jonge présente finalement une étude d’IRM sur des spermatozoïdes vivants afin d’obtenir des informations sur les molécules présentes au sein des spermatozoïdes et ainsi d’étudier le fonctionnement des gamètes masculines à la recherche d’un facteur prédictif de l’obtention d’une grossesse (Reynolds et al)

Ce sommet scientifique est l’occasion d’une mise à jour des connaissances délivrés par des experts du domaine. Le programme, sous forme de débats, a permis de mettre en exergue des différences de pratiques entre les différents pays, essentiellement dues à des différences de prise en charge financière de l’AMP en fonction des pays. Il en découle des différences de prise en charge thérapeutique entre les différents pays qui rendent la comparaison difficile à l’échelle internationale.

 
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