Acétate d’ulipristal et SPRM pour le traitement des fibromes

Nouvelle stratégie thérapeutique pour les fibromes symptomatiques
Menace sur l’utilisation de ces nouveaux traitements

A ce jour, 50 % des femmes caucasiennes et 80 % des femmes afro-caribéennes présentent des fibromes qui sont symptomatiques une fois sur trois. Les saignements utérins sont présents dans 75 % des cas et la douleur peut être le seul symptôme dans 25 % des cas (1). Au moment du diagnostic, une femme sur deux présente des stigmates cliniques et biologiques d’une anémie.

Cependant, plus de deux fois sur trois, la découverte d’un fibrome au décours d’un examen clinique, d’une échographie ou d’une autre imagerie, chez des femmes ne présentant aucune plainte, justifie de s’abstenir de toute prise en charge médicale ou chirurgicale comme d’une surveillance spécifique.

Le lien entre fertilité et myome est inférieur à 10 %. L’objectif de la prise en charge reste la restauration d’une cavité utérine normale. Seuls les fibromes type 0, 1 ou 2 justifient un traitement hystéroscopique pour reconstituer une cavité utérine apte à l’implantation. Pour les fibromes type 3 à 5, même si on observe une diminution de 20 % du taux de grossesses, aucune étude n’a, à ce jour, démontré que la réalisation d’une myomectomie permettait de corriger la diminution de fertilité, que ce soit en fertilité spontanée ou en assistance médicale à la procréation. Les progrès des procréations assistées et les possibilités de dons de gamètes ou d’embryons justifient, quel que soit l’âge, la préservation ou la restauration de la cavité utérine. Il faut à tout prix éviter les chirurgies inutiles afin d’éviter le risque de synéchies observées, aussi bien après chirurgie hystéroscopique qu’après ablation par voie abdominale (cœlioscopique ou laparotomique) des fibromes (2) et les adhérences intra-abdominales quelle que soit la voie d’abord et ceci malgré l’utilisation de produits anti-adhérentiels.

L’acétate d’ulipristal (UPA) (EsmyaÒ), le premier SPRM commercialisé en France depuis 2013 a permis une diminution de 25 % des actes opératoires pour les patientes ayant reçu une séquence thérapeutique de trois mois (3) associée à une diminution des coûts de santé (4).

Dans le même temps, deux autres SPRM non encore commercialisés en France ont démontré leur efficacité pour le traitement des saignements, mais aussi pour une diminution significative du volume des fibromes avec une diminution du nombre d’interventions. Ces médicaments sont le Vilaprisan (5) et l’Asoprisnil (6). Dans toutes les études récentes, les SPRM permettent de façon significative d’éviter ou de différer la chirurgie, cette efficacité étant due à l’effet d’apoptose cellulaire engendrée par l’utilisation de ces traitements. Cet effet est par ailleurs majoré par l’utilisation concomitante de la vitamine D qui stimule l’action des SPRM en augmentant l’effet d’apoptose cellulaire (7).

Une alerte européenne a été lancée en 2018 concernant quatre cas d’atteintes hépatiques sévères ayant abouti à une transplantation hépatique et d’autres cas d’insuffisance hépatique réversible dès l’arrêt du traitement par EsmyaÒ. Après enquête, le PRAC et l’EMA qui sont les deux instances européennes évaluant les traitements, ont confirmé sur le plan européen le rapport bénéfice-risque favorable de cette molécule. Le risque d’hépato-toxicité est de l’ordre de 1 pour 100 000, ce qui impose de faire un contrôle des transaminases (ASAT et ALAT) avant le début du traitement et en cours de traitement. Cette précaution est appliquée depuis 9 mois en France et il est important de noter qu’il n’y a eu aucun signalement de pathologies hépatiques sévères liées à l’utilisation de cette molécule, ce qui semble en lien avec le fait que les SPRM ne semblent pas induire de pathologies sur un foie sain.

Cette morbidité observée avec l’emploi de l’EsmyaÒ est à rapprocher de celle observée au décours d’un acte opératoire. Boyd (8), sur 146 494 hystérectomies pour indication bénigne, observe un taux de mortalité de 150 pour 100 000. En France, à partir des données PMSI sur 41 996 hystérectomies pratiquées en 2017, le taux de mortalité est de 20 pour 100 000. La morbidité est quant à elle de l’ordre de 2 000 pour 100 000 interventions en lien avec des plaies urinaires, digestives, vasculaires, des complications hémorragies et infectieuses.

Il apparaît donc, malgré le risque hépatique des SPRM en grande partie annihilé par la surveillance des transaminases, que l’utilisation de ces traitements retarde ou supprime dans plus de 25 % des cas les indications opératoires (9).

L’Agence européenne a cependant spécifié que seules les patientes en âge de procréer non éligibles à la chirurgie pourraient bénéficier d’un traitement par EsmyaÒ. Ces patientes sont représentées par celles qui ne souhaitent pas être opérées, même si on leur propose un acte opératoire pour prendre en charge leurs symptômes, celles présentant un risque anesthésique marqué par un score ASA (American Society of Anesthesiology) à partir de 3, les patientes déjà opérées d’une première myomectomie par voie abdominale pour éviter les risques de ré-intervention et les patientes présentant une obésité morbide (BMI > 35).

Le souhait de maintenir les possibilités de procréation, quel que soit l’âge, est probablement une indication au traitement médical pour éviter ou limiter les conséquences des actes opératoires. Enfin les patientes qui devaient être opérées, et pour qui l’EsmyaÒ est proposé à visée préopératoire pour corriger l’anémie ou modifier le volume du fibrome pour faciliter l’acte opératoire, peuvent être également une cible de la poursuite du traitement médical ou de son arrêt à partir du moment où les symptômes liés aux fibromes ont disparu.

Ainsi il apparaissait inéluctable que l’UPA et les futurs SPRM allaient s’impliquer dans la prise en charge conservatrice du traitement des fibromes renforcé par le désir de plus en plus marqué des femmes souhaitant garder leurs possibilités de procréation. Dans cette dernière situation, l’embolisation étant clairement contre-indiquée en raison du risque de synéchies et de complications obstétricales, l’emploi des SPRM se trouve encore plus justifié.

Malgré les décisions européennes de l’EMA et la démonstration par les études de suivi longitudinales en vie réelle de l’efficacité clinique de l’UPA et des autres SPRM prochainement commercialisés, la Haute Autorité de Santé a demandé en mars 2019 un déremboursement considérant que ce traitement représentait une perte de chance pour les femmes.

Cette décision singulière, unique en Europe, qui ne prend pas en compte le rapport bénéfice-risque favorable des SPRM, est incompréhensible.

Si cette décision était maintenue, celle-ci aurait pour conséquence de réduire les options thérapeutiques dans la prise en charge des fibromes, supprimant de fait le seul traitement médical dont l’efficacité a été démontrée pour cette pathologie fréquente. Elle supprimerait également en France le développement actuellement en cours d’évaluation dans des études de phase 3 des SPRM dans d’autres indications comme l’adénomyose et l’endométriose.

Dans ce contexte, il serait dangereux de se laisser influencer par des fausses informations relayées par les réseaux sociaux et les associations de patientes. Il apparait indispensable aux gynécologues médicaux et chirurgicaux d’utiliser le résultat des travaux scientifiques publiés pour confirmer les bonnes indications de l’emploi des SPRM. Par contre, il apparait évident que seules les indications démontrées, sur la base d’essais thérapeutiques ou d’essais de cohorte et donc à ce jour essentiellement dans la pathologie fibromateuse, justifient l’emploi de l’EsmyaÒ et des SPRM.

 

Références

1.  Fernandez H, Chabbert Buffet N, Allouche S. [Prevalence of uterine fibroids in France and impact on quality of life: results of a survey among 2500 women between 30-55 years]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 2014;43(9):721-7.

2.  Capmas P, Pourcelot AG, Fernandez H. Are synechiae a complication of laparotomic myomectomy? Reprod Biomed Online. 2018;36(4):450-4.

3.  Fernandez H, Marret H, Solignac C, Allouche S. Modalities of ulipristal acetate (UPA) use and impact on the myoma management in France: real life data of SNIIRAM analysis shows a positive impact of surgery decrease. SEUD Congress 2019 Montréal Canada. 2019.

4.  Fernandez H, Jourdain O, Villefranque V, Lehmann M, Lafuma A, Trancart M. Economic impact of ulipristal acetate on surgical procedures for uterine fibroids in France. BMJ Open. 2017;7(9):e015571.

5.  Bradley LD, Singh SS, Simon J, Gemzell-Danielsson K, Petersdorf K, Groettrup-Wolfers E, et al. Vilaprisan in women with uterine fibroids: the randomized phase 2b ASTEROID 1 study. Fertil Steril. 2019;111(2):240-8.

6.  Stewart EA, Diamond MP, Williams ARW, Carr BR, Myers ER, Feldman RA, et al. Safety and efficacy of the selective progesterone receptor modulator asoprisnil for heavy menstrual bleeding with uterine fibroids: pooled analysis of two 12-month, placebo-controlled, randomized trials. Hum Reprod. 2019;34(4):623-34.

7.  Paffoni A, Somigliana E, Vigano P, Benaglia L, Cardellicchio L, Pagliardini L, et al. Vitamin D status in women with uterine leiomyomas. J Clin Endocrinol Metab. 2013;98(8):E1374-8.

8.  Boyd LR, Novetsky AP, Curtin JP. Effect of surgical volume on route of hysterectomy and short-term morbidity. Obstet Gynecol. 2010;116(4):909-15.

9.  Fernandez H, Schmidt T, Powell M, Costa AP, Arriagada P, Thaler C. Real world data of 1473 patients treated with ulipristal acetate for uterine fibroids: Premya study results. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2017;208:91-6.

 
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