Y a-t-il un bénéfice à proposer la vaccination anti-HPV après le traitement d’une CIN2-3 ?

Lecture critique de l’article : Kang et al. Is vaccination with quadrivalent HPV vaccine after loop electrosurgical excision procedure effective in preventive recurrence in patients with high-grade cervical intraepithelial neoplasia ? Gynecol Oncol 2013;130:264-8

Peut-il y avoir un bénéfice à proposer une vaccination anti-HPV à une patiente qui vient de subir une résection à l’anse diathermique pour le traitement d’une CIN2-3 ? Voilà une des questions les plus fréquemment posées par les gynécologues mais aussi les patientes depuis que le vaccin anti-HPV est disponible. Il faut d’ailleurs reconnaître la légitimité de cette question. L’infection naturelle à HPV étant avant tout une infection loco-régionale dont le pouvoir immunogène naturel est limité, il est logique de se demander dans quelle mesure la réalisation d’une vaccination anti-HPV permettrait d’optimiser la réponse immunitaire et la clairance virale et donc le risque de récidive des patientes traitées d’une CIN2-3. Mais à cette logique s’opposent plusieurs éléments, tout aussi logiques. Le vaccin anti-HPV a été élaboré exclusivement dans un objectif de prévention primaire et mis sur le marché dans ce seul but. La cible prioritaire de cette vaccination est la jeune fille n’ayant pas été encore exposée aux HPV 16 et 18 comme en témoigne l’abaissement récent de l’age de la vaccination anti-HPV aux jeunes filles de 11 à 14 ans (1, 2). La possibilité d’une vaccination de rattrapage, si elle permet de maintenir une efficacité vaccinale, ne permet pas une efficacité optimale et celle-ci ne sera en aucun cas comparable à celle obtenue lors de la vaccination de populations naïves. Les études randomisées menées sur ce point ont d’ailleurs montré que la vaccination de populations non naïves ne permettait de prévenir efficacement l’infection à HPV et ses conséquences que pour les types viraux auxquels la patiente n’avait pas déjà été infectée (3-5).

Mais tous ces arguments restent de l’ordre de la discussion et aussi logiques soient-ils, ils ne permettent pas de répondre objectivement à la question de l’intérêt d’une vaccination après le traitement d’une CIN2-3 ; seule la réalisation d’études prospectives randomisées permettrait de trancher. Jusqu’à ce jour, la seule chose connue sur l’impact de la vaccination sur la prévention des récidives est que celles-ci seraient moins fréquentes chez des patientes ayant été vaccinées contre l’HPV avant le traitement de leur lésion cervicale (6). Une étude récemment publiée apporte enfin pour la première fois un élément de réponse en montrant une réduction significative des récidives observées chez les patientes ayant bénéficié d’une vaccination quadrivalente complète démarrée dans la semaine suivant la résection d’une CIN2-3 (7). Dans ce groupe (n=360), une récidive (CIN2-3 diagnostiquée au moins 6 mois après la résection initiale) était observée dans 2,5 % contre 7, 2 % chez les patientes n’ayant pas bénéficié de la vaccination (n=377). En analyse multivariée, tenant compte entre autres du statut des marges de résection, l’absence de vaccination était associée à un risque significativement accru de récidive de la CIN2-3 à 6 mois et plus (HR : 2,840 ; IC à 95 % : 1,335-6,042 ; p<0,01). On notera que le risque de récidive le plus marqué était observé pour les résections en marges non saines (HR : 4,869 ; IC à 95 % : 2,365-10,221 ; p<0,001).

Les résultats de cette étude suggèrent dont une efficacité de la vaccination anti-HPV quadrivalente après le traitement d’une CIN2-3 pour prévenir une récidive à 6 mois et plus. Néanmoins, ces résultats doivent être considérés avec de grandes précautions avant d’en tirer toute conclusion. Il s’agit tout d’abord d’une étude rétrospective souffrant des biais inhérents à ce genre de publication. On peut ainsi se poser des questions sur les critères précis de sélection des patientes incluses. On peut également regretter l’absence d’analyse spécifique du sous-groupe des patientes pour lesquelles les marges de résection étaient saines. Cette étude a pourtant de nombreux points forts : il s’agit d’une étude réalisée en toute indépendance avec l’industrie, le nombre de cas étudié est important et avec un suivi rigoureux et prolongé sur une durée moyenne de 3,5 ans, suffisante pour couvrir la grande majorité des récidives, mais la méthodologie utilisée ne permet pas de répondre à la question posée avec un niveau de preuve suffisant. Il s’agit enfin de la seule étude sur ce sujet et d’autres études étude méthodologiquement plus solides sont indispensables avant de pouvoir répondre à la question de l’intérêt de la vaccination post-conisation. Seule la réalisation d’une étude prospective randomisée permettra de répondre clairement à cette question. On ne peut d’ailleurs que s’étonner que près de 10 ans après la mise au point du vaccin anti-HPV, il s’agisse de la seule étude ayant tenté de répondre à cette question pourtant largement débattue.

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  1. Avis du 28 septembre 2012 relatif à la révision de l’âge de vaccination contre les infections à papillomavirus des jeunes filles
    http://www.hcsp.fr/explore.cgi/hcspa20120928_agevaccpapilljeunesfilles.pdf
     
  2. Le Calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2013. BEH 2013 ;14,15 :13-58.
     
  3. The FUTURE II Study Group. Quadrivalent vaccine against human papillomavirus to prevent high-grade cervical lesions. N Engl J Med 2007;356:1915–27.
     
  4. The FUTURE II Study Group. Effect of prophylactic human papillomavirus L1 virus-like-particle vaccine on risk of cervical intraepithelial neoplasia grade 2, grade 3 and adenocarcinoma in situ: a combined analysis of four randomised clinical trials. Lancet 2007;369:1861–8.
     
  5. Paavonen J, Naud P, Salmeron J, Wheeler CM, Chow SN, Apter D, et al. Efficacy of human papillomavirus (HPV)-16/18 AS04-adjuvanted vaccine against cervical infection and precancer caused by oncogenic HPV types (PATRICIA): final analysis of a double-blind, randomised study in young women. Lancet 2009;374:301–14.
     
  6. Joura EA, Garland SM, Paavonen J, Ferris DG, Perez G, Ault KA. Effect of the human papillomavirus (HPV) quadrivalent vaccine in a subgroup of women with cervical and vulvar disease: retrospective pooled analysis of trial data. BMJ 2012;344:e1401.
     
  7. Kang DW, choi HS, Kim SM. Is vaccination with quadrivalent HPV vaccine after loop electrosurgical excision procedure effective in preventive recurrence in patients with high-grade cervical intraepithelial neoplasia ? Gynecol Oncol 2013;130:264-8

 
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