Bénéfices de la chimiothérapie avec hyperthermie intrapéritonéale (CHIP) lors de la chirurgie d’intervalle après chimiothérapie néoadjuvante pour le traitement initial du cancer de l’ovaire de stade III

Cet essai prospectif multicentrique randomisé hollandais récemment publié dans le New England Journal of Medicine a évalué le bénéfice de la chimiothérapie avec hyperthermie intrapéritonéale (CHIP) pour le traitement initial de patientes ayant un cancer de l’ovaire de stade 3 et ayant bénéficié d’une chimiothérapie néo adjuvante.1 Au total, ce sont 245 patientes qui ont été incluses dans cet essai. Toutes avaient bénéficié initialement de 3 cures de chimiothérapie néo adjuvante combinant l’administration de Carboplatine et de Paclitaxel pour la prise en charge initiale d’un cancer de l’ovaire de stade III dont l’extension de la maladie ne permettait pas d’envisager une chirurgie initiale de cytoréduction complète ou ayant eu une chirurgie initiale incomplète. Les patientes ont été incluses au moment de la chirurgie d’intervalle et étaient randomisées en deux groupes. Le premier groupe de patientes a bénéficié d’une chirurgie de cytoréduction complète conventionnelle par laparotomie (n=122) alors que le second recevait une CHIP en plus de la chirurgie (n=123). La CHIP était réalisée en une seule cure, au moment du geste chirurgical, et à la fin de celui-ci. Toutes les patientes recevaient ensuite 3 dernières cures de chimiothérapie reprenant la combinaison de Carboplatine et de Paclitaxel.

Les données du suivi des patientes montrent une supériorité de la CHIP avec une réduction du taux de récidive et de décès pour un suivi médian de 4,7 ans : 81 % vs. 89 %, respectivement (HR : 0,66 ; IC à 95 % : 0,5-0,87 ; p=0,003). La survie sans récidive médiane était allongée de 3,5 mois : 14,2 mois contre 10,7 mois pour les patientes ayant eu une chirurgie d’intervalle seule. Enfin, la réalisation d’une CHIP était associée à un gain de survie globale d’un an (11,8 mois) ; la survie globale médiane était de 45,7 mois pour les patientes du groupe CHIP contre 33,9 pour les autres. Si la CHIP était associée à une augmentation de la durée opératoire d’environ 2 heures, elle n’était pas associée à une augmentation de la morbi-mortalité post-opératoire immédiate. On notera par contre qu’elle était associée à une durée d’hospitalisation plus longue (10 jours vs. 8 jours) avec un séjour systématique en unité de soins intensifs pour les patientes ayant eu une CHIP et à un taux de stomie plus élevé (72 % vs. 43 %).

Si les résultats de cette étude sont encourageants pour le bénéfice de la combinaison d’une CHIP au moment d’une chirurgie d’intervalle en termes de survie sans récidive et surtout de survie globale, il faut néanmoins considérer ces résultats avec précautions et tenir compte des limitations de cette étude et de ses potentiels biais. Malgré sa randomisation et son caractère multicentrique, cette étude reste de petite taille avec seulement 245 patientes incluses et une différence de seulement 15 décès entre les deux groupes. L’absence de différence de morbidité entre les deux groupes, en particulier l’absence de morbidité rénale pourtant attendue après une CHIP est surprenante. Il est possible que ceci soit à rattacher à l’utilisation d’une cure unique de CHIP et non à la répétition de plusieurs cycles avec les cathéters laissés en place. L’administration systématique de thiosulfate de sodium au démarrage de la CHIP pour en prévenir la nephrotoxicité peut également être une explication. On ne peut en tous cas que regretter que l’étude ne précise pas les données de qualité de vie des patientes. On note surtout la possibilité d’un biais de confusion lié au niveau de pratique chirurgicale puisque, sur les 8 centres participants, le bénéfice de la CHIP sur la survie des patientes était le plus faible dans le centre ayant recruté le plus grand nombre de patientes (près de la moitié) et ayant donc la plus grosse expérience chirurgicale. Enfin, il faut également noter que cette étude s’affranchit des traitements médicaux modernes et ne s’inscrit que dans une prise en charge classique, qui n’est plus le reflet de nos prises en charge actuelles et futures. A l’heure du développement de traitements médicaux de plus en plus performants tels que les traitement anti-angiogéniques et les thérapies ciblées, cette étude ne permet malheureusement pas de situer le bénéfice de la CHIP par rapport ou en combinaison avec ces traitements

 

Pour en savoir plus

1. van Driel, W. J. et al. Hyperthermic Intraperitoneal Chemotherapy in Ovarian Cancer. N. Engl. J. Med. 378, 230–240 (2018).

 
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