Introduction
La coupe menstruelle est un moyen de protection hygiénique en forme d’entonnoir permettant de collecter le sang pendant les règles. Celle-ci a réellement fait son apparition en France dans la grande distribution au décours de l’année 2016.
La coupe menstruelle (CM) est fabriquée en silicone ou en TPE (élastomère). Son insertion dans le vagin est facilitée par une technique de pliage, et son retrait par la présence d’une tige ou d’un anneau à sa base.
Le retrait de la CM peut se faire en la pinçant, afin de supprimer l’effet ventouse (se faisant naturellement au niveau des parois vaginales), puis en la tirant par son extrémité inférieure.
Elle doit être vidée toutes les deux à six heures selon l’abondance du flux menstruel.
La coupe menstruelle est ré-utilisable à condition de la nettoyer à l’eau savonneuse à chaque retrait et de la stériliser à l’eau bouillante entre chaque cycle.
L’intérêt de cette protection hygiénique est à la fois économique (car ré-utilisable) et écologique (car permet d’éviter l’élimination d’une grande quantité de déchets liés à l’utilisation de tampons ou de serviettes classiques).
Etant fabriquée en silicone médical, un intérêt sanitaire peut également être souligné dans la mesure où la composition chimique des protections hygiéniques jetables fait actuellement débat. Le rapport d’expertise émis en juillet 2018 par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire met notamment en évidence la présence de toxiques dans les protections hygiéniques jetables sans que les seuils détectés n’aient d’impact sanitaires évident. (1)
Sur le plan infectieux, une étude datant de 2011 portant sur 406 femmes a montré qu’aucun des paramètres cliniques ou microbiologiques n’avaient été affectés chez les utilisatrices de la coupe menstruelle. Celle-ci n’avait pas entraîné de modification de leur épithélium cervical ou vaginal et les taux de Gardnerella vaginalis (responsable des vaginoses bactériennes), et de Staphylococcus aureus/S. aureus (responsable des syndromes de chocs toxiques), étaient considérés entre autres à des taux normaux. (2)
Une étude plus récente datant de 2018, menée en laboratoire par une équipe d’infectiologues, remet en question la précédente en montrant que la colonisation du S. aureus était plus importante sur les coupes menstruelles que sur les tampons. Cependant ce travail de recherche n’a pas été réalisée sur des femmes, mais in-vitro, et des souches de S.aureus ont été spécialement inoculés pour l’étude. Les auteurs ne concluent pas à une protection hygiénique plus sûre qu’une autre, mais à des niveaux de précaution similaires quant à leur utilisation. (3)
Une récente méta-analyse datant de 2019 ne montre quant à elle pas de risque accru d’infections (génitales ou systémiques) associé à l’utilisation de la CM en comparaison avec les tampons ou les serviettes hygiéniques. Son utilisation serait même associée à une diminution du risque infectieux comparé aux autres protections menstruelles. (4)
La coupe menstruelle est probablement la protection la moins connue du grand public, bien qu’elle tende à être médiatisée de plus en plus depuis ces dernières années.
Comme observé dans le travail de thèse de médecine de Van Den Broeck, son utilisation est plutôt bien acceptée par les femmes qui la voie globalement comme une alternative satisfaisante aux tampons et aux serviettes hygiéniques. (5)
Problématique
L’expérience clinique suggère toutefois d’éviter l’utilisation d’une coupe menstruelle lors du port d’un dispositif intra-utérin (DIU) en raison d’un possible effet de succion lorsque celle-ci est retirée. Cet effet pourrait potentiellement exercée une traction sur le DIU et le faire migrer.
L’ANSM a notamment émis en 2013 un bulletin de vigilance portant sur ce risque qui semblerait être majoré en cas d’utilisation de la coupe menstruelle. (6)
Cependant les données à ce sujet restent discutées car empirique, et peu d’études ont cherché à identifier s’il existait un risque significatif de migration ou d’expulsion d’un DIU dans ces conditions.
Objectif
Le but principal de cet article est d’évaluer l’état actuel des connaissances sur le risque de migration ou d’expulsion d’un DIU lors de l’utilisation régulière d’une coupe menstruelle.
Littérature
Le taux d’expulsion des DIU en population générale varie de 2,9% à 10% selon les études.
Les principaux facteurs de risque retrouvés dans la littérature liés à la migration ou l’expulsion d’un DIU sont le jeune âge (moins de 25 ans) (7)(11)(12), les antécédents d’adénomyose, de myomes utérins, les dysménorrhées, les ménorragies (8), les antécédents d’expulsion de DIU (8) et les suites d’interruption volontaire de grossesse (10). Les données concernant la parité sont quant à elles discordantes (certaines mettent en cause la nulliparité, d’autres la multiparité). Par ailleurs, le taux d’expulsion des DIU au cuivres semblerait supérieur en comparaison avec ceux à la progestérone (11).
L’étude menée au Canada et publié en 2012 par Wiebe et Trouton, a évalué le taux d’expulsion des DIU dans une population de 743 femmes en fonction des types de protection hygiéniques qu’elles utilisaient : tampons, serviettes, ou coupe menstruelle (à titre informatif, ces dernières représentaient 18% de l’échantillon de population). (13)
Un total de 36 expulsions de DIU a été retrouvé ce qui concernait 4,8% des femmes de l’étude.
Il n’a pas été observé de différence significative entre les types de protections hygiéniques utilisées et les taux d’expulsion des DIU dans les 6 à 8 semaines après leur pose. Ces taux étaient de valeur proche (3,4% chez les utilisatrices de CM, 2,4% chez celles utilisant des tampons, et 3,8% lorsque celles-ci utilisaient des serviettes).
La limite principale de cette étude est qu’elle observe le taux d’expulsion des DIU seulement 6 semaines après leur pose.
Hors la plupart des données de la littérature montrent que l’expulsion des DIU se fait en moyenne dans la première année qui suit la pose ou dans les 6 premiers mois. Il est donc possible que ce délai de 6 semaines soient trop limité pour mettre en évidence une association significative.
L’étude pilote menées en 2018 par Thouret dans le cadre d’une thèse de médecine a également évalué le taux d’expulsion des DIU dans un échantillon de population de 207 femmes dont 36% étaient utilisatrices d’une coupe menstruelle. (14)
Cette analyse a été faite en deux temps : après la pose le jour même, et à un an.
6,5% des femmes avaient expulsés leur DIU à un an dans cette étude (soit 12 femmes), avec un délai moyen d’expulsion d’environ 4 mois.
Aucune différence significative dans le taux d’expulsion des DIU n’a été observé le jour même de la pose entre les utilisatrices et les non utilisatrices de la coupe menstruelle.
Cependant, ce taux d’expulsion était significativement augmenté à un an chez les femmes utilisant une coupe menstruelle (13,1% versus 3,2%, p=0,01).
Cette étude remet en question l’utilisation de la coupe menstruelle chez les femmes porteuses d’un DIU.
Cependant sa faible puissance (12 femmes concernées par l’expulsion du DIU) nécessite de faire une étude à plus grande échelle afin de confirmer ou non ce résultat, et de suggérer ou non la contre-indication de l’utilisation de la CM dans cette situation.
Comprendre les mécanismes d’expulsion des DIU lors de l’utilisation de la CM permettrait également d’informer les femmes de façon éclairée, et de leur proposer d’éventuelles solutions préventives si elles souhaitent tout de même poursuivre l’utilisation de cette protection hygiénique.
L’auteur Rebecca Seal relate dans son article publié récemment en 2019, une série de sept cas de femmes ayant toutes expulsé leur DIU avec une utilisation concomitante de la coupe menstruelle. (15)
Le cas n°1 concerne une femme nulligeste de 25 ans portant un DIU au levonorgestrel. Une semaine après la pose, elle pense avoir pincé les fils de son DIU au moment du retrait de sa coupe mentruelle en la retirant, conduisant à une expulsion totale du DIU. Elle choisit ensuite d’en refaire poser un en arrêtant cette fois-ci l’utilisation de la CM. Neuf mois plus tard, son DIU est à nouveau expulsé (s’en qu’elle ait pu s’en apercevoir).
Dans le cas n°2, une nulligeste de 22 ans porteuse également d’un DIU au levonorgestrel explique avoir tiré les fils au moment du retrait de sa CM 24 jours après la pose de son DIU.
Une patiente également nulligeste de 25 ans dans le cas n°3, rapporte que 13 mois après la pose de son DIU hormonal, au moment du retrait de sa coupe menstruelle, les fils se seraient « coincés » dedans, donnant lieu à un épisode de crampes abdominales douloureuses accompagnées d’un malaise vagal. Une échographie met ensuite en évidence l’expulsion partielle du DIU. La patiente choisit ensuite de refaire poser un DIU avec les fils coupés cette fois-ci à ras du col, tout en poursuivant l’utilisation de sa CM. Huit mois plus tard, son DIU est à nouveau expulsé s’en qu’elle s’en soit aperçue.
Dans le cas n°4, une patiente nulligeste de 17 ans fait également état de l’expulsion de son DIU hormonal 6 mois après sa pose, lors du retrait de sa coupe menstruelle. La patiente opte ensuite pour la ré-insertion d’un DIU qui est à nouveau expulsé une semaine plus tard lors du retrait de sa CM.
Dans le cas n°5, une patiente nulligeste de 24 ans rapporte également des douleurs liées à l’expulsion de son DIU hormonal (4 mois après sa pose) au moment du retrait de sa coupe menstruelle. Son choix de contraception se tourne à nouveau vers la pose d’un DIU qui est à nouveau été expulsé 1 an plus tard sans arrêt d’utilisation de la CM.
Cas n°6 : une femme nulligeste de 23 ans, utilisatrice de la coupe menstruelle, possède un DIU au cuivre. Au bout de 10 mois la patiente présente une augmentation de son saignement menstruel. Une échographie montre une expulsion partielle de son DIU. Elle choisit d’en refaire poser un en continuant d’utiliser la CM, et présente deux mois plus tard une nouvelle expulsion partielle. Un troisième DIU au cuivre est ensuite posé avec interruption de l’utilisation de la CM. Cependant la patiente connait une nouvelle expulsion 10 mois plus tard.
Dans le cas n°7, une patiente nulligeste de 16 ans porteuse d’un DIU au levonorgestrel depuis 12 jours rapporte des ménorragies et des douleurs pelviennes. Une expulsion partielle du DIU est ensuite retrouvée.
La patiente pense que le DIU a probablement été délogé de son emplacement par la succion induite par la CM au moment de son retrait.
Son choix de contraception se porte à nouveau sur la pose d’un DIU avec les fils coupés à ras du col. Deux mois plus tard, le DIU est à nouveau expulsé sans que cela n’ait été remarqué.
Les auteurs suggèrent dans cet article, que l’utilisation d’une coupe menstruelle augmente le risque d’expulsion ou de migration des DIU, sans que de réelles conclusions puissent être tirées compte tenu des limites méthodologiques de l’étude.
Comme explication plausible dans le mécanisme d’expulsion des DIU, les auteurs évoquent l’effet de succion induit par la coupe menstruelle et la possibilité que les patientes tirent les fils du DIU au moment du retrait de celle-ci.
La taille et le matériau des types de CM utilisées pourrait également avoir un impact sur le mécanisme de migration des DIU, en induisant divers niveaux d’aspiration sur les différents modèles de DIU (exemple des DIU avec des ailettes vers le haut ou vers le bas).
Par ailleurs les auteurs, évoquent la possibilité que la composition du DIU (cuivre ou hormonal) entre en compte dans le mécanisme d’expulsion. Cependant cette hypothèse ne peut être davantage explorée avec l’effectif concerné dans cette étude et le biais de recrutement (six femmes porteuses d’un DIU hormonal versus une ayant un DIU au cuivre).
Cette série de cas est à interpréter avec prudence. Elle ne permet pas de mettre en évidence un lien de causalité direct dans la mesure où il n’existe pas de groupe de comparaison (témoin). De plus, elle ne permet pas de conclure à l’ampleur du phénomène.
Des investigations supplémentaires seraient nécessaires à plus grande échelle.
Dans cette étude, les femmes continuaient à expulser leur DIU malgré un arrêt d’usage de la coupe menstruelle, ce qui est contradictoire avec le risque suggéré par les auteurs, lié à son utilisation. Il est possible que les sept femmes concernées par cet échantillon étaient plus sujettes à expulser leur DIU (sur des facteurs de risques non mentionnés dans l’étude), et que l’utilisation de la coupe menstruelle soit un facteur confondant.
Conclusion
Deux des trois études disponibles actuellement dans la littérature sur le sujet, suggèrent un lien de causalité entre l’utilisation de la coupe menstruelle et l’expulsion des DIU.
Ces résultats restent à interpréter avec prudence compte tenu du peu d’études disponibles, de la taille des effectifs, et des limites méthodologiques.
Des études à plus grande échelles seraient nécessaires afin d’adapter les pratiques, telles que des études cas témoins avec des groupes de comparaison homogènes et un suivi des femmes pendant au moins un an après la pose de leur DIU.
En attendant, les résultats suggèrent de s’abstenir si possible de ce moyen de protection hygiénique si une femme est porteuse d’un DIU en attendant que des études valides à plus grands effectifs soient menées.
En cas d’utilisation de la coupe menstruelle tout de même souhaité par une patiente porteuse d’un DIU, il semble nécessaire de l’informer de façon éclairée des connaissances encore limitées sur le sujet et de l’inciter à pincer avec prudence sa coupe menstruelle à chaque retrait afin d’éliminer l’effet de succion.
Bibliographie
(1) ANSES. Rapport d’expertise collective. Sécurité des produits de protection intime (juin 2018). Disponible à cette URL (consulté le 30/08/19) : https://www.anses.fr/fr/content/evaluation-de-la-s%C3%A9curit%C3%A9-des-produits-de-protections-intimes
Lien en pdf : https://www.anses.fr/fr/system/files/CONSO2016SA0108Ra.pdf
(2) North BB, Oldham MJ. Preclinical, clinical, and over-the-counter postmarketing experience with a new vaginal cup: menstrual collection. J Womens Health. 2011;20(2):303–311.
(3) Nonfoux L, Chiaruzzi M, Badiou C, Baude J, Tristan A, Thioulouse J, et al. Impact of currently marketed tampons and menstrual cups on Staphylococcus aureus growth and TSST-1 production in vitro. Appl Environ Microbiol. 20 avr 2018;
(4) Anna Maria van Eijk, Garazi Zulaika, Madeline Lenchner. Menstrual cup use, leakage, acceptability, safety, and availability: a systematic review and meta-analysis. Lancet Public Health 2019; 4: e376–93
(5) A. VAN DEN BROECK. Thèse de médecine. La coupe menstruelle, une alternative économique, et écologiques aux produits hygiéniques conventionnels : est-elle sûre, efficace, et acceptée par les femmes ? Juin 2018. Université de Poitiers.
(6) ANSM. Bulletin des vigilances n° 59. Page 8 - Disponible sur: https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/21b12dd0df0580b58b22fca9b1b057d8.pdf
(7) Madden T, McNicholas C, Zhao Q, Secura GM, Eisenberg DL, Peipert JF. Association of Age and Parity With Intrauterine Device Expulsion. Obstet Gynecol. oct 2014;124(4):718‐26.
(8) Youm J, Lee HJ, Kim SK, Kim H, Jee BC. Factors affecting the spontaneous expulsion of the levonorgestrel intra-uterin system. Int J Gynaecol Obstet. 2014 Aug;126(2):165-9.
(9) Merki-Feld GS, Schwarz D, Imthurn B, Keller PJ. Partial and complete expulsion of the Multiload 375 IUD and the levonorgestrel-releasing IUD after correct insertion. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. mars 2008;137(1):92‐6.
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(11) Simonatto P, Bahamondes MV, Fernandes A, Silveira C, Bahamondes L. Comparison of two cohorts of women who expulsed either a copper-intrauterine device or a levonorgestrel-releasing intrauterine system. J Obstet Gynaecol Res. 1 mai 2016;42(5):554‐9.
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(13) ER. WIEBE et KJ. TROUTON al. Does using tampons or menstrual cups increase early IUD expulsion rates ? Elsevier. Contraception 86 (2012) 119-121.
(14) M. THOURET. Etude D-Coupe : l’utilisation de la coupe menstruelle favorise-t-elle l’expulsion des dispositifs intra-utérins ? Septembre 2018. Université Grenoble Alpes.
(15) R. SEAL, L. POWERS et al. Unintentional IUD expulsion with concomitant menstrual cup use : a case series. Elsevier. Contraception 100 (2019) 85-87.