État des lieux sur la prévention de l'infection materno-foetale à CMV au cours de la grossesse

Introduction 

L’infection materno-fœtale à cytomégalovirus (CMV) constitue la principale cause de retard mental et de déficits auditifs liés aux infections congénitales.

10 à 15% des nouveaux-nés infectés in-utéro peuvent avoir des séquelles neuro-sensorielles sévères (surdité, diminution du quotient intellectuel, épilepsie…) avec un retard psychomoteur (7)(8).

Les traitements proposés aujourd’hui sont en cours d’évaluation. Leur efficacité semble partielle. (11-17)

Aucun traitement de cette infection n’a pour le moment été instauré en systématique, d’où l’importance de la prévention primaire.

La HAS a émis des recommandations en 2004, sur les mesures d’hygiène à divulguer aux femmes enceinte dès le début de leur grossesse. La prévention de cette maladie passe par des règles simples d’hygiène visant à limiter le contact des femmes enceintes avec les sécrétions biologiques des enfants en bas âge, de moins de trois ans (salive, larmes, urines, selles, sang, sueur…etc) (18)(19)(9).


La pratique clinique suggère toutefois un manque de connaissance du CMV par les patientes.

 

Objectifs

Le but de l’étude était d’une part, de faire un état des lieux sur le degré actuel de prévention du CMV pendant la grossesse, et d’autre part d’étudier si les femmes peu informées possédaient des caractéristiques socio-économiques ou démographiques particulières.

 

Matériel et méthodes 

Une étude descriptive transversale rétrospective a été réalisée.

Un questionnaire anonyme a été créé pour recueillir les informations étudiées auprès de femmes ayant accouché de leur dernier enfant depuis moins d’un an.

En accord avec un Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) de type III à Paris, ce questionnaire a été distribué au sein du service de suites de couche entre début mars et fin juillet 2017.

Afin d’élargir l’échantillon de population étudiée, le questionnaire de l’étude a également été diffusé via des sites internet d’entraides pour jeunes mamans.

 

Stratégie d’analyse :
Une base de données informatisée et anonymisée regroupait toutes les informations recueillies chez les patientes incluses dans l’étude.
Dans un premier temps, nous avons étudié le taux de femmes ayant reçu des informations de prévention sur le CMV.Puis, nous avons recensé d’éventuelles corrélations entre le niveau socio-économiques des femmes et leur niveau d’information.Pour l’ensemble de ces analyses, des tests du Chi-2 ont été réalisés lors de la comparaison de pourcentages et de distributions. Une différence était considérée comme statistiquement significative lorsque le degré de signification p était inférieur à 0,05.

Résultats 

Au total, 1023 réponses aux questionnaires ont été obtenues.

Parmi ces réponses, 100 ont été obtenues dans le CHU parisien de type III, et 923 grâce à une diffusion du questionnaire en ligne. 211 de ces dernières réponses n’ont pas été retenues, ne répondant pas aux critères d’inclusion de l’étude.

Ainsi au total 812 questionnaires ont été retenus pour l’étude.
 

 

Données sur le degré de prévention du CMV

Figure 1. Distribution des réponses des patientes à la question « avez-vous déjà entendu parlé du cytomégalovirus (CMV) ? » (n=806)

Figure 1

 

Figure 2. Distribution des réponses des patientes à la question « Vous a-t-on parlé du CMV au cours de votre dernière grossesse ? » (n=807)

Figure 2

 

Figure 3. Distribution des réponses des patientes à la question « avez-vous reçu au moins une des mesures d’hygiène citées ci-dessous ? » (n=812)

NB : les mesures d’hygiènes recommandées par la HAS étaient détaillée dans le questionnaire.
Figure 3

 

Figure 4. Distribution des types de professionnels de santé ayant donné au moins une information sur le CMV au cours de la grossesse (n=136)

Figure 4

 

 

Figure 5. Distribution des conseils de prévention sur le CMV parmi les patientes ayant reçu au moins une consigne de prévention (n=136).

Lorsqu’au moins une mesure d’hygiène était prodiguée, il s’agissait le plus souvent de celle visant à éviter tout contact avec la salive des enfants (90,4%), ainsi que le lavage minutieux des mains après le change (82,2%), puis celle d’éviter d’essuyer le nez ou les larmes des enfants (44%) et enfin de ne pas partager sa brosse à dent ou sa serviette de bain (environ 38%) ; (cf figure 5).

Figure 5

 

Tableau 1. Etat des lieux sur les mesures d’hygiènes mises en place par les femmes.

Environ 62% des femmes répondaient n’avoir mis aucune de ces mesures d’hygiène en place au cours de leur grossesse, 26,2% avaient partiellement mis ces mesures en place, et 12,0% des patientes les avaient totalement mises en place.

Pour une très large majorité de patientes (environ 74%), ces mesures n’ont pas été mises en place en cours de grossesse (ou partiellement), par défaut total d’information concernant ces mesures.

Tableau 1

 

Nous avons également cherché à évaluer le niveau d’exposition des patientes au CMV au cours de leur dernière grossesse.

La moitié des femmes (50,1%) étaient souvent ou quasiment tout le temps en contact avec des enfants de moins de trois ans au cours de leur précédente grossesse. Pour 42% des femmes, ce contact était rare (ou de temps en temps), et pour 7,6% il était absent.

A des fins informatives, nous leur avons demandé leur état immunitaire vis-à-vis du CMV.

9,4% des femmes répondaient être immunisées, et 8,4% non immunisées. 82,2% des femmes ne connaissaient pas leur état immunitaire et 0,04% répondaient avoir contracté cette infection au cours de leur grossesse (soit trois femmes dans notre étude au total).

 

Caractéristiques socio-professionnelles des femmes et niveau d’information sur le CMV

 

Au sein de notre population d’étude, nous avons constaté plusieurs corrélations significatives entre certaines caractéristiques des femmes et leur niveau d’information sur le CMV (voir les détails dans l’annexe I).

En effet, l’absence de connaissance par les patientes, d’au moins une mesure d’hygiène de prévention, était significativement augmentée :

  • Lorsque le suivi de leur grossesse n’était pas régulier (p=0,03).
  • Lorsque les patientes n’avaient pas participé à des cours de préparation à la naissance et à la parentalité (PNP). Près de la moitié des femmes n’avaient pas participé à ces séances parmi celles n’ayant pas reçue de conseils de prévention, contre 30,9% des femmes ayant reçu au moins une des mesures d’hygiène ; (p=0,0002).
  • Lorsque les femmes enceintes recherchaient régulièrement (ou parfois) des informations relatives à leur grossesse (internet…). 87% des patientes non informées du CMV par le corps médical recherchaient régulièrement des informations sur la grossesse en général, contre 79% des femmes ayant reçu au moins un conseil de prévention ; (p=0,01)
  • Lorsqu’elles étaient d’origine et/ou de nationalité étrangère. En effet, parmi les patientes n’ayant pas reçu de mesure d’hygiène préventive, près de 36% étaient nées dans un pays étranger, alors qu’environ 23% des femmes informées des mesures d’hygiène pendant la grossesse étaient d’origine étrangère (p<10-5). On retrouve des résultats semblables si l’on s’intéresse à leur nationalité.
  • Lorsqu’elles avaient un niveau d’études inférieur ou égal au Bac. On constate que 54,3% des femmes non informées des mesures préventives avaient un niveau d’étude inférieur ou égal au bac contre 48% des femmes informées des conseils d’hygiène. De même les patientes ont plus souvent un niveau d’étude supérieur ou égal à Bac + 5, lorsqu’elles ont reçu les informations de prévention contre le CMV (17,4%), que lorsqu’elles ne les ont pas reçues (11,2%). Ces résultats se situent cependant à la limite de la significativité (p=0,06).
  • Lorsque les patientes bénéficiaient de la CMU, AME ou d’aucune couverture sociale, ce qui représente environ 26,4% des patientes non informées contre 22% des patientes informées du CMV (résultat à la limite de la significativité ; p=0,06).
  • Lorsque les revenus mensuels des ménages étaient inférieurs ou égaux à 2000 euros, ce qui représente environ 40% des patientes non informées des mesures préventives, contre environ 35% des femmes informées de ces mesures ; p = 0,03. De même on retrouve un taux plus important de revenus mensuels supérieur à 4000 euros chez les femmes ayant reçu les conseils de prévention (26,2%), que chez les femmes non informées de ces conseils (16%).

Caractéristiques socio-professionnelles des femmes et niveau d’exposition au CMV

 

Pour terminer notre analyse, nous avons cherché à évaluer s’il existait des corrélations entre les caractéristiques socio-professionnelles des femmes et leur niveau d’exposition au cytomégalovirus (voir les détails dans l’annexe II).

 

  • Les patientes exposées quasiment tout le temps ou souvent au CMV étaient significativement plus souvent des femmes multipares : environ 60% des patientes étaient quasiment tout le temps ou souvent en contact avec des enfants en bas âge, alors que seulement 16% des multipares ne l’étaient jamais ou rarement (p<10-22).
  • Il s’agissait également plus fréquemment de patientes n’ayant pas bénéficié d’un suivi régulier de la grossesse : environ 9% de ces femmes étaient souvent en contact avec les enfants, contre environ 4% rarement ou jamais en contact avec les enfants (p<0,04).
  • Une part moins élevée de patientes quasiment tout le temps ou souvent en contact avec des enfants de moins de trois ans, avait suivi des cours de préparation à la naissance (45,8%), alors que près de 67% des femmes rarement ou jamais en contact avec ces enfants, en avaient suivi (p<10-6).
  • Parmi les femmes quasiment tout le temps ou souvent en contact avec les enfants en bas âge, 77,2% recherchaient régulièrement ou parfois des informations relatives à la grossesse, alors que plus de 91% des patientes rarement ou jamais en contact avec ces enfants, recherchaient régulièrement des informations sur la grossesse (p<10-5).
  • Par ailleurs, une part plus importante de patientes exposées aux jeunes enfants pendant leur grossesse étaient d’origine étrangère (27,5%) plutôt que de nationalité française (25,3% ; p<10-5).
  • Le niveau d’études des femmes souvent exposées aux enfants âge en bas était plus souvent inférieur ou égal au Bac (41,1%), que celui des femmes rarement ou jamais exposées aux enfants (18,0%). Ces résultats sont très significatifs (p<10-45).
  • Les femmes souvent ou quasiment tout le temps en contact avec les enfants de moins de trois ans étaient moins souvent couvertes par la sécurité sociale du régime général (29,9%) que les femmes rarement ou jamais en contact avec ces enfants pendant leur grossesse (79,2%). Les femmes les plus en contact avec ces enfants étaient plus souvent couverte par la CMU, l’AME ou non assurées sociales (environ 30%), que les femmes rarement ou jamais en contact avec les enfants de moins de 3 ans (environ 22%) ; (p<10-10).
  • Enfin, nous avons constaté que les femmes plus exposées aux enfants en bas âge exerçaient moins souvent une profession (67,2%) que les femmes moins souvent exposées à ces enfants (73,3%). Toutefois, ces résultats n’étaient pas significatifs, il s’agissait simplement d’une tendance (p=0,13).

Nous n’avons pas non plus constaté de différence significative entre le contact des femmes enceintes avec les enfants en bas âge et leur nationalité (p=0,93), ainsi qu’avec les revenus mensuels moyens de leur ménage (p=0,44).

 

Discussion

 

Limites et biais de l’étude

Dans toute étude rétrospective, il existe un biais de mémoire des patientes répondant à l’étude.

Nous avons essayé de limiter ce biais en évitant d’inclure toutes les patientes ayant accouché depuis plus d’un an afin qu’elle puisse être en mesure de se souvenir si elles avaient reçu ou non des informations relatives au CMV pendant leur grossesse.

Il existe également un biais de compréhension possible, qui fait partie des limites des enquêtes avec questionnaire, que nous avons essayé de réduire en rappelant au sein du questionnaire que ce virus était différent de la toxoplasmose et de la listériose.

Bien que notre échantillon de population soit intéressant en termes d’effectif (n=812) et d’hétérogénéité, il doit être généralisé avec précaution.

On retrouve notamment des caractéristiques au niveau de notre population, différentes en comparaison avec l’enquête nationale périnatale (ENP) de 2010, qui recensait un effectif de population beaucoup plus grand (26) ; (voir les détails des caractéristiques de notre population d’étude dans l’annexe III).

Ainsi :

  • Les femmes dans notre étude étaient globalement plus jeunes : 28,0% des femmes avaient moins de 25 ans dans notre étude contre 17,0% en population générale, et seulement 8,3% avaient plus de 35 ans dans notre étude, contre plus de 19% en population générale.
  • Le nombre de multipares (deux enfants ou plus) était également plus important dans notre étude (42,6%) qu’en population générale (22,1%).
  • La part des femmes présentant un niveau d’étude inférieur ou égal au Bac était beaucoup plus importante dans notre étude (56,7%) que dans celle de l’ENP de 2010 (48,2%).
  • De même le taux de patientes ne bénéficiant de la CMU, l’AME ou d’aucune couverture sociale, était plus importante dans notre étude (25,4%) que dans celle de l’ENP (13,9%).

Ces différences sont probablement dues à la diffusion de notre questionnaire en ligne, ciblant d’une manière involontaire, une population de femmes sensiblement plus jeunes et probablement plus sujettes à rechercher des informations sur internet, sans en tirer nécessairement tout le bénéfice.

 

Discussion des résultats

Discussion sur le degré de prévention du CMV.

Nous avons démontré que près de 60% des femmes n’avaient jamais entendu parler du CMV auparavant. Dans la récente étude française menée par C. Lemaire-Kieffer, ce pourcentage est un peu plus élevé (72%). Cependant, si l’on inclut dans ce taux, les patientes de notre étude connaissant uniquement le nom de ce virus (soit 18,1%), nous obtenons des résultats comparables (77,8%) (20).

L’étude de Thackeray et al. menée aux États-Unis retrouve des résultats encore plus marqués avec un taux de 84% de femmes n’ayant aucune connaissance de ce virus. (24) Dans une étude Canadienne (27), ce taux est de 85%. On retrouve de meilleur résultat en Suisse avec 61% des patientes ne connaissant pas le virus (28).

Dans notre étude, 76,5% des patientes n’avaient jamais entendu parler de ce virus au cours de leur dernière grossesse, et 65,3% des femmes ont répondu ne pas avoir reçu une seule des mesures d’hygiènes préventives, citées dans le questionnaire.

Seulement 16,7% des femmes ont répondu avoir reçu au moins une des mesures d’hygiène préventives. Nous rappelons que les mesures d’hygiène les plus souvent données par les professionnels de santé dans notre étude concernaient le contact avec la salive, les larmes, et l’essuyage du nez des enfants. Nos données pourraient être corrélées à celles de l’ENP de 2003, qui montraient que seulement 16% des femmes répondaient avoir reçu les consignes d’hygiène relatives au contact avec les larmes et la salive des enfants. (25)

C. Lemaire-Kieffer trouve qu’environ 72% des femmes en moyenne ne reçoivent pas ces consignes d’hygiène préventive. (20). Cette différence avec notre résultat (65,3%) peut être en rapport avec des effectifs différents (141 réponses dans l’étude de l’auteur versus 812 dans la nôtre). Un biais de recrutement est par ailleurs possible dans l’étude de l’auteur, menée exclusivement au sein de centres hospitaliers français situés dans la même région (à Lille et à proximité), alors que nous avons ciblé une marge plus large de la population française, en diffusant notre questionnaire en ligne.

Nos résultats, ainsi que ceux retrouvés dans la littérature récente, sont globalement concordants, et montrent un défaut évident de prévention de l’infection à cytomégalovirus.

De plus, l’effectif des femmes ayant répondu « je ne sais pas » aux questions relatives aux conseils de prévention (18%), laisse supposer un taux encore plus élevé de femmes non informées sur le CMV.

Dans notre étude, une part importante des femmes (62%) n’avaient pas mis en place une seule des mesures d’hygiène préventives au cours de leur grossesse, et ce à cause d’un défaut complet d’information sur le CMV (pour 73,9% d’entre elles).
De plus une majeure partie d’entre elles étaient en contact avec des enfants de moins de 3 ans au cours de leur grossesse (92,4%). L’étude de Lemaire-Kieffer trouve également un résultat élevé, soit 86%, ce qui confirme qu’une grande partie des femmes enceintes sont concernées par ces mesures de prévention.

Nos résultats montrent que les professionnels de santé ayant donné des consignes de prévention contre le CMV étaient principalement des gynécologues obstétriciens (environ 62%), puis des sages-femmes (28%) et des médecins généralistes ou autres professionnels (environ 10%). L’étude de Cordier et al, menée en France auprès de gynécologues-obstétriciens, sages-femmes, biologistes, et pédiatres, met notamment en évidence des connaissances globalement hétérogènes et incomplètes sur les modes de transmission du CMV chez les différents professionnels de santé (22).

 

Discussion sur les caractéristiques sociodémographiques des femmes et leur niveau d’information sur le CMV.

Les patientes les moins informées sur le CMV avaient plus souvent bénéficié d’un suivi irrégulier de la grossesse que celles ayant reçu au moins une mesure d’hygiène préventive (respectivement 7,4% contre 2,2%). Cette donnée semble évidente puisque la prévention de cette infection passe par un suivi de la grossesse, et par une information délivrée dès son début.

Les patientes moins informées sur le virus étaient plus souvent des femmes d’origine et de nationalité étrangère (respectivement p<10-5 et p=0,01).
Plusieurs études ont montré que les femmes d’origine étrangère bénéficient plus souvent d’un moins bon suivi prénatal que les autres, notamment parce qu’elles ont accès plus difficile aux soins. (29)

De même nous avons montré que les patientes à plus haut niveau d’études et possédant des revenus mensuels élevés, étaient mieux informées sur le CMV (respectivement, p=0,06 et p=0,03). Ce même résultat est également retrouvé dans l’étude de C. Lemaire-Kieffer (20).
R.Jusot et al. (30) montre notamment dans son étude portant sur les inégalités de recours aux soins en Europe, que les personnes ayant un diplôme universitaire avaient une probabilité 1,6 fois plus élevée de recourir à des soins de spécialistes, que celles ayant un diplôme d’éducation primaire. Les auteurs expliquent entre autres que les personnes de niveau d’études supérieur ou égal à Bac+5, ont en moyenne des revenus plus élevés, et une attitude plus proactive dans la recherche et le suivi des soins.

On constate notamment dans notre étude que ce sont les femmes les plus informées sur ce virus qui connaissent le mieux leur état immunitaire vis-à-vis du CMV (p<10-52). Ces femmes ont également participé plus fréquemment à des cours de préparation à la naissance (p=0,0002). L’étude de A.Vilain (31) montre également que les femmes qui participent à des cours de PNP sont de plus haut niveau socio-économique, ce qui est en accord avec nos précédentes données. Il s’agit de femmes se situant probablement davantage dans une démarche d’information et d’intellectualisation de la grossesse.

Ces différences de profil entre les femmes informées et non informées peuvent aussi s’expliquer par des différences de traitement par le système de santé.

Il est probable que l’information délivrée aux femmes d’origine étrangère ou de bas niveau socio-économique soit plus succincte en raison d’une réceptivité moindre aux messages divulgués par les soignants.

De même les patientes moins informées étaient davantage assurées par la CMU, l’AME, ou sans régime d’assurance maladie, que les patientes informées sur le CMV. Cette donnée rejoint nos résultats concernant le niveau socio-économique des femmes, en général plus bas lorsqu’elles sont moins informées sur le CMV.

De façon contradictoire avec ce que nous avons dit précédemment, les patientes moins informées sur le CMV dans notre étude, étaient celles qui avaient davantage recherché des informations relatives à la grossesse. Nous pensions trouver des résultats inverses. Nous rappelons que dans notre étude, les moyens de recherche utilisés par les femmes enceintes étaient en priorité les forums ou sites d’accès grand public (72,4%), ne faisant pas nécessairement l’objet de sources scientifiquement prouvées. Il est probable que les femmes moins informées (de niveau socio-économique plus bas), utilisaient plus volontiers ces supports de recherche, sans en tirer de réels bénéfices informatifs, par rapport aux femmes de plus haut niveau socio-économique qui se renseignaient probablement davantage auprès des professionnels de santé. Cette hypothèse reste à vérifier, mais pourrait expliquer ce résultat.

 

Discussion sur les caractéristiques des femmes et leur niveau d’exposition au CMV.

Les patientes les plus exposées aux enfants en bas âge, et donc au CMV au cours de leur grossesse était davantage des multipares que des primipares (p<10-22). Les mamans ayant plusieurs enfants sont à l’évidence beaucoup plus à risque d’être en contact avec des enfants en bas âge, d’où le résultat très significatif obtenu sur la parité.

Lemaire-Kieffer trouve de façon complémentaire que ce sont les multipares qui ont les conduites les plus à risques vis-à-vis du CMV (20).
 

Nous avons constaté dans notre étude, des caractéristiques similaires entre les femmes les plus exposées au CMV pendant leur grossesse, et les femmes les moins informées sur ce virus.
Ainsi, les femmes les plus exposées au CMV :

  • Avaient plus souvent un suivi irrégulier de la grossesse (p=0,04),
  • Participaient moins aux cours de préparation à la naissance et à la parentalité (p<10-6)
  • Etaient plus fréquemment d’origine étrangère (p<10-5)
  • Avaient plus souvent un niveau d’étude inférieur ou égal au bac (p<10-45)
  • Bénéficiaient plus souvent de l’AME, de la CMU ou sans couverture sociale  (p<10-10)

En retrouvant un nombre important de caractéristiques similaires, nous pouvons déduire que les patientes les moins informées sont probablement aussi les plus exposées au virus, et celles qui possèdent les conduites les plus à risque.

 

Conclusion et perspectives

Notre étude montre un défaut évident de prévention du CMV en France, et en conséquence de mises en pratique des mesures d’hygiène par les patientes.

76,5% des patientes n’avaient jamais entendu parler du CMV au cours de leur dernière grossesse, et 65,3% des femmes ont répondu ne pas avoir reçu une seule des mesures d’hygiènes préventives, alors que 50% avaient été souvent ou tout le temps en contact des enfants en bas âge.

Des caractéristiques socio-démographiques chez les femmes peu informées ont été mises en évidence, tels que la multiparité, un niveau socio-économique moins élevé, un suivi irrégulier de la grossesse ou le fait d’être d’origine étrangère.

Certaines de ces mêmes caractéristiques sont retrouvées chez les femmes les plus exposées au CMV pendant la grossesse.

Ainsi les femmes les moins informées sur le CMV pourraient correspondre aux patientes les plus exposées à ce virus, ce qui constitue un risque majoré pour ces femmes de contracter cette infection.

Nous rappelons que cette infection est la principale cause de retards mentaux et de déficits auditifs liés aux infections congénitales et qu’aucun traitement à l’heure actuelle n’a été validé.

Seul un vaccin contre le CMV permettrait de prévenir efficacement cette infection. Des études sont actuellement en cours aux Etats-Unis, (32) (33) mais sa mise sur le marché ne pourra être effective avant de nombreuses années.

Il semble important que les professionnels divulguent une information complète et homogène en consultation, d’autant plus que les femmes utilisaient dans notre étude, des moyens de recherches d’informations non validés en priorité.

Ces mesures informatives semblent d’autant plus bénéfiques que l’on sait que les règles visant à limiter les risques de contamination du CMV semblent facilement acceptables par les femmes (22), améliorent grandement leur connaissances (22), et peuvent changer leurs pratiques à court terme (34).

L’objectif de ce travail serait la mise en place de campagnes d’information à l’attention de tous les professionnels de santé du domaine périnatal d’une part, et des patientes d’autre part, afin de les sensibiliser aux mesures d’hygiènes préventives. Le but étant que ces mesures deviennent des automatismes verbaux et comportementaux dès le début de la grossesse, et ce au même titre que la prévention de la toxoplasmose et la listériose.

Il serait intéressant de refaire une étude ultérieure, afin évaluer l’impact des mesures mises en place sur le niveau d’information et les habitudes de vie des femmes enceintes.

 

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ANNEXE I. Caractéristiques des femmes en fonction de leur niveau d’information concernant les mesures d’hygiène visant à prévenir du CMV.

Annexe 1
 

ANNEXE II. Caractéristiques des femmes en fonction de leur niveau d’exposition aux enfants   de moins de 3 ans.
Annexe 2

ANNEXE III
Caractéristiques sociodémographiques des femmes incluses dans l’étude.
Annexe 3

Informations générales sur le suivi de la grossesse.
Annexe 4