Dans un communiqué en date du 14 mars et publié sur le site internet du CNGOF (Collège national des gynécologues-obstétriciens français), l’Agence de biomédecine indique « qu’il est recommandé d’arrêter les activités cliniques et biologiques d’AMP pour les prises charges NON DEBUTÉES quelle que soit la technique (FIV, TEC, IA, don d'ovocytes, préservation de la fertilité non urgente). Pour les patientes en cours de traitement de stimulation, non atteintes par le COVID-19, il est envisageable de poursuivre celui-ci afin de congeler les ovocytes et les embryons et de reporter le transfert embryonnaire après l’épidémie. Cependant, pour les femmes symptomatiques, il est recommandé autant que possible d’arrêter le traitement ».
Cette annonce a ensuite été relayée par les centres auprès des patients concernés. « J’ai reçu un pauvre SMS de mon gynécologue », nous rapporte une patiente, « sans plus d’explications, j’ai ressenti un coup de massue terrible… » Un certain nombre de patients ont ressenti cette annonce comme une gifle, une annonce brutale, parfois mal expliquée et mal accompagnée.
Un sentiment de double peine, et pas de bébé en 2020 !
Mais que ressentent quelques semaines plus tard ces femmes et ces hommes, pour qui le traitement est mis en suspens ? Evidemment, non par choix mais par obligation, ils sont dans une forme d’acceptation. Mais pour tous : un fort sentiment d’injustice ! Une injustice d’autant plus forte que cette émotion est déjà présente lors du traitement lui-même. « Pourquoi moi je ne peux pas être mère ? pourquoi dois-je attendre pour que ce bébé arrive ? pourquoi les autres et pas moi ? ... ». Une injustice sur le fait que le sort s’acharne encore sur eux, sans aucune visibilité sur la reprise des traitements.
Il existe également un sentiment de colère. Colère que les projets bébé soient mis en attente, sans parfois la prise en compte de leur situation personnelle. Sans que les médecins n’expliquent les risques ou les enjeux vis-à-vis du Covid 19 ; des questions en suspens qui rongent les patients. Une colère, aussi, vis-à-vis de l’entourage, familles ou amis, qui encore et toujours ne les accompagnent pas, mais commentent le bien fondé de cette « pause » qui va leur permettre de se reposer, de faire le point…Mais sans écouter la douleur ou le questionnement de ces couples en déshérence.
Il faut pour mieux comprendre le ressenti des couples, avoir en tête que la PMA génère chez les personnes concernées un ressenti et une vision du « temps » très différents de la manière dont les autres peuvent le vivre. Le temps est un sujet délicat lors de ces parcours : il est trop long quand on parle d’attendre entre deux traitements, ou lors de séries d’examens… Mais trop court lorsque l’âge des patientes avance ou qu’elles se sentent déjà « limite » pour faire un enfant, voir vieilles car leurs corps les trahissent ! Les femmes et les hommes vivent donc une véritable course contre la montre (qu’ils s’imposent) avec toujours en ligne de mire l’étape d’après, le coup d’après pour ne jamais laisser place à l’inconnu ou au vide ! Une période entre parenthèse, ou le temps a ses propres règles donc !
Car le temps est parfois un ennemi et plus il avance et moins il permet de donner toutes les chances aux couples pour obtenir de beaux embryons, d’avoir de réelles chances de grossesse, et surtout de vivre une grossesse avec sérénité !
Or dans le contexte actuel, c’est l’ensemble de la population qui vit cette situation de temps suspendu, personne n’a de vision claire, sur une sortie de crise, sur le retour à une vie normale, pas de projection possible, ce qui rend les choses encore plus difficiles car nous devons vivre dans l’ici et le maintenant... c’est un tunnel que nous traversons de manière collective. Nos couples en PMA, subissent donc cette double peine, celle que nous impose le COVID et donc ce temps en attente… mais aussi celui de leur désir d’enfant, qui doit être mis en stand-by, mais pour combien de temps ??
Quand les traitements arrivent à leur terme ?
Autre situation, autre angoisse : les femmes qui arrivent à leur 43 ans, âge limite de remboursement par la sécurité sociale et pour qui les traitements ont pris fin soudainement, les privant des quelques dernières chances qui leur restaient... Quelle sensation d’avoir été volé, stoppé, privé ! Avec un lot de questions, sur le fait de savoir si ces mois « volés », seront pris en compte par le corps médical ? par la Sécurité Sociale ? Ces femmes, vivent un sentiment encore plus intense d’injustice et cet arrêt met également un stop à leur cheminement psychologique. Comment avoir la sensation d’être allé « au bout » de leur chemin de PMA, quand tout prend fin avec violence et sans choix !
Il faudra donc dans les mois à venir, être encore plus attentifs, plus à l’écoute de ces couples, qui vont vivre le retour en PMA comme une grâce, mais avec un sentiment de culpabilité, de perte de temps et d’injustice très fort. Beaucoup de colères se seront accumulées et nous devrons faire face.
Il faudra une communication claire, et expliqué pour obtenir la réassurance des hommes et des femmes. Attentif aux peurs concernant « qui sera traité en priorité ? », « comment vont-ils gérer les flux de demandes ? » « combien d‘attente encore ? » « pourra-t on bénéficier d’un remboursement de la sécurité sociale même après le délai dépassé…. ». A nous de porter une seule et même voix pour redonner confiance et recréer le lien.