La vitrification embryonnaire et ovocytaire, simple progrès ou vraie révolution de la pratique de l’AMP ?

Fin 2010, après expertise par l’Agence de Biomédecine des données de la littérature attestant à la fois de la supériorité de la vitrification en termes de survie des embryons et de son innocuité pour les enfants nés, la vitrification embryonnaire, considérée comme une amélioration technique de la congélation lente (CL), devient possible en France. Eté 2011, la révision de la loi de bioéthique autorise le recours à la vitrification des ovocytes dans un cadre restreint à l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) ainsi qu’à la préservation de la fertilité. La vitrification, tant attendue, représente- t- elle un simple progrès ou une vraie révolution de la pratique de l’AMP ?
 

Principe :

Le principe de la congélation repose sur le passage de l’eau intra et extra cellulaire de l’état de phase liquide à l’état solide en utilisant des agents cryoprotecteurs (CPs). La cristallisation aléatoire de l’eau dans l’échantillon congelé, passage obligé dans la CL, est la principale responsable du risque de lyse, partielle ou totale, observée au décours de la décongélation. La vitrification consiste en une exposition très brève à une concentration élevée en CPs, dont la toxicité a longtemps été redoutée. La descente en température de 20°C à - 196°C, ultra rapide, varie de  -20 000°C/minute (système ouvert) à - 2 500°C/minute (système fermé, absence de contact direct de l’échantillon avec l’azote liquide). Or, plus la vitesse de refroidissement est rapide, plus on réduit la formation de cristaux de glace. L’usage du système fermé limite l’efficacité de la procédure de vitrification en termes de survie de l’échantillon congelé, notamment pour l’ovocyte, cellule thermosensible et très riche en eau. Cependant, la France a interdit l’usage de systèmes ouverts, prenant le parti d’éliminer tout  risque sanitaire lié à un contact direct de l’échantillon congelé avec l’azote liquide.
 

L’ovocyte : Progrès ou révolution ?

Incontestablement, la vitrification est plus efficace que la congélation lente puisque les performances obtenues à partir d’ovocytes humains vitrifiés semblent identiques à celles des ovocytes frais  (Rienzi et al., 2010 ; Cobo et al. ; 2010). La congélation de l’ovocyte, jusque là restreinte en AMP aux situations de crise (absence de spermatozoïdes disponibles le jour de la ponction, hyperstimulation ovarienne), trouve, avec la vitrification, un nouvel essor. Elle dynamise la préservation de la fertilité pour les jeunes filles pubères et les femmes sans conjoint. Elle redonne au don d’ovocytes un second souffle, avec la possibilité de créer une banque d’ovocytes vitrifiés, permettant de simplifier et d’alléger considérablement les procédures. Elle constitue en AMP un nouvel outil, précieux, dans la prise en charge du couple infertile, en complément de la congélation embryonnaire que certains, ont, en vain, tenté de supprimé….

La loi de bioéthique a également, dans le cadre restreint et très contrôlé du don d’ovocytes, proposé, pour les donneuses majeures n’ayant pas procréé, la possibilité d’auto-conserver une partie de leurs ovocytes. Se pose alors de façon détournée, mais claire, la question d’une indication non pas médicale, liée à une infertilité, mais sociétale, de vitrification ovocytaire. Cette mesure, destinée à accroitre le nombre de donneuses d’ovocytes en France, à l’heure où le tourisme procréatif dans ce domaine ne cesse de croitre, soulève de nombreuses questions qu’il conviendra d’examiner avant d’en autoriser l’application par un futur décret.  

 

L’embryon : Progrès ou révolution ?

Les taux de survie embryonnaire, mais également les taux de grossesses, cliniques ou évolutives, sont significativement améliorés après vitrification et ce, à tous les stades du développement embryonnaire  (Loutradi et al.,2008 ; Abdelhafez et al., 2010). Ces deux méta-analyses ne considèrent cependant que des études en système « ouvert ». Une seule étude a évalué la survie après vitrification de blastocyste en système ouvert (Cryotop) ou fermé (Cryotip), respectivement à 97 et 93%, validant l’efficacité du système fermé (Kuwayama et al., 2005).

Notre équipe a mené une étude prospective évaluant la vitrification en système fermé sur les 58 premiers cycles de décongélation d’embryons vitrifiés à J2/3, de Novembre 2010 à Juin 2011, comparés à une série rétrospective de 189 cycles de décongélation après CL effectuées de Janvier à Octobre 2010. Au total, 87 et 412 embryons ont été décongelés après vitrification (1.50 +/- 0.63 par décongélation) et CL (2.18 +/- 1.35), respectivement (p=0.0002). Les taux de survie et de survie intacte étaient significativement supérieurs après décongélation des embryons vitrifiés (98.3 +/- 13.1% vs. 77.3 +/- 32.0%,  p<10-4 ; 88.2 +/- 28.3% vs. 47.7 +/- 41.4%,  p<10-4). De même, le taux de grossesses par cycle de décongélation embryonnaire était significativement supérieur après vitrification : 32.7% (19/58) et 18.5% (35/189) (p=0.03). En aout 2011,  nous avons également fait état de la première naissance française obtenue après vitrification embryonnaire (Sifer et al., 2011).

 

Nos résultats, confirmés par ceux d’une récente enquête réalisée par Jacqueline Mandelbaum avec les BLEFCO pour les journées de l’hôpital américain,  prouvent que la vitrification embryonnaire est un réel progrès. Avec plus d’embryons congelés disponibles pour un transfert intra utérin ultérieur, compte tenu d’une survie approchant les 100%, elle autorise la diminution significative du nombre d’embryons à transférer à chaque cycle, à la fois pour le transfert des embryons frais et celui des embryons congelés.

La vitrification ovocytaire et embryonnaire optimisent ainsi l’ensemble de la prise en charge des patients en AMP, et en particulier en don d’ovocytes, par une augmentation des chances de grossesses cumulées et par la réduction du risque de grossesse multiples, et ce, sans risque surajouté pour les enfants nés grâce à cette technique (Wennerholm et al., 2009 ; Wiklands et al., 2010).

Elle ne peut cependant représenter une révolution de nos pratiques, au sens étymologique du terme, définie par tout changement ou innovation qui modifie l'ordre établi dans un domaine quelconque. 

 
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