Endométriose et préservation de la fertilité : indications, techniques et aspects pratiques en 2024

Infertilité et endométriose

Le taux de fécondité spontanée par cycle est estimé à 2-10% chez les femmes atteintes d’endométriose, contre 25-30% dans la population générale (1). Les mécanismes impliqués dans l’infertilité associée à l’endométriose ne sont pas encore totalement élucidés.

Les formes sévères d’endométriose et la présence d’endométriomes peuvent être responsables d’une altération de la réserve ovarienne, de l’induction d’un microenvironnement inflammatoire et pro-oxydatif (2–5), d’une altération de la folliculogenèse entraînant un dysfonctionnement ovulatoire et une altération de la qualité ovocytaire et embryonnaire (6,7) et d’une altération de la fonction des spermatozoïdes associée à une augmentation de la fragmentation de l'ADN et une diminution de la mobilité spermatique (8). Certaines modifications anatomiques peuvent constituer un obstacle mécanique à la rencontre des gamètes (9). Enfin, les dyspareunies profondes ou superficielles liées à l’endométriose peuvent être responsables d’une raréfaction des rapports sexuels.

Ainsi, dans un contexte d’infertilité liée à l’endométriose l’Aide Médicale à la Procréation (AMP) joue un rôle majeur.

 

Préservation de la fertilité chez les patientes atteintes d’endométriose : cadre légal

La cryoconservation ovocytaire en contexte d’endométriose a été rapportée pour la première fois en 2009. En France, cette indication est désormais reconnue comme médicale, sous certaines conditions liées à l’âge de la patiente et aux paramètres de réserve ovarienne. Selon l’article L2141-11, modifié par la loi 2011-814 du 7 juillet 2011 « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer, ou dont la fertilité́ risque d’être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux []». La proposition de préservation ovocytaire devrait être systématique pour toutes les femmes avec un projet de grossesse futur incertain ou éloigné en cas d’endométriomes récidivants et bilatéraux, d’endométriome unilatéral supérieur à 5 cm ou avant une chirurgie potentiellement délétère sur la fertilité.

Cette démarche doit être validée après un échange avec les équipes d’AMP, en expliquant clairement les bénéfices, les risques et les limites de la procédure.

En France, les traitements médicaux et les actes de congélation ovocytaire sont entièrement pris en charge par l’Assurance Maladie. Les procédures sont réalisées dans des centres associés à un CECOS (Centre d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains) et ayant obtenu une autorisation délivrée par l’Agence Régionale de Santé pour exercer des activités de conservation des gamètes et des tissus germinaux dans le contexte de préservation de la fertilité.

 

Schéma thérapeutique pour la préservation de la fertilité

La prise en charge en préservation de la fertilité est similaire à celle de la fécondation in vitro, avec une stimulation ovarienne par injections de gonadotrophines et une ponction ovocytaire après un déclenchement de l’ovulation, sans étapes de fécondation ni de transfert embryonnaire.

Tous les protocoles de stimulation ovarienne sont envisageables dans ce contexte. Récemment, le protocole PPOS (Progestin-Primed Ovarian Stimulation) combinant progestatifs et gonadotrophines, émerge comme une alternative adaptée aux patientes endométriosiques (10).

 

Réutilisation des ovocytes cryoconservés

Les ovocytes cryoconservés peuvent être utilisés jusqu’au 45ème anniversaire de la patiente, sous réserve de l’absence de contre-indication médicale. Chaque année, la patiente doit préciser si elle souhaite maintenir la conservation, détruire les ovocytes, les donner à une autre femme ou à la recherche.

Il est important de rappeler que la congélation des ovocytes n’offre aucune garantie de grossesse. Le taux de succès dépend du nombre d’ovocytes conservés et de l’âge de la patiente au moment de la cryoconservation (11).

En moyenne, le taux d’utilisation des ovocytes congelés pour tenter une grossesse toute cause confondue est de 15-20%. Parmi ces utilisations, les chances de naissance vivante sont estimées en moyenne à 30-40%, avec des résultats optimaux pour les patientes ayant préservé leur fertilité avant l’âge de 35 ans (12).

 

Risques liés à la préservation de la fertilité

La stimulation ovarienne et la ponction ovocytaire sont des procédures globalement bien tolérées, mais elles comportent certains risques, notamment des risques d’hémopéritoine, d’une infection pelvienne post-ponction et d’un syndrome d’hyperstimulation. Il est essentiel que les patientes soient pleinement informées des risques avant de s’engager dans le processus de préservation de la fertilité.

 

Conclusion

La prise en charge de l’infertilité associée à l’endométriose nécessite une approche multidisciplinaire, incluant un diagnostic précoce, une évaluation rigoureuse du projet parental et des potentiels cofacteurs pouvant influencer l’infertilité, ainsi qu’une discussion éclairée sur les options de préservation de la fertilité. Les taux d’utilisation et de naissance vivante varient en fonction de l’âge au moment de la cryoconservation et du nombre d’ovocytes congelés, avec diminution significative des chances de succès chez les femmes de plus de 35 ans. Bien que rares, les complications doivent être expliquées. Il est essentiel de rappeler que la cryoconservation ne garantit pas une grossesse future et que les résultats sont influencés par plusieurs facteurs indépendants de la procédure elle-même.

 

Bibliographie

  1. Gupta S, Goldberg JM, Aziz N, Goldberg E, Krajcir N, Agarwal A. Pathogenic mechanisms in endometriosis-associated infertility. Fertil Steril. août 2008;90(2):24757.
  2. Kitajima M, Khan KN, Harada A, Taniguchi K, Inoue T, Kaneuchi M, et al. Association between ovarian endometrioma and ovarian reserve. Front Biosci (Elite Ed). 1 janv 2018;10(1):92102.
  3. Broi MGD, Ferriani RA, Navarro PA. Ethiopathogenic mechanisms of endometriosis-related infertility. JBRA Assist Reprod. 22 août 2019;23(3):27380.
  4. Uncu G, Kasapoglu I, Ozerkan K, Seyhan A, Oral Yilmaztepe A, Ata B. Prospective assessment of the impact of endometriomas and their removal on ovarian reserve and determinants of the rate of decline in ovarian reserve. Hum Reprod. août 2013;28(8):21405.
  5. Tanbo T, Fedorcsak P. Endometriosis-associated infertility: aspects of pathophysiological mechanisms and treatment options. Acta Obstet Gynecol Scand. juin 2017;96(6):65967.
  6. Pellicer A, Albert C, Garrido N, Navarro J, Remohí J, Simón C. The pathophysiology of endometriosis-associated infertility: follicular environment and embryo quality. J Reprod Fertil Suppl. 2000;55:10919.
  7. Mahmood TA, Templeton A. Folliculogenesis and ovulation in infertile women with mild endometriosis. Hum Reprod. févr 1991;6(2):22731.
  8. Mansour G, Aziz N, Sharma R, Falcone T, Goldberg J, Agarwal A. The impact of peritoneal fluid from healthy women and from women with endometriosis on sperm DNA and its relationship to the sperm deformity index. Fertil Steril. juill 2009;92(1):617.
  9. Catenacci M, Falcone T. The effect of endometriosis on in vitro fertilization outcome. Minerva Ginecol. juin 2008;60(3):20921.
  10. Yang AM, Feng TF, Han Y, Zhao ZM, Wang W, Wang YZ, et al. Progestin-Primed Ovarian Stimulation Protocol for Patients With Endometrioma. Front Endocrinol (Lausanne). 2022;13:798434.
  11. Cobo A, Coello A, de Los Santos MJ, Giles J, Pellicer A, Remohí J, et al. Number needed to freeze: cumulative live birth rate after fertility preservation in women with endometriosis. Reprod Biomed Online. avr 2021;42(4):72532.
  12. Cobo A, García-Velasco JA, Remohí J, Pellicer A. Oocyte vitrification for fertility preservation for both medical and nonmedical reasons. Fertil Steril. mai 2021;115(5):1091101.

 

Kamila Kolanskaa,b, Margaux Monneta, Lena Bardeta, Lise Sellereta, Alice Hoursa, Anna Lyc, Nathalie Sermondadec, Cyril Touboula,b, Charlotte Dupontb,c, Nathalie Chabbert-Buffeta,b
a Service de Gynécologie Obstétrique et Médecine de la Reproduction, AP-HP, Sorbonne Université, Hôpital Tenon, 4 rue de la Chine, 75020 Paris, France
b INSERM UMRS 938, Centre de Recherche Saint-Antoine, 27 rue Chaligny, 75012 PARIS cedex 12, France
c Service de biologie de la reproduction-CECOS, Hôpital Tenon, AP-HP, Sorbonne Université, 4 rue de la Chine, 75020 Paris, France

Pédiatrie