Place des soins de support et de la médecine intégrative dans l’endométriose

L’endométriose est une maladie chronique gynécologique qui affecte environ 10 % des femmes en âge de procréer (Abril-Coello et al., 2023). En plus de ses impacts physiques, elle altère significativement la qualité de vie des patientes en raison des douleurs chroniques, de la fatigue et de l’effet psychologique qu’elle engendre sur leur bien-être général. Elle se caractérise par la présence de tissu endométrial en dehors de l’utérus, provoquant des douleurs pelviennes chroniques, des dysménorrhées, des dyspareunies et, dans certains cas, une infertilité. En outre, de nombreuses patientes expriment une insatisfaction quant à leur prise en charge et au manque de compréhension de la part du corps médical, ce qui contribue à une expérience négative face à la maladie. Les traitements pharmacologiques actuels incluent des thérapies hormonales et des analgésiques, mais ces approches présentent des limitations significatives, notamment des effets secondaires et une efficacité partielle (Evans et al., 2022). Dans ce contexte, les thérapeutiques complémentaires et les soins de support offrent une alternative prometteuse en ciblant la globalité du patient et l'amélioration de sa qualité de vie.

 

Physiopathologie des douleurs dans l’endométriose

Les douleurs associées à l’endométriose résultent de processus complexes impliquant à la fois des mécanismes périphériques et centraux. Les anomalies des contractions utérines jouent un rôle clé, avec une augmentation de la fréquence et de l’intensité des contractions due à un déséquilibre hormonal et une dysrégulation du système nerveux autonome (SNA) (Gibson, 1981; Saleh & Connell, 2007). Ces anomalies entraînent une hyperactivation des nocicepteurs utérins, amplifiant les douleurs menstruelles et pelviennes (Shabanah et al., 1964).

Par ailleurs, la sensibilisation centrale contribue à la persistance des douleurs. Les signaux nociceptifs prolongés augmentent l’excitabilité des neurones spinaux et réorganisent les circuits neuronaux de la douleur dans le système nerveux central (Brawn et al., 2014; Kaya et al., 2013). Cette sensibilisation est renforcée par l’interconnexion entre les régions responsables de la douleur et celles liées aux émotions, notamment l’amygdale et l’hippocampe (As-Sanie et al., 2016). Ces zones du système limbique, qui régulent la réponse émotionnelle, interagissent étroitement avec le SNA. En cas de stress chronique ou de traumatisme, cette interaction devient pathologique. L’hyperactivité de l’amygdale, induite par des stimulations émotionnelles répétées, perturbe l’équilibre du SNA, favorisant un état de contraction utérine anormale et persistante (Bryant et al., 2016). De plus, l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), suractivé par le stress prolongé, entraîne une libération excessive de cortisol, renforçant la sensibilisation centrale et exacerbant les anomalies myométriales (Chelimsky et al., 2016).

 

Facteurs psychiques et douleurs pelviennes chroniques

Les facteurs psychiques, tels que la dépression, l’anxiété et les traumatismes antérieurs, jouent un rôle clé dans l’expérience douloureuse des patientes atteintes d’endométriose. Des études ont montré que les patientes souffrant de douleurs pelviennes chroniques présentent souvent des taux élevés de détresse psychologique et de troubles de l’humeur (Ramin-Wright et al., 2018; Bryant et al., 2016). Ces troubles ne sont pas simplement des conséquences de la douleur, mais peuvent également en être des amplificateurs. Le stress chronique agit comme un facteur prédisposant, en augmentant la sensibilité centrale par des mécanismes neuroendocriniens. Par exemple, un stress émotionnel prolongé peut entraîner des changements dans la connectivité fonctionnelle entre le système limbique et les zones corticales responsables de la modulation de la douleur, aggravant ainsi l’intensité et la persistance des symptômes (As-Sanie et al., 2016). En outre, les patientes ayant des antécédents de traumatismes psychologiques ou physiques sont plus susceptibles de développer des douleurs pelviennes sévères en raison d’une plasticité neuronale anormale (Aredo et al., 2017).

Impact sur les résultats chirurgicaux et la qualité de vie

L’efficacité des interventions chirurgicales pour traiter l’endométriose peut être compromise par ces interactions complexes entre le SNA, les émotions et les antécédents psychologiques. Les patientes présentant une hypersensibilisation centrale et des troubles émotionnels tendent à obtenir des résultats chirurgicaux moins favorables, même après une exérèse complète des lésions (Aredo et al., 2017). Cela s’explique par la persistance de mécanismes douloureux centraux indépendants des lésions anatomiques. Par conséquent, une prise en charge intégrative, incluant la gestion des facteurs psychiques et environnementaux, est essentielle pour optimiser les résultats chirurgicaux (Chelimsky et al., 2016).

Malgré les options thérapeutiques disponibles, une proportion significative de patientes ne voit pas d’amélioration significative de leur qualité de vie (Evans et al., 2022). Les douleurs résiduelles, la fatigue chronique et l’impact émotionnel de la maladie continuent d’altérer leur bien-être global. Des programmes éducatifs et un accompagnement psychologique soutenu peuvent aider ces patientes à mieux gérer les symptômes et à maintenir une meilleure adhésion aux soins. Cependant, la complexité des facteurs environnementaux, tels que le stress au travail ou dans la vie personnelle, peut également influencer négativement les résultats thérapeutiques (Ramin-Wright et al., 2018).

Approches thérapeutiques complémentaires

Face aux limites des traitements conventionnels, les soins de support et thérapeutiques complémentaires ciblent plusieurs dimensions de la maladie. Voici un récapitulatif des principales approches :

Type d’approche

Exemples d’interventions

Objectifs

Physiothérapie et kinésithérapie

Rééducation périnéale, relaxation musculaire, exercices de mobilité, tecarthérapie.

Réduction des tensions pelviennes, amélioration de la posture, atténuation de la douleur.

Techniques de relaxation

Cohérence cardiaque, méditation, auto-hypnose.

Réduction du stress, régulation du système nerveux autonome (SNA).

Thérapies comportementales

Thérapie cognitive et comportementale (TCC), biofeedback, thérapie de gestion des émotions.

Amélioration de la gestion de la douleur, réduction des impacts psychologiques.

Soins nutritionnels

Régimes anti-inflammatoires, ajustements alimentaires.

Réduction de l’inflammation systémique, amélioration de l’état général.

Outils numériques

Applications mobiles (mHealth), réalité virtuelle (Endocare), biofeedback numérique.

Autogestion de la douleur, amélioration de la qualité de vie, soutien éducatif.

Éducation thérapeutique

Programmes éducatifs en présentiel et en ligne (E-ETP, NUVEE), ateliers collectifs, documentation interactive.

Renforcement des compétences des patientes, autogestion de la douleur, meilleure adhérence aux soins.

Accompagnement médical

Entretien motivationnel, questionnaires qualité de vie, ateliers de dialogue patient-soignant.

Favoriser l’adhérence thérapeutique, établir une alliance thérapeutique, encourager l’autonomie.

Médecine optimisée

Ceci nous amène a développer un nouveau concept de « médecine optimisée » qui  repose sur une vision innovante et scientifique de la pratique médicale, où l’optimisation de la qualité de vie devient une finalité aussi importante que l’efficacité technique des soins. Fondée sur des données probantes et des valeurs humanistes, cette approche combine des stratégies thérapeutiques intégratives, centrées sur la patiente, et des soins multidimensionnels.

Les piliers fondamentaux de la médecine optimisée sont :

Une Expertise en douleur pelvi-périnéale :

Les avancées dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques, notamment l’hyperactivation centrale et les dysrégulations du système nerveux autonome (SNA), permettent de développer des interventions ciblées. Ces approches, qu’elles soient médicales, chirurgicales ou basées sur des techniques complémentaires, visent à réduire efficacement la douleur et ses impacts fonctionnels.

Un Parcours de soins pluriprofessionnel et coordonné :

Des équipes spécialisées et interprofessionnelles (médecins, sages-femmes, infirmiers, assistantes) travaillent en synergie pour offrir une prise en charge globale, où chaque étape est clairement définie et intégrée dans une stratégie thérapeutique personnalisée.

Éducation thérapeutique du patient (ETP) :

Classé parmi les meilleurs programmes nationaux, l’ETP vise à autonomiser les patientes en renforçant leurs connaissances sur leur pathologie et en les impliquant activement dans leur prise en charge. Ce processus améliore non seulement les résultats cliniques, mais favorise également l’adhésion aux traitements.

Évaluation continue de la qualité de vie :

Des outils standardisés permettent de mesurer objectivement l’impact des interventions sur les dimensions physiques, fonctionnelles et émotionnelles de la patiente, avec des ajustements réguliers des stratégies thérapeutiques en fonction des résultats obtenus.

La médecine optimisée se distingue par son ambition de dépasser la seule technicité des soins. Elle redéfinit le rôle des soignants en mettant l’accent sur l’alliance thérapeutique, la communication empathique et l’engagement actif des patientes dans leur parcours de soins. L’entretien motivationnel, en particulier, favorise une meilleure adhésion et aide les patientes à formuler des objectifs réalistes en lien avec leur santé.

Perspectives et conclusion

L’endométriose est une maladie multifactorielle nécessitant une prise en charge globale et individualisée. Les approches thérapeutiques complémentaires (soins de supports) doivent être intégrées dans une stratégie de soin centrée sur la patiente, en combinant des solutions physiques, émotionnelles, technologiques et éducatives.

Ces interventions offrent non seulement l’opportunité de répondre aux besoins non couverts par les traitements conventionnels, mais contribuent également à agir directement sur la physiopathologie de la douleur. Par exemple, les techniques de relaxation et de régulation du système nerveux autonome (SNA) permettent de réduire l’hyperactivation centrale. En combinant ces approches avec une sensibilisation accrue du corps médical et une meilleure alliance thérapeutique, il est possible de restaurer la confiance des patientes dans le système de santé.

Il est essentiel de favoriser une communication empathique et d’améliorer l’alliance thérapeutique entre les patientes et les professionnels de santé pour maximiser les résultats. L’ La recherche future devra continuer d’évaluer l’efficacité à long terme de ces approches dans les parcours de soins afin d’améliorer la qualité de vie et l’autonomie des patientes.

La médecine de demain, pour être véritablement holistique et efficace, devra intégrer des soins de support et viser une amélioration durable de la qualité de vie, indépendamment de la maladie ou de son pronostic.

En combinant expertise scientifique, innovation thérapeutique et valeurs humaines, la médecine optimisée offre un modèle de soins global et intégratif, qui pourrait redéfinir durablement les standards de la prise en charge médicale.

 

Bibliographie

  1. Abril-Coello R, Correyero-León M, Ceballos-Laita L, Jiménez-Barrio S. Benefits of physical therapy in improving quality of life and pain associated with endometriosis: A systematic review and meta-analysis. Int J Gynaecol Obstet Off Organ Int Fed Gynaecol Obstet. juill 2023;162(1):233-43.
  2. Aredo JV, Heyrana KJ, Karp BI, Shah JP, Stratton P. Relating Chronic Pelvic Pain and Endometriosis to Signs of Sensitization and Myofascial Pain and Dysfunction. Semin Reprod Med. janv 2017;35(1):88-97.
  3. As-Sanie S, Kim J, Schmidt-Wilcke T, Sundgren PC, Clauw DJ, Napadow V, et al. Functional Connectivity is Associated With Altered Brain Chemistry in Women With Endometriosis-Associated Chronic Pelvic Pain. J Pain. janv 2016;17(1):1-13.
  4. Brawn J, Morotti M, Zondervan KT, Becker CM, Vincent K. Central changes associated with chronic pelvic pain and endometriosis. Hum Reprod Update. 2014;20(5):737-47.
  5. Bryant C, Cockburn R, Plante AF, Chia A. The psychological profile of women presenting to a multidisciplinary clinic for chronic pelvic pain: high levels of psychological dysfunction and implications for practice. J Pain Res. 2016;9:1049-56.
  6. Chelimsky G, Simpson P, McCabe N, Zhang L, Chelimsky T. Autonomic Testing in Women with Chronic Pelvic Pain. J Urol. août 2016;196(2):429-34.
  7. Del Pino-Sedeño T, Cabrera-Maroto M, Abrante-Luis A, González-Hernández Y, Ortíz Herrera MC. Effectiveness of psychological interventions in endometriosis: a systematic review with meta-analysis. Front Psychol. 2024;15:1457842.
  8. Evans S, Villegas V, Dowding C, Druitt M, O’Hara R, Mikocka-Walus A. Treatment use and satisfaction in Australian women with endometriosis: a mixed-methods study. Intern Med J. déc 2022;52(12):2096-106.
  9. Gibson A. The influence of endocrine hormones on the autonomic nervous system. J Auton Pharmacol. sept 1981;1(4):331-58.
  10. Tennfjord MK, Gabrielsen R, Tellum T. Effect of physical activity and exercise on endometriosis-associated symptoms: a systematic review. BMC Womens Health. 9 oct 2021;21(1):355.

Pédiatrie