L’endométriose en période ménopausique : de la physiopathologie à la thérapeutique ?

L’endométriose est une maladie chronique caractérisée par la présence de tissu endométrial en dehors de l’utérus, principalement dans la région pelvienne. Elle se manifeste principalement en période d’activité génitale, occasionnant divers symptômes souvent associés à des troubles de la fertilité.

La ménopause met le plus souvent fin aux manifestations de l’endométriose intiment liées aux estrogènes. Cependant, chez certaines femmes ménopausées, cette affection persiste évoquant la possibilité de nouveaux mécanismes physiopathologies. Ainsi, les kystes et les lésions d’endométriose profonde peuvent progresser malgré de très faibles concentrations en estrogènes, insuffisantes par ailleurs pour activer l’endomètre et éviter l’apparition du SGUM. L’activité de l’aromatase, enzyme qui permet la transformation des androgènes en estrogènes, pourrait être dérégulée dans l’endométriose post-ménopausique du fait d’une modification génétique, épigénétique ou d’un polymorphisme génétique.

La prise en charge de l’endométriose après la ménopause requiert une approche multidisciplinaire et les options thérapeutiques peuvent associer la chirurgie, les traitements hormonaux et les traitements de la douleur.

 

Une équipe française a mené une revue de la littérature nous permettant de mieux comprendre et prendre en charge ces patientes.

Il semblerait que 2 à 4 % des femmes après la ménopause puissent souffrir d’endométriose qui peut faire suite à une endométriose en période d’activité génitale mais peut apparaître de novo. La théorie du reflux ne peut donc être la seule explication physiopathologique à l’endométriose. L’endométriose est une pathologie estrogénodépendante par excellence et la principale source d’estrogènes provient des ovaires durant la vie reproductive. Après la ménopause, l’endométriose pourrait être lié à une production extra-ovarienne d’estrogènes dans le tissu adipeux, ou les surrénales ou encore être en relation avec un apport exogène lors d’un THM. Les estrogènes stimulent Cox2 dans une boucle avec un feed-back positif à l’origine d’une augmentation de l’augmentation de la prostaglandine E2 qui entretient l’activité de l’aromatase. Cette théorie pourrait élucider comment l’endométriose peut persister et se manifester, après la ménopause dans un environnement clairement hypoestrogénique.

Après la ménopause la principale source d’estrogènes est périphérique en particulier par la conversion des androgènes dans le tissu adipeux et la peau. L’estrone est alors le principal estrogène produit. Il peut se transformer en estradiol, forme la plus active des estrogènes, par la 17 bêta-hydroxylase de type 1 au sein du tissu endométriosique. Cependant, à l’inverse de ce qui se passe dans le tissu endométrial normal, le tissu endométriosique manque de 17-bêta hydroxyl stéroïde déshydrogénase de type 2 expliquant l’absence de métabolisme de l’estradiol. L’augmentation locale des estrogènes dans le tissu endométriosique stimule localement la production de prostaglandine E2, puissant stimulant de l’enzyme aromatase. Des petits foyers d’endométriose quiescents pourraient s’activer après la ménopause à partir d’un certain seuil d’estrogènes locaux.

 

 

Diagnostic de l’endométriose après la ménopause

Le diagnostic d’endométriose chez les femmes ménopausée peut être difficile. L’échographie pelvienne par voie vaginale et l’I.R.M. donnent des informations importantes en visualisant parfois des lésions d’endométriose, en évaluant, les organes adjacents et en éliminant d’autres possibles pathologies. La biopsie des tissus est cependant parfois nécessaire pour confirmer définitivement le diagnostic.

Sans les règles, le diagnostic traditionnel de l’endométriose est plus difficile à appliquer puisque, de fait, les symptômes ne sont pas reliés aux règles.

La présence d’implants endométriosiques ou d’adhérences observées lors d’une laparoscopie peut être moins facile à visualiser après la ménopause, en particulier quand les lésions sont petites ou l’infiltration très profonde.

Les symptômes d’endométriose après la ménopause peuvent se confondre avec d’autres maladies ou changements liés à l’âge. Par exemple, les douleurs pelviennes ou des dyspareunies peuvent être causées par un prolapsus, de l’atrophie vaginale ou des infections pelviennes ou du tractus urinaire.

 

Prise en charge

La prise en charge de l’endométriose après la ménopause impose une approche pluridisciplinaire associant gynécologues, radiologues et parfois d’autres spécialistes …digestifs ou urologues. Les traitements peuvent associer des interventions chirurgicales à des thérapies hormonales. L’ablation de lésions d’endométriose peut permettre d’améliorer les symptômes et de confirmer le diagnostic. Les traitements hormonaux, comme les progestatifs ou les inhibiteurs de l’aromatase, peuvent être utilisés pour diminuer la production ou l’activité des estrogènes qui entraînent la croissance des implants d’endométriose.

 

Chirurgie

La chirurgie a un rôle majeur dans la prise en charge de l’endométriose après la ménopause surtout quand les symptômes sont sévères ou que les traitements conservateurs ont été inefficaces. Elle consiste en une ablation des lésions ou des adhérences lors d’une cœlioscopie. Parfois des interventions plus lourdes avec hystérectomie et/ou annexectomies bilatérales sont nécessaires mais imposent une évaluation précise de la balance bénéfice-risque.

 

Les traitements hormonaux

Les traitements hormonaux sont fréquemment utilisés pour traiter l’endométriose après la ménopause. Le but est de supprimer la production ou l’activité des estrogènes. Les progestatifs comme le MPA ou les DIU au lévonorgestrel sont communément prescrits. Ils aident efficacement à la diminution des douleurs pelviennes lors des rapports. Les inhibiteurs de l’aromatase, comme le létrozole, pourraient de plus supprimer la production locale d’estrogènes et entraîner une régression des lésions. Ces traitements sont particulièrement utiles chez les femmes qui ont une endométriose persistance malgré la survenue de leur ménopause suggérant qu’il persiste chez elle une production estrogènique locale plus qu’une production estrogénique systémique

Le danazol est une autre option, androgène de synthèse, il a des propriétés anti-estrogèniques importantes. Il supprime la production des estrogènes et de la progestérone par les ovaires. Après la ménopause il diminue encore les estrogènes et possèdent des effets directs sur le tissu endométrial entraînant une atrophie des implants d’endométriosiques pouvant réduire les symptômes.

Chez les femmes ménopausées, l’utilisation d’un traitement hormonal de la ménopause est souvent contre-indiquée en cas d’endométriose qui pourrait être exacerbée. Le danazol pourrait offrir une une alternative au traitement hormonal en diminuant les symptômes de la ménopause, sans introduire d’estrogènes susceptibles de stimuler les lésions d’endométriose. Cependant, cette molécule a des effets secondaires, qui nécessite d’être pris en compte.

 

Prise en charge de la douleur

La douleur liée à l’endométriose après la ménopause peut être prise en charge par différentes techniques. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens soulagent de façon temporaire. En cas de douleur sévère, la prescription de médicaments ou des analgésiques opioïdes pourraient être prescrits sur un court terme. Les techniques de relaxation ou thérapies physiques pourraient également être efficaces.

 

Les approches thérapeutiques inefficaces

Les analogues de la GnRH, du fait de leur mécanisme d’action, ne sont pas efficaces en période de ménopause contrairement à avant la ménopause. La diminution des sécrétions hormonales ovariennes, déjà à un taux extrêmement faible lors de la ménopause, est imperceptible. De plus, ces médicaments entraînent d’importants effets secondaires comme des bouffées vaso-motrices déjà souvent invalidantes.

La progestérone et les progestatifs contrebalancent les effets des estrogènes sur le tissu endométrial. Après la ménopause, il existe une résistance aux progestatifs dont le mécanisme n’est pas totalement élucidé. Les changements d’expression de la fonction du récepteur de la progestérone dans le tissu endométrial pourraient réduire la réponse thérapeutique. Ces molécules n’atteindraient pas la production estrogènique locale dans les lésions d’endométriose.

 

Impact sur la santé des femmes

L’endométriose après la ménopause ne pose pas seulement le problème de la qualité de vie des femmes mais de leur possible potentiel malin estimé à 2 ou 3%. Le risque de cancer ovarien augmente avec l’âge, et certains sous -types de cancers pourraient provenir de lésions d’endométriose. Une surveillance rapprochée reste très importante pour détecter et suspecter une éventuelle transformation maligne.

La sante sexuelle peut être affectée chez les femmes atteintes d’endométriose après la ménopause, à l’origine de dyspareunies diminuant le désir et la libido.

Certaines études retrouvent une association entre l’endométriose et les risques sur la santé à long terme comme une augmentation des maladies cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux chez les femmes ayant une histoire d’endométriose. Des maladies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus, ont aussi été décrits comme des maladies potentiellement associées à l’endométriose.
 

L’endométriose post-ménopausique concerne des femmes qui continuent à avoir des symptômes d’endométriose ou qui développent cette maladie après la ménopause. Il faut savoir la suspecter car un diagnostic rapide permet une approche thérapeutique utile. Un monitoring ultérieur est essentiel au dépistage d’éventuelles complications ou maladies associées.

 

Vallée A, Carbonnel M, Ceccaldi P-F, Feki A, Ayoubi J-M. Postmenopausal endometriosis : a challenging beyond menopause. Menopause 2024; 31:447-456.