L’exposition cumulée aux œstrogènes peut-elle augmenter le risque de migraines chez la femme ?

Les migraines sont une affection fréquente avec une prévalence estimée à 15% dans la population adulte européenne. Les migraines sont la première cause d’incapacité chez les jeunes adultes avec un impact sociétal important en termes d’économie et d’emploi.

Avant la puberté, la prévalence des migraines est de 7,5% tout sexe confondu. Cependant, après la puberté, cette prévalence augmente à environ 17% chez les femmes contre 8% chez les hommes. Les fluctuations des taux d’hormones sexuelles à la puberté chez la femme sont considérées comme jouant un rôle important dans cette augmentation de prévalence.

Dans ce sens, plusieurs travaux ont déjà montré que la chute du taux d’estrogènes augmentait la susceptibilité d’épisodes de migraines sans aura même si les mécanismes restent encore incertains. Il a aussi été montré qu’un taux élevé d’estrogènes augmentait le risque de migraines avec aura et que le principal facteur déclenchant les migraines chez les femmes était leurs menstruations. Des taux hormonaux stables (qu’ils soient élevés comme aux 2ème et 3ème trimestre de grossesse ou faible comme durant la ménopause) améliorent généralement les migraines.

 

L’objectif de cette étude était d’examiner les différences sur les expositions endogènes ou exogènes aux hormones sexuelles féminines chez des patientes avec ou sans migraines.

La population de cette étude provient d’un échantillon randomisé de la cohorte prospective NOWAC (Norwegian Women and Cancer Study). Cette cohorte comprenait 172 478 femmes norvégiennes âgées entre 30 et 70 ans à l’inclusion. Il s’agissait d’auto-déclarations en réponse à 2 ou 3 questionnaires envoyés par mail sur une durée de 6 à 8 ans. Le taux de réponse était de 52,8%.

Parmi cette cohorte, 24 323 femmes ont reçu un questionnaire plus précis sur les migraines, basé sur l’ICHD2 (International Classification of Headache Disorders) et détaillant les contraceptions hormonales, l’âge de la ménarche, la première grossesse, le nombre d’enfants, la durée d’allaitement et la présence d’un syndrome prémenstruel.

Dans cette étude, les femmes nées avant 1943 (utilisation significativement plus faible de contraception hormonale car introduit en Norvège en 1967) et les femmes n’ayant pas renseigné la date du premier épisode de migraines étaient exclues de l’analyse. Au total, l’échantillon étudié dans l’étude était composé de 62 959 femmes. La prévalence vie entière de migraines était de 24.8%. L’âge moyen du premier épisode de migraines était de 25,9 ± 12 ans. Les patientes ayant rapporté être sujettes aux migraines sont plus âgées et ont un IMC inférieur à celles sans migraines.

 

Sur le plan des expositions endogènes aux hormones, une différence significative avec un âge de ménarche et un âge de la première grossesse plus jeunes, et une multiparité chez les patientes ayant des migraines a été observée.

Sur le plan des expositions exogènes aux hormones, une augmentation du taux de migraines a été retrouvée chez les patientes ayant utilisé des contraceptions hormonales (HR 1.12, IC 1.06-1.18). Les patientes ayant ou souffrant de migraines utilisaient significativement plus de contraceptions progestatives pures (HR 1.19, IC 1.07-1.3) et combinées (HR 1.08, IC 1.02-1.4) comparativement aux patientes non migraineuses.

Aucune différence significative n’était montrée concernant l’âge de la première utilisation ou de l’utilisation d’une contraception hormonale avant la première grossesse.

Parmi les 24 223 femmes ayant reçu le questionnaire plus détaillé sur les migraines, 7215 (29.6%) rapportaient avoir déjà eu des migraines dont 1250 (17.4%) des migraines avec aura (MA). Les patientes avec MA ont eu leurs premières règles plus jeunes que les patientes avec migraines sans aura (MO) (HR 0.98 IC 0.95-0.99). Les femmes avec MA rapportaient plus d’un symptôme du syndrome prémenstruel que les femmes avec MO ou sans migraine (p-value <0.001). Les femmes avec MA rapportaient une utilisation de contraception hormonale plus jeune que les femmes avec MO ou sans migraines (p-value <0.001).

Cette étude montre des résultats concordants avec la littérature déjà existante notamment sur la prévalence des migraines et sur l’apparition comme facteur protecteur d’un âge de ménarche tardif. Les auteurs soulignent la possibilité de biais de mesure dû à la méthode d’autodiagnostic des migraines. La différence du taux de migraines chez les femmes nullipares peut être expliquée par le fait qu’une naissance soit un évènement majeur de vie impliquant beaucoup de changements (stress, responsabilités, dettes de sommeil) connus comme étant des facteurs majorant les crises migraineuses. Les migraines sont des effets indésirables connus des contraceptions estroprogestatives, pouvant expliquer la différence sur le risque de migraines chez les femmes utilisatrices. La différence entre les contraceptions orales progestatives pures et combinées œstro-progestatives peuvent aussi être expliquées par des règles de prescriptions différentes.

Au total, cette étude permet d’observer qu’un risque réduit de migraine est associé à un âge des premières règles plus tardif et qu’un risque augmenté de migraine est associé à l’utilisation d’une contraception orale et à la parité.

 

Référence :

Bugge NS, Grøtta Vetvik K, Alstadhaug KB, Braaten T. Cumulative exposure to estrogen may increase the risk of migraine in women. Cephalalgia. 2024 Jan;44(1):3331024231225972. doi: 10.1177/03331024231225972. PMID: 38215242.