Le CCIS (carcinome canalaire in situ) concerne environ 20 à 25% des cancers du sein. Bien qu’il soit considéré comme une forme précurseur des cancers infiltrants, il est estimé qu’environ 80% des CCIS n’évolueront pas en carcinome canalaire infiltrant (CCI). Les CCIS à haut risque d’évolution vers une forme invasive sont parfois difficile à distinguer des formes à bas risque. Des critères histologiques comme le haut grade et l’âge jeune de la patiente sont associés à un risque augmenté de 2e CCIS et de CCI homolatéral. Pour d’autres critères comme la taille et le statut des marges, cette association est moins claire dans la littérature, avec parfois des résultats discordants.
L’objectif de cet article est donc, à partir d’une large cohorte multicentrique, d’évaluer si la taille du CCIS et le statut des marges chirurgicales sont associés à un sur-risque de développer un CCI homolatéral et/ou un 2e CCIS homolatéral.
Quatre cohortes multicentriques ont été évaluées. Les patientes avaient été traitées pour un CCIS du sein par traitement conservateur avec ou sans radiothérapie adjuvante, ou mastectomie. Le critère du jugement principal était la survenue d’un carcinome infiltrant homolatéral (ou atteinte métastatique sans cancer controlatéral, ou atteinte ganglionnaire axillaire), ou d’un CCIS homolatéral au moins 6 mois après le 1er diagnostic de CCIS. Le statut des marges était évalué sur la marge la plus proche de la tumeur : < 2mm ou ≥ 2mm (incluant une réintervention). Concernant la taille du CCIS, elle était divisée en 3 catégories : < 20mm, 20-49mm et ≥ 50mm.
Au total, 47695 patientes ont été incluses ; le suivi moyen était de 6,7 ans. 68% des patientes ont eu un traitement conservateur avec ou sans radiothérapie, et 32% une mastectomie. Concernant la taille de la tumeur, 46% des femmes avaient une taille de CCIS < 20mm, 19% entre 20 et 49mm, et 7% une taille ≥ 50mm, et l’information était manquante chez 28% des patientes. Concernant les marges de résection, elles étaient saines dans 81% des cas, atteintes chez 5% des patientes, et le statut des marges non renseigné chez 14% des patientes. L’incidence cumulée à 10 ans de CCI homolatéral et de CCIS homolatéral étaient respectivement de 3,2% et de 1,8%.
- Évaluation du sur-risque de CCI et CCIS selon la taille du CCIS initial.
L’analyse multivariée a été ajustée sur de nombreux facteurs tels que l’âge, le grade, le traitement et le statut des marges. La taille du CCIS n’était pas significativement associée à un sur-risque de développer un CCI homolatéral (uniquement une tendance) que ce soit après tumorectomie +/- radiothérapie ou mastectomie. En revanche, la taille du CCIS était significativement associée à un sur-risque, cependant modéré, de développer un CCIS homolatéral en cas de traitement conservateur +/- radiothérapie (HR=1,38 IC95=1,11-1,72), mais non significatif en cas de mastectomie.
A noter, le risque de développer ultérieurement un CCI de stade III et IV était significativement plus important chez les patientes ayant eu un CCIS ≥ 50mm (HR=3.93 (1.80-8.57) p<0.001 et HR=3.56 (1.84-6.91) p<0.001).
- Évaluation du sur-risque de CCI et CCIS selon le statut des marges de résection.
L’incidence cumulée à 10 ans de CCI et de CCIS était respectivement 5,8% et 4,5% en cas de marges atteintes, versus 3,9% et 2,5% en cas de marges saines. En analyse multivariée, le sur-risque d’incidence de CCI et de CCIS chez les patientes avec marges atteintes était significatif en cas de traitement conservateur +/- radiothérapie avec cependant un Hazard Ratio modéré (HR=1,40 IC95 = 1,07-1,83 et HR=1,39 IC95=1,04-1,87). En revanche, en cas de mastectomie, le statut des berges n’augmentait pas le risque d’incidence de CCI et de CCIS.
En conclusion, cette étude montre que la taille du CCIS est associé à un sur-risque modéré mais significatif de développer un CCIS homolatéral en cas de traitement conservateur. De plus, une taille ≥ 50mm augmenterait le risque de développer un CCI de stade III ou IV ultérieurement. Ces résultats montrent également que des marges chirurgicales atteintes seraient un facteur de risque de CCI et CCIS homolatéraux en cas de traitement conservateur.
Cette étude est basée sur quatre cohortes multicentriques pré-existantes de grand volume ; cependant il s’agit de données rétrospectives, avec plusieurs limites. Les catégories de taille de CCIS étaient différentes selon les cohortes ce qui a posé des problèmes d’hétérogénéité. La principale limite est le pourcentage de données manquantes, à la fois pour les caractéristiques des populations, mais aussi pour le taux de marges atteintes