Recommandations pour la pratique clinique du CNGOF. Place de l’auto-examen des seins dans les stratégies de dépistage

Le but de cette recommandation, élaborée par la Commission de sénologie (CS) du CNGOF à partir d’une revue actualisée de la littérature selon la méthode GRADE, est d’évaluer si la pratique régulière de l’auto-examen des seins (AES) comparée à son absence a un impact sur le nombre de cancers du sein diagnostiqués, leur stade, le traitement utilisé et la mortalité.

L’AES est une méthode systématique d’auto-inspection et de palpation des seins et des aisselles.

Quatre groupes de femmes ont été individualisés :

1/ Femmes de la population générale ayant moins de 70-75 ans.

    1. Femmes de moins de 70 ans ne participant pas à un programme de dépistage individuel (DI) ou organisé (DO).

Recommandation 1 : il est recommandé de ne pas conseiller l’AES dans la population générale pour augmenter le nombre de cancers dépistés. Recommandation forte. Qualité de la preuve élevée.

Recommandation 2 : Il est recommandé de ne pas conseiller l’AES dans la population générale pour réduire la mortalité par cancer du sein. Recommandation forte. Qualité de la preuve élevée.

    1. Femmes de 50 à 75 ans participant à un programme de DI ou de DO.

Recommandation 3 : il n’est pas recommandé de conseiller l’AES dans la population participant à un programme de DO pour augmenter le nombre de cancers dépistés. Recommandation faible. Qualité de la preuve basse.

Recommandation 4 : il n’est pas recommandé de conseiller l’AES dans la population participant à un programme de DO pour augmenter la survie globale ou sans récidive. Recommandation faible. Qualité de la preuve basse.

Recommandation 5 : en l’absence de données sur l’impact de l’AES sur la qualité de vie, il n’est pas possible de recommander l’AES pour augmenter la qualité de vie des femmes. Recommandation faible. Qualité de la preuve basse.

Recommandation pour la population générale de moins de 75 ans : dans la population générale, avec ou sans dépistage par mammographie, la pratique d’un AES n’est pas recommandée. La promotion de l’AES pour réduire la mortalité par cancer du sein ne doit pas être recommandée. Recommandation forte. Qualité de la preuve élevée.

2/ Femmes de la population générale ayant plus de 75 ans ne participant pas à un programme de dépistage.

Recommandation 6 : en l’absence de données sur la place de l’AES chez les femmes de plus de 75 ans, il n’est pas possible de recommander l’AES pour augmenter le nombre de cancers du sein dépistés. Absence de recommandation. Absence de preuve.

Recommandation 7 : en l’absence de données sur la place de l’AES chez les femmes de plus de 75 ans, il n’est pas possible de recommander l’AES pour diminuer la mortalité par cancer du sein. Absence de recommandation. Absence de preuve.

3/ Population à haut risque de cancer du sein.

Recommandation 8 : en l’absence de donnée sur la place de l’AES chez les patientes à haut risque de cancer du sein pour le dépistage du cancer du sein et son impact sur la survie globale et sans récidive, il n’est pas possible d’émettre de recommandation. Absence de recommandation. Qualité de la preuve très basse.

4/ Population antérieurement traitée pour un cancer du sein et avec DI par imagerie annuelle et examen clinique semestriel.

Recommandation 9 : en l’absence de données sur la place de l’AES chez une patiente traitée pour cancer du sein pour anticiper le diagnostic de récidive de cancer, il n’est pas possible d’émettre de recommandation. Absence de recommandation. Qualité de la preuve très basse.

Recommandation 10 : en l’absence de données sur le bénéfice en terme de diagnostic précoce d’une récidive ou de modification de la survie par la pratique de l’AES chez une patiente traitée pour cancer du sein, il n’est pas possible d’émettre de recommandation. Absence de recommandation. Qualité de la preuve très basse.

Discussion/conclusion

Rejoignant la position des femmes membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à l’exemple de la Canadian Task Force on Preventive Healhcare au Canada et l’United States Preventive Services Task Force aux Etats-Unis, la CS du CNGOF indique qu’aucune politique de santé ou de campagne d’information en France ne devrait promouvoir l’AES pour les femmes de la population générale âgées de moins de 75 ans qui bénéficient par ailleurs d’un examen clinique des seins à partir de l’âge de 25 ans et d’un DO de 50 à 74 ans.

En l’absence de données pour celles âgées de plus de 75 ans, celles à haut risque de cancer du sein et celles antérieurement traitées pour cancer du sein, il n’a pu être émis de recommandation.

Si des femmes de l’une de ces trois dernières catégories souhaitaient pratiquer l’AES, il faut qu’elles bénéficient d’un apprentissage rigoureux de sa technique et d’une information sur les bénéfices et risques de cette pratique qui ne peut en aucun cas se substituer aux autres modalités de suivi recommandées dans ces situations : examen clinique par un professionnel de santé et imagerie éventuelle. Enfin, la CS du CNGOF encourage toutes les femmes qui détectent un changement ou une anomalie dans leurs seins à consulter sans retard un professionnel de santé.

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Vincent Lavoué, Amélia Favier, Sophie Frank et al. Gynecol Obstet Fertil Senol 2023;51:437-47