La pathomics, la rencontre de la pathologie digitale avec l’intelligence artificielle (IA), est la nouvelle flèche à l’arc de la médecine personnalisée. Ses applications en anatomo-cyto-pathologie sont multiples et en récent développement dans différents cancers, notamment le cancer du sein. Cette technologie peut fournir une assistance à la classification et aux diagnostics des cancers, elle est aujourd’hui en mesure de prédire la présence d’anomalies moléculaires, la réponse aux traitements des cancers et même d’établir le pronostic des patients.
En effet, point d’IA sans mise en place d’un système digital de lecture des lames ; l’IA ne remplacera pas non plus les pathologistes ou les radiologues comme certains l’avaient prédit il y a quelques années. Elle sera un outil à leur disposition.
La révolution de l’intelligence artificielle et l’enthousiasme autour de son déploiement en médecine sont en plein développement, comme le témoigne le nombre exponentiel de publications sur le sujet (203 articles en 2005 contre 12.563 en 2019) l’anatomo-cyto-pathologie étant la spécialité la plus concernée parmi les 17 spécialités citées.
Entre 2014 et 2020 le marquage de conformité européenne (CE) a été attribué à 8 dispositifs de IA appliqués à l’anatomie pathologique et à 17 jusqu’en 2022. Cette accélération est symptomatique du croissant intérêt des médecins et des industriels sur le sujet.
Aujourd’hui, il est demandé au pathologiste de fournir une classification précise et une caractérisation détaillée du cancer au moment du diagnostic. Le vieillissement global de la population, en parallèle avec l’augmentation de l’incidence des cancers et des pathologies inflammatoires ont comme conséquence une augmentation de la charge de travail des pathologistes. L’IA pourrait aussi palier partiellement la croissante pénurie de pathologistes (1530 médecins en 2021) ainsi que les déserts médicaux.
De plus, la variabilité inter-pathologistes peut être améliorée dans certaines situations dont les lésions frontières (carcinome canalaire in situ de bas grade versus hyperplasie canalaire atypique).
Dans ce contexte, les algorithmes d’IA viennent apporter une aide précieuse au pathologiste lui permettant de rendre un travail reproductible, fiable et rapide.
Néanmoins, plusieurs obstacles retardent aujourd’hui l’adoption de l’IA dans la routine au sein de nos cabinets. Parmi ces obstacles la question éthique du traitement des donnés patient, l’absence de cadre médico-légal, l’absence de nomenclature des actes d’IA, la question financière et l’absence d’études solides validées évaluant la faisabilité et l’applicabilité de ces algorithmes dans la pratique courante.
Et c’est notamment ce dernier point qui est exploré par cette étude. Elle évalue en effet pour la première fois dans la vraie vie de façon multicentrique et avec un système rigoureux de validation externe l’application d’un algorithme d’aide à l’interprétation diagnostique très complet et articulé, sur la plus grande cohorte de biopsies mammaires jamais étudiée à aujourd’hui (2000 lames sélectionnées à partir d’une collection de plus de 115000 cas) enrichies en sous-types tumoraux rares, prenant en considération une multitude de paramètres morphologiques différents.
Cet algorithme est un système de contrôle de qualité efficace pouvant être utilisé comme un second avis et générant des alertes en cas de discordance entre le diagnostic initial du pathologiste et celui rendu par le système d’IA. L’impact sur les délais de rendu n’a pas été néanmoins exploré.
Or ce dernier point et l’étude économique sont majeurs pour son adoption en routine et médecine de ville où la majorité des patients sont pris en charge.
Les résultats montrent que l’IA constitue un outil précieux pour le pathologiste, au même titre que l’ont été auparavant l’immunohistochimie, l’hybridation in situ, la génétique somatique.
Gageons que nos autorités de tutelle puissent accélérer la mise à la nomenclature des actes innovants de génétique somatique et d’IA afin d’assurer une équité de prise en charge territoriale de tous et partout.
La révolution de l’IA en pathologie est en marche. Elle a donc bien commencé. C’est aujourd’hui. C’est maintenant.