Fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes : causes, interprétations, conséquences, et traitements

1) Physiologie de la spermatogénèse et de la spermiogénèse

La formation des spermatozoïdes qui se met en place à partir de la puberté, est un processus de multiplication et de différenciation cellulaire à partir des cellules souches.

Trois étapes se suivent :

  • Une phase de multiplication des cellules souches par des mitoses successives.
  • La spermatogénèse elle-même qui est un mécanisme méiotique permettant le passage à partir des cellules souches diploïdes à des spermatides haploïdes.
  • La spermiogénèse qui est la transformation morphologique des spermatides en spermatozoïdes.

Au cours de la méiose a lieu l’appariement des chromosomes homologues avec formation de chiasma à l’origine des crossing-over et échanges de matériel génétique entre les chromosomes, puis séparation des chromatides filles dans les spermatides haploïdes.

La dernière phase correspond à la spermiogénèse qui est la transformation des spermatides en spermatozoïdes par un processus de modifications morphologiques assez complexes qui concerne la réorganisation du noyau et de son ADN, la formation de l’acrosome et des structures flagellaires.

2) Causes des augmentations de la fragmentation de l’ADN spermatique

Causes intrinsèques.

  • Processus d’apoptose pendant la spermatogénèse : régulièrement de nombreuses cellules germinales primordiales testiculaires entrent en processus de spermatogénèse. Ce phénomène est sous le contrôle des cellules de Sertoli qui induisent un processus d’apoptose pour une partie importante (50 à 60 %) de ces cellules (Billig H et col, 1996). En cas de dérégulation de ce phénomène, beaucoup de cellules seront éliminées, mais un pourcentage important de spermatozoïdes seront formés avec un ADN fragmenté.
  • Défaut de recombinaison durant la spermatogénèse (défaut de réparation de l’ADN pendant la phase de méiose). La spermatogénèse correspond, entre autres, à une division méiotique des cellules germinales. Pendant la méiose, des échanges ont lieu entre les chromatides des chromosomes homologues (recombinaison génomique) avec des systèmes enzymatiques de réparation des ADN chromosomiques échangés.  Les topoisomérases sont très impliquées à ce stade et leurs dysfonctionnements sont très largement mis en cause dans la fragmentation de l’ADN. En cas d’anomalie ou d’insuffisance de fonction de ces enzymes, une altération de la structure de l’ADN apparait et peut entrainer un arrêt ou une diminution de la spermatogénèse (entrainant une oligozoospermie) et/ou la formation de spermatozoïdes avec anomalie de l’ADN (fragmentation).
  • Défaut de remplacement des histones par les protamines pendant la spermiogénèse. La spermiogénèse correspond à la phase finale de formation du spermatozoïde et notamment à des modifications importantes de sa structure. La configuration de la tête du spermatozoïde s’accompagne d’une forte condensation de la structure de l’ADN avec un remplacement des protéines histones par des protamines. Ce phénomène fait intervenir des endonucléases et permet d’obtenir un ADN très condensé dans le noyau. Ceci permet de protéger les spermatozoïdes pendant la traversée des voies génitales féminines et lui assure un pouvoir de fécondation. En cas d’anomalie du fonctionnement des endonucléases, la protamination se fait mal, la maturation du spermatozoïde ne sera pas complète et se traduira par une augmentation de fragmentation de son ADN. La méthylation des histones dans les dernières étapes de la spermiation, souvent associée à un remplacement des groupes acétyl, modifie la polarité de surface du DNA et réduit ainsi les possibilités d’accès aux nucléases.

Causes extrinsèques.
Les différentes causes d’augmentation du stress oxydant entrainent l’apparition de radicaux libres qui sont des entités chimiques possédant un ou plusieurs électrons non appariés sur leur couche externe.  Ils induisent une augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique par activation des caspases et des endonucléases, mais aussi génèrent des sites abasiques souvent au niveau de la guanine, la base de l’ADN la plus sensible à l’oxydation. Le mécanisme est simple, les ADN glycosylase créent un site abasique en reconnaissant une base oxydée et en l’excisant de l’ADN entraine une cassure de l’ADN. Ce mécanisme est aussi actif quand une base (modifiée) désaminée ou alkylée est reconnue.

Les causes d’apparition d’un stress oxydant sont :

  • Varicocèle : de nombreuses publications font état d’une augmentation du taux de fragmentation de l’ADN spermatique en cas de varicocèle qui serait une des causes d’infertilité dans ces situations (Zini A et col, 2011). Des cures de varicocèles diminuent significativement les taux de fragmentation de l’ADN spermatique en l’absence d’autres causes.
  • Les infections bactériennes du sperme avec augmentation locales des leucocytes peuvent avoir un retentissement sur la qualité de l’ADN spermatique (Gallecos G et col, 2008).
  • Age du patient : il existe une corrélation entre l’âge du patient et le taux de fragmentation. Différentes études montrent une augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique avec l’âge du patient (Nijs M et col, 2011, Evenson et al. fertil steril 2020). La fragmentation de l’ADN spermatique étant nettement plus basse chez les patients de moins de 35 ans (Belloc S et col, 2009).
  • Température élevée des testicules. Il est connu qu’une augmentation de la température des testicules (par exemple en liaison avec la profession ou à la suite d’une fièvre) a un retentissement sur la spermatogénèse pouvant aller jusqu’à l’azoospermie transitoire. Différents modèles animaux ont montré qu’une augmentation de la température des testicules entraine aussi une augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique (Paul C et col, 2008).
  • Effets secondaires de différentes thérapies. En premier, ce sont les traitements anti-cancéreux (chimiothérapie, radiothérapie) qui altèrent la spermatogénèse et augmentent la fragmentation de l’ADN spermatique. (Morris ID et col, 2002). En fonction du niveau de traitement, ces altérations peuvent ne pas être réversibles.

Il a même été décrit que certains antidépresseurs (Tanrikut C et col, 2010) ou certains vaccins chez l’animal (Gosalves J et col, 2008) ont un effet négatif sur la qualité de l’ADN spermatique :

  • Exposition du patient à un environnements chimiques ou à un environnement continu en perturbateurs endocriniens (Menezo et al. Mol Reprod.Dev 2019). Les perturbateurs endocriniens affectent négativement la méthylation de l’ADN et sont donc sources de fragilité puis d’instabilité de l’ADN (Duthie et al ;  J. Nutr. 2002). De nombreux toxiques de l’environnement peuvent avoir un effet sur la qualité de l’ADN spermatique soit par effet direct de la molécule sur l’ADN, soit à travers une augmentation de la production de radicaux libres entrainant un stress oxydant pendant la spermatogénèse.

Mécanismes d’action des perturbateurs endocriniens (EDC, endocrine disruptor chemicals).

Ces EDC sont dorénavant retrouvés partout dans les fluides humains, baignant les gamètes (liquide folliculaire, plasma séminal) et l’embryon (placenta). Il s’agit surtout, au-delà des pesticides, de plastifiants utilisés régulièrement dans la vie de tous les jours (Bisphenol, phtalates etc…). D’une façon simplifiée, ils se fixent, sur les Androgenes receptor (AR) et/ou les Estrogène Receptors (ER).
La présence de ces EDC stimule de façon pathologique permanente ces récepteurs qui, en réponse, stimulent les voies de signalisation et entrainent une activation inappropriée des cellules générant un stress oxydant (action directe sur l’ADN, et peroxydation des lipides membranaire) aboutissant à une apoptose des cellules avec fragmentation de l’ADN.

Tous ces causes extrinsèques nécessitent qu’un examen clinique et un interrogatoire complet soient faits pour interpréter un résultat du taux de fragmentation de l’ADN
spermatique.

3) Techniques d’analyses de la fragmentation de l’ADN spermatique

Respect de la phase pré-analytique :

  • Durée d’abstinence : une durée trop courte ou trop longue interfère avec le niveau de fragmentation (Gonzalez-Marin C et col, 2012). La bonne pratique est d’accepter une abstinence de 2 à 7 jours (recommandation du guide de l’OMS) afin d’obtenir la meilleure standardisation des résultats.
  • Technique de préparation du sperme en vue d’AMP : les techniques de préparation du sperme en vue d’AMP (centrifugation sur gradient, swim up, etc …) peuvent artificiellement minimiser le taux de fragmentation de l’ADN du sperme, ou au contraire l’accroitre, si les conditions de manipulation ne sont pas parfaites.   Afin d’essayer de standardiser au mieux les résultats il est préférable que l’analyse du taux de fragmentation de l’ADN soit faite sur le sperme éjaculé, après liquéfaction.
  • Température de conservation du sperme avant analyse : une température trop élevée (> 15°C) peut altérer l’ADN spermatique   Il est conseillé de conserver le sperme éjaculé congelé après liquéfaction du sperme dans l’heure qui suit l’éjaculation si l’analyse n’est pas faite le jour du recueil.
  • Réalisation de la technique. Il faut rappeler que les manipulations se font en présence d’air, donc en présence d’oxygène. Il est donc conseillé de réaliser la technique peu de temps après la décongélation du sperme ou peu de temps après la liquéfaction si on travaille sur du sperme frais.

Différentes techniques d’analyse de la fragmentation de l’ADN spermatique.

Il faut en premier lieu noter qu’il n’y a pas de méthode de référence, ni de contrôle interne, ni de moyen d’une évaluation externe de la qualité de ces techniques, ce qui rend leurs réalisations difficiles et nécessite une certaine expérience pour l’interprétation des résultats.
Afin de palier à ces manques, des comparaisons de méthodes peuvent être réalisées (Hamidi J, Clement P, Menezo Y, 2013), ainsi que des échanges inter-laboratoires afin de corréler les résultats, mais on se retrouve face au problème de techniques parfois différentes et de la dépendance/operateur.

Les techniques utilisées sont les suivantes :

  • Technique TUNEL (Gorczyca W et col, 1993).
  • Technique COMET (Hughes C et col, 1997).
  • Technique CMA3 pour laquelle la littérature est assez confuse.
  • Technique in situ nick translation.
  • Technique SCD (Sperm Chromatine Dispersion).
  • Technique à l’acridine orange : SCSA (Evenson DP et col, 1980) et techniques associées (Hamidi J et col, 2013).
  • Technique en cytometrie de flux avec un anticorps fluorescent contre la 8 oxo deoxyguanosine. 

Les techniques les plus utilisées en France sont la technique TUNEL, la technique à l’acridine orange et la technique SCD.
Le SCD a un inconvénient, il est une mesure à la fois fragmentation et décondensation de l’ADN, alors que ce sont des paramètres indépendants.

Le COMET distingue théoriquement les cassures double brin et les cassures monobrin. La cassure double brin est plus compliquée à réparer (et donc plus pathogène) qu’une cassure monobrin, mais dans la mesure où l’approche thérapeutique sera la même, l’intérêt de connaitre cette différence est peu utile.

La technique avec anticorps 8 oxo-desoxy-guanosine est trop spécifique du stress, alors que la fragmentation de l’ADN peut être liée à d’autres causes.

Les techniques TUNEL et à l’acridine orange (SCSA) analysent les cassures monobrins et doubles brins sans les séparer, et peuvent être réalisées sur un cytomètre de flux, ce qui permet une lecture d’un nombre important de spermatozoïdes (jusqu’à 10 000 spermatozoïdes) et ainsi une meilleure sensibilité.

4) Valeurs usuelles et interprétation des résultats

Il est difficile de donner des valeurs usuelles pour les taux de fragmentation de l’ADN spermatique pour deux raisons principales :

  • Les valeurs sont différentes en fonction des techniques.
  • Il n’y a pas de méthode de référence, ni de standard international utilisable par les laboratoires.

D’autre part sur quels critères (absence de grossesses naturelle, absence de grossesses après protocoles d’AMP avec des critères qui différent entre IAC et FIV/ICSI) doivent être mis en place ces valeurs normales ou pathologiques ?

Néanmoins, en fonction des différentes études, nous pouvons considérer les valeurs suivantes

Valeurs « normales et pathologiques » :

  • Valeur sans incidence : taux de fragmentation < 25%
  • Valeur avec potentiel impact sur la fertilité : taux de fragmentation > 35%
  • Zone grise entre 25 et 35% de fragmentation.

Dans tous les cas le facteur féminin associé sera d’une importance majeure (âge de la patiente, qualité de l’ovocyte et notamment sa capacité de réparation de l’DNA).
(Shen H et col, 2000).

Il est également important de comprendre que ces valeurs « normales » doivent être interprétées en fonction de la technique d’AMP qui va être utilisée ou si c’est dans un contexte de recherche de grossesses spontanées. Par exemple, les IAC ne donnent pas de bons résultats quand la fragmentation est élevée par rapport à l’ICSI, car la dégradation de l’ADN continue dans les voies génitales femelles alors que ce n’est pas le cas en ICSI quand l’injection est réalisée rapidement. (Bungum M et col, 2007). Le même raisonnement est vrai en FIV où la dégradation de la qualité de l’ADN se poursuit plus longtemps qu’en ICSI.

Taux de fragmentation de l’ADN spermatique et paramètres du spermogramme.
Le taux de fragmentation de l’ADN spermatique n’est pas fortement corrélé avec les paramètres du spermogramme comme nous l’avons montré dans une importante série de patients (plus de 2000 patients).
(Paul Cohen-Bacrie,, Yves J.R. Menezo , Patrice Clement et col. 2009)

Ainsi dans un contexte d’infertilité du couple, il est inutile d’attendre les résultats du spermogramme pour demander une analyse du taux de fragmentation de l’ADN. La recherche du taux de fragmentation de l’ADN spermatique doit faire partie du bilan d’exploration du couple infertile.

Capacité de réparation de l’ADN spermatique par l’ovocyte.
Si l’on considère la valeur « normale » d’un taux de fragmentation de l’ADN spermatique comme un sperme pouvant donner une grossesse, il faut se placer dans le contexte d’infertilité du couple car l’ovocyte a des capacités enzymatiques de réparation de l’ADN.
En effet, l’ovocyte est équipé pour réparer plusieurs types de dégâts usuels de l’ADN (notamment la fragmentation de l’ADN) (Jaroudi S et col, 2009 ; Menezo Y et col. 2010). Mais au-delà d’une certaine limite, l’ovocyte n’aura pas les capacités suffisantes de réparation ; ces capacités diminuant avec l’âge de la conjointe (Derijck A et col, 2008).

5) Conséquences d’une augmentation de la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes

(Evaluation of sperm DNA structure, fragmentation and decondensation: an essential tool in the assessment of male infertility. Yves Menezo, Patrice Clement, Edouard AmarTransl Androl Urol  http://dx.doi.org/10.21037/tau.2017.03.11)

Des taux élevés de fragmentation peuvent entrainer :

  • Des échecs de développements embryonnaires précoces, du blocage du stade 4 cellules jusqu’au blocage au stade blastocyste entrainant des échecs de tentatives d’AMP.
  • Des fausses couches plus ou moins précoces répétées par défaut d’implantation.

La conséquence d’une augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique se voit surtout dans la phase plus tardive du développement embryonnaire précoce, c’est-à-dire chez l’Humain à partir de J3 correspondant à l’activité du génome paternel et la mise en place de « l’effet paternel ». (Tesarik J et col, 2004; Telford NA et col, 1990; Evenson D et col , 2016). Jusqu’à J3, le développement embryonnaire se fait grâce aux protéines stockées dans l’ovocyte. A partir de J3 chez l’Humain, c’est l’embryon qui synthétise lui-même les protéines nécessaires à son développement. En cas d’anomalie de la structure de l’ADN spermatique, le fonctionnement de l’ADN de l’embryon est perturbé, altérant la synthèse des ARN messagers et des protéines. Ceci entraine soit un retard de développement embryonnaire soit carrément un arrêt de développement.

6) Traitements possibles

Avant toute mise en place d’un traitement, il est fondamental de réaliser un interrogatoire complet du patient afin de rechercher une cause extrinsèque de l’augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique et d’essayer d’éliminer cette cause (Argawal A et col, 2020) :

  • Traitement d’une infection bactérienne.
  • Arrêt de prise de toxiques type cannabis, tabac, etc...
  • Diminuer, voir annuler une exposition à des perturbateurs endocriniens.
  • Cure de varicocèle.
  • Etc …

Il est important de garder à l’esprit qu’un cycle de spermatogénèse dure à peu près 70 jours, et qu’un contrôle d’une fragmentation élevée de l’ADN spermatique devra se faire à distance de la fin du traitement ou de l’élimination de la cause extrinsèque.

L’ovocyte possède des systèmes de réparation de l’ADN redondants mais pas « infinis », de plus leur efficacité diminue avec l’âge ; phénomène courant et général des cellules qui correspond à une diminution de la quantité et de la qualité de la totalité du stockage des ARNs messagers. Ainsi, est-il tentant de proposer tant à la femme qu’à l’homme, des vitamines « antioxydantes » et des « oligoéléments » pour « renforcer » la capacité de défense. Ce concept est théoriquement bon, il se heurte frontalement aux connaissances modernes du stress oxydant.
Deux « croyances » sont notamment complètement contreproductives :

  • « si cela ne fait pas de bien, cela ne pourra pas faire de mal »
  • « au plus il y en a (variété voir quantité) au mieux c’est, avec une multitude de vitamines, de microéléments ».

Pour les « microéléments/traces éléments » ou simplement les cations divalents supposés en déséquilibres de carence :

  • Le sélénium (Se++) : Il n’existe pas de carence en sélénium en Europe. Par ailleurs le taux de Se doit être régulé dans des limites étroites, c’est par exemple le cas du plasma séminal (Bleau et al, 1984). Trop de sélénium peut induire des thyroïdites.
  • Le Cuivre et le Fer : Tous deux sont générateurs de stress oxydant, contraire à la protection recherchée. A ne prescrire qu’en cas de carence réelle.
  • Le Zinc est un élément intéressant ; il n’est correctement absorbé que sous forme chelatée. C’est le rapport Cu/Zinc qui doit être analysé car c’est est un bon marqueur de stress oxydant.
  • Le Chrome et le Manganèse : il n’y a pas de référence sérieuse connue, même quant à l’existence d’une carence de ces éléments.
  • Le Magnésium : une controverse existe quant à l’impact du ratio Ca/Mg.

Les vitamines :
Elles agissent comme anti-oxydant en piégeant les radicaux libres, mais elles peuvent devenir pro-oxydantes.

  • Le meilleur exemple est celui de la vitamine E (Tocophérol), pour laquelle les carences sont extrêmement rares dans les pays développés, qui se transforme elle-même en radical pro-oxydant si elle est en trop grande quantité (El Djouher Naouel, 2020) et qui devra être neutralisé par la Super Oxyde Dismutase (SOD) et la catalase. On se trouve dans la situation paradoxale où la qualité de l’activité de la vitamine E dépendra, de façon majeure de la qualité de la SOD et la catalase déjà présente dans l’organisme. En résumé elle sera active si les défenses antioxydante endogènes sont correctes. Dans le cas contraire, le statut red-ox pourra être aggravé. Par ailleurs la vitamine E est fournie sous forme de tocophérol Alpha qui provoque un effondrement de Tocophérol Gamma, le composé naturel actif.
  • La vitamine C a un pouvoir réducteur extrêmement fort mais elle a aussi un effet délétère car elle est capable de scinder les ponts disulfures. Or en fin de spermatogénèse, le noyau spermatique est protégé par les protamines qui sont très riches en ponts disulfures. Ceci induit donc un « relâchement » de la structure nucléaire de l’ADN ou décondensation de l’ADN. Cette anomalie pouvant conduire   à des infertilités.

Ainsi, les compléments alimentaires qui contiennent les trois vitamines A, C et E, utilisée pour réparer la fragmentation de l’ADN spermatique peuvent avoir l’effet pervers de décondenser l’ADN du spermatozoïde.  Or si l’ovocyte est équipé pour réparer les fragmentations de l’ADN spermatique, il ne l’est pas pour réparer la décondensation de l’ADN. (Menezo et col, 2007 ; Menezo et col, 2014).
Toutes ces anomalies de structure tertiaire aussi minimes soient elles induisent immédiatement des retards dans les premières divisions embryonnaires.

Au final, les compléments alimentaires, qui contiennent des vitamines réductrices, peuvent avoir l’effet pervers de décondenser l’ADN du spermatozoïde (Menezo et col 2014).

  • La N acetyl cystéine (précurseur du glutathion) a un effet positif sur le sperme, via une protection de la qualité mitochondriale (Gallo et al. 2018), il s’agit là de l’un des seuls composés a efficacité scientifiquement prouvée.
  • Le Co-enzyme Q10 sous forme Ubiquinone n’est peu ou pas absorbé efficacement. La forme Ubiquinol semble meilleure sans toutefois avoir de démonstration scientifique claire.  
  • La carnitine présentée comme une molécule antioxydante, ne l’est pas. Elle a un effet bénéfique en favorisant le métabolisme des lipides et évite ainsi leur peroxydation.
  • Les folates sont également présentés comme antioxydant à travers le cycle des folates et de l’homocystéine et la production de glutathion (Menezo et col, 2022). Ils sont également des effecteurs de la méthylation de l’ADN et assurent sa stabilité, et la régulation des informations épigénétiques (empreinte génomique). Cependant, l’acide folique a forte dose n’est pas une réponse appropriée car il provoque l’apparition de l’UMFA (acide folique non métabolisé) qui exacerbe les défauts de méthylation du noyau du spermatozoïde (Menezo Y, Clement P, Elder K, 2022) et diminue l’effet anti-oxydant. Ce phénomène existe aussi en cas de mutation du gène MTHFR, même en cas de prise de folates à doses faibles. Ce problème peut être réparé par l’utilisation du 5 MTHF (5 methylTetrahydrofolate) à la place de l’acide folique.

Les traitements antioxydants sont le plus souvent basés sur de fausses évidences. Les carences sont en réalité assez rares (Brack et al ; Advances in Bioscience and Biotechnology, 2013, 4, 331-339) et les traitements, dont la composition n’est pas, le plus souvent basés sur des études scientifiques, sont généralement prescrits sans réel recul.

D’une façon globale, même si certains traitements semblent montrer une réelle efficacité, ils restent controversés.

Conclusion

L’étude de la qualité de l’ADN spermatique doit faire partie du bilan d’exploration d’un couple infertile au même titre que le spermogramme. En effet, nous avons vu qu’une altération de l’ADN spermatique n’est pas corrélée avec les paramètres du spermogramme. Il est donc inutile d’attendre les résultats de celui-ci pour demander une analyse de la qualité de l’ADN.
L’interprétation de ce résultat est délicate et les valeurs usuelles retenues seront interprétées en fonction du but recherché (grossesse spontanée ou après AMP) mais aussi de l’âge de la conjointe dont les ovocytes ont potentiellement des capacités de réparation d’un ADN spermatique fragmenté.
La mise en place d’un traitement devra d’abord commencer par un interrogatoire soigné du patient à la recherche d’une cause extrinsèque que l’on pourrait éliminer.
Certains traitements anti-oxydants pourront être mis en place en gardant à l’esprit qu’un produit anti-oxydant peut devenir dans certains conditions pro-oxydant. Il faudra donc se méfier des composés multi-vitaminiques qui peuvent faire plus de mal que de bien et pour cela connaître leurs compositions.
Enfin ne pas oublier qu’un cycle de spermatogénèse dure 3 mois, et qu’il est inutile de contrôler l’efficacité de l’arrêt d’un toxique ou de la mise en place d’un traitement moins de trois mois après la fin de celui-ci.

 

Références :