Progestatifs et Méningiome : quelles indications ?

Depuis la mise en garde de l’augmentation du risque de survenue de méningiomes associés à l’Acétate de Cyprotérone (ACP) à forte dose (³25mg) en 2018, confirmée par l’étude réalisée sur la base des données du Système Nationale de Données de Santé (SNDS) (1), les modalités de prescription de deux autres progestatifs utilisés à forte dose, l’Acétate de Chlormadinone (ACM) et l’Acétate de Nomégestrol (NGM) ont été modifiées.

Le risque de survenue de méningiome associé à ces traitements a été évalué selon la même méthodologie que pour l’ACP. Les résultats mis à disposition aux prescripteurs récemment (2), mettent en évidence un risque de méningiome conduisant à une intervention, multiplié par 7 après 3.5 années de traitement par l’ACM (à une dose moyenne de 10mg/jour) et par 12 après 5 années de traitement par le NGM (à une dose moyenne de 5mg, 14j par mois). En dehors de l'effet « dose cumulée », tout comme pour l’ACP, ces études mettent en évidence un risque lié à l’âge. L’âge médian de survenue des méningiomes étant entre 50 et 60 ans, la prise d’un traitement progestatif à fortiori à forte dose pourrait favoriser l’émergence ou la croissance de méningiome chez les femmes plus âgées.

Une réévaluation des indications de l’ACM et du NGM, avait conclu à un bénéfice-risque défavorable dans les indications telles que troubles des règles, association à l’estrogène au cours du THM, syndrome prémenstruel, mastopathie non sévère et contraception sans facteur de risque vasculaire. Il existe effectivement pour ces indications où un traitement progestatif à forte dose n’est pas justifié, des alternatives thérapeutiques. Il est d'ailleurs notable qu’il n’existe pas de données cliniques solides soutenant ces indications.

Le bénéfice-risque a été considéré favorable dans les indications du traitement : des hémorragies fonctionnelles dont celles associées aux myomes et des mastopathies sévères pour le NGM et l’ACM, de l'endométriose pour l’ACM.  Leur utilisation est restreinte à l’absence d’alternative thérapeutique, notamment en cas de contre-indication aux estrogènes. A noter que les recommandations du CNGOF n’intègrent pas les progestatifs à forte dose dans la stratégie thérapeutique des hémorragies fonctionnelles associées aux myomes utérins (3) ni dans l’ACM dans le traitement de l’endométriose (4). Un avis en centre expert est donc souhaitable, notamment en cas de traitement de longue durée.

Les nouvelles modalités précisent que la « dose la plus faible » doit être utilisée. Les posologies d’ACM et de NGM sont de 10mg et de 5 mg par jour respectivement, pour des durées de 14, 20 ou 28 jours/ mois selon l’effet souhaité et de l’efficacité du traitement. Les doses avaient été sélectionnées pour leur effet anti-gonadotrope puissant. Or selon les données pharmacodynamiques dont on dispose, la dose de 1.25mg de NGM est anti-gonadotrope et une dose de 10mg d’ACM du 8ème au 25ème jour est anti-ovulatoire à partir du 2ème cycle de traitement. Il est néanmoins impossible de préconiser la plus faible dose efficace dans les indications actuelles; seule la clinique permettra d’adapter la dose notamment au long cours. La durée de traitement doit être la plus courte possible et une réévaluation régulière de l’intérêt du traitement est préconisée ainsi qu’un dépistage du méningiome au fur à mesure de l’âge si le traitement est maintenu. Les médicaments contenant de l’ACM ou du NGM, sont contre-indiqués chez les patientes présentant un méningiome ou un antécédent de méningiome. Chez une patiente ayant un méningiome associé à l’un des progestatifs (ACP, ACM ou NGM), le traitement sera arrêté et ne devra pas être remplacé par un autre progestatif à forte dose.

Ces mesures de restriction d’indication et de réévaluation de la dose et de la durée de traitement associées à un dépistage plus systématique du méningiome au cours des traitements par l’ACM et le NGM, devraient permettre d’observer, comme pour le CPA, une réduction des interventions pour méningiome au cours de ces traitements. L’étude d’impact de ces mesures est en cours de réalisation.

Ces données doivent-elles entraîner une réévaluation de l’utilisation de tous les progestatifs ? En effet, le risque de méningiome n’est pas connu pour les autres progestatifs, utilisés certes à faible dose.  Certaines revues de cohortes rapportent la survenue de méningiomes au cours du THM ou de l’utilisation de contraceptifs combinés avec d’autres progestatifs ou par progestatif seul mais le risque s’il existe serait très faible (5). Aucune donnée ne permet encore d’associer un risque de méningiome selon la nature du progestatif. Néanmoins, cet effet indésirable n’est jusqu’à ce jour, pas rapporté au Royaume-Uni, aux Etats-Unis où l’utilisation d’autres types de progestatif (noréthistérone, médroxyprogestérone) est prédominante.  

Une réflexion globale serait utile pour discuter de l’intérêt de réaliser des études pour le meilleur usage possible des progestatifs dans leurs indications thérapeutiques.

 

__________________
Lise Duranteau. Service de Gynécologie Médicale, DMU Santé de la Femme et du Nouveau-Né, GHU Paris Saclay, Hôpital Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc 94275 Le Kremlin Bicêtre.

Références
1-Use of high dose cyproterone acetate and risk of intracranial meningioma in women: cohort study. Weill A et al. 2021 BMJ 372,n37.
2- Lettre aux prescripteurs, ANSM, Novembre 2022. https://ansm.sante.fr/informations-de-securite/acetate-de-chlormadinone….
3- Management of women with abnormal uterine bleeding: Clinical practice guidelines of the French National College of Gynecologists and Obstetricians (CNGOF). Brun J-l et al. 2022. Gynecol Obstet Fertil Senol ; 50:345-373.
4- Medical treatment for the management of painful endometriosis without infertility: CNGOF-HAS Endometriosis Guidelines. Sauvan M et al. 2018. Gynecol Obstet Fertil Senol;46:267-272.
5- Estrogen and Progesterone Therapy and Meningiomas. 2022. Hage M et al. Endocrinology; 163: 1-10.