Cryopréservation de sperme en vue d’une préservation de fertilité chez les patients présentant un cancer : expérience monocentrique de 10 ans

L’article de Xiao LIU et coll. (Hôpital de SISHUAN – Chine) a étudié la qualité du spermogramme avant et après cryopréservation en vue d’une fertilité chez les patients atteints de cancers.

Qu’en est-il de la qualité du spermogramme chez ces patients avant et après cryopréservation selon le type d’atteinte cancéreuse ?

Quels sont les résultats obtenus en Assistance Médicale à la Procréation (AMP) avec les paillettes cryopréservées dans les cas de figure de cancers masculins ?

Telles sont les principales questions auxquelles a tenté de répondre l’équipe du Docteur Xiao LIU dans cet article.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les problèmes d’infertilité deviendront une des préoccupations des plus importantes au 21ème siècle, après les cancers et maladies cardiovasculaires.

L’augmentation importante du nombre de cancers et de patients guéris après cancer a nécessité de nombreuses études, en vue d’une investigation des effets négatifs de la maladie cancéreuse et des thérapies anticancéreuses (chimiothérapie, radiothérapie…) sur la fertilité masculine.

Les « banques de sperme » ou centres de conservation des spermatozoïdes permettant avant traitement anticancéreux la conservation de spermatozoïdes par congélation, sont les méthodes les plus efficaces de conservation de la fertilité.

Plusieurs études avaient déjà rapporté que les cancers du testicule et les cancers d’ordre hématologique affectaient (avant traitement) la qualité du sperme et la fertilité masculine.

Cette étude, menée pendant 10 ans, est une étude rétrospective sur une population masculine ayant bénéficié d’une cryopréservation de spermatozoïdes avant traitement de cancer.

- Entre janvier 2010 et décembre 2019, 339 patients présentant un cancer ont choisi, en vue d’une préservation de fertilité, une cryopréservation de sperme.

- Les types de cancers représentés dans cette cohorte de 339 patients incluaient :
            - des tumeurs de type germinal (26 %)
            - des cancers d’ordre hématologique (28 %)
            - des cancers intéressant la sphère ORL ou cérébrale (19 %)
            - des tumeurs thoraciques (4 %)
            - des tumeurs abdominales (10 %)
            - 13 % de lésions cancéreuses variables.

- Dans la population retenue, l’âge moyen des patients était de 26,7 +/- 6,8 années et
31 patients (9,9%) étaient des adolescents âgés de moins de 18 ans.

1/ Paramètres des spermogrammes recueillis avant traitement anticancéreux

La période d’abstinence conseillée était de 2 à 7 jours ; pour certains patients, l’abstinence d’une durée supérieure à 7 jours en fonction de la nécessité d’un traitement rapide qu’il s’agisse de radiothérapie ou de chimiothérapie.

Avant cryopréservation, la moyenne de concentration de spermatozoïdes était de
47 millions/ml et la mobilité de 49%.

Les analyses après décongélation des paillettes retrouvaient une concentration de 30 millions de spermatozoïdes/ml et une mobilité de spermatozoïdes de 28%.

Il n’a pas été retrouvé de différence entre les spermogrammes avant ou après décongélation, sauf dans certains cas.

La numération globale de spermatozoïdes avant et après décongélation était significativement plus basse dans les cas de patients présentant des cancers des lignées germinales, ainsi que chez les patients présentant une leucémie.

2/ Les auteurs ont noté également dans leurs résultats que dans les cas de cancers hématologiques, notamment dans les cas de leucémie, 46% des paillettes après décongélation n’ont pas pu présenter de critères suffisants pour une utilisation en assistance médicale à la procréation, tandis que dans les cas de tumeurs de testicule, la qualité des spermogrammes était très rassurante.

3/ Résultats en assistance médicale à la procréation utilisant des paillettes de spermatozoïdes cryopréservés

Au fil des ans, seulement 13 patients (4%) ont décidé d’utiliser les paillettes cryopréservées dans le cadre d’un projet parental en AMP.

Sur 13 patients, 14 cycles d’AMP ont été réalisés en majorité FIV avec ICSI avec des taux de grossesses à terme avoisinant les 50%.

Les auteurs ont noté également 20% de fausses couches spontanées.

CONCLUSION

Les données rapportées par l’équipe de LIU et coll. confirment l’impact délétère des divers cancers sur la qualité du sperme et ce avant les traitements anti-cancéreux adoptés (radiothérapie, chimiothérapie…).

Les leucémies étaient associées à des anomalies de sperme de façon plus importante que dans le cas d’autres types de cancers et au plus grand nombre d’échantillons qui n’ont pas pu être congelés.

Les auteurs notent néanmoins une limitation dans leur analyse dans la mesure où il n’a pas été possible de suivre les cas de grossesses spontanées chez les couples lorsque les paillettes de sperme cryopréservé n’ont pas été utilisées.

L’autre donnée importante qui n’a pas pu être réalisée est l’évolution des bilans spermatiques chez les patients traités pour cancers incluant radiothérapie et/ou chimiothérapie et les risques d’anomalies de grossesse liés de façon hypothétique au sperme après radiothérapie ou chimiothérapie.

Les auteurs rappellent également la nécessité d’une information préalable auprès des patients concernant les possibilités de cryopréservation de spermatozoïdes et d’une collaboration importante entre centres de conservations du sperme et services d’oncologie.

NDLR : Il est à noter que les décrets d’application de la loi bioéthique parus récemment ne permettent plus la conservation de spermatozoïdes chez les hommes âgés de plus de 45 ans atteints d’un cancer et souhaitant une préservation de fertilité, décision regrettable sur le plan médical et inadmissible sur le plan éthique.

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Male cancer patient sperm cryopreservation for fertility preservation : 10-year monocentric experience - Xiao LIU, Bo LIU, Shasha LIU, Yang XIAN, Wennul ZHAO, Bin ZHOU, Xiao XIAO, Li WANG, Xiaofang ZHU, Bizhen SHU, Min JIANG, Fuping LI – Basic and Clinical Andrology (2021) 31:24.

 
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