Migration des implants contraceptifs dans l’artère pulmonaire

Début décembre, à nouveau l’actualité s’est avérée inquiétante pour les femmes entendant une trentenaire girondine déclarer, après une thoracotomie réalisée en septembre lui laissant une cicatrice de 20 cm et des douleurs persistantes aux côtes et aux poumons, que son Nexplanon® est « passé du bras gauche au poumon droit » et que pour éviter une embolie pulmonaire ou une infection on lui a retiré six ans après l’implantation et après quatre ans d’investigations et de multiples radios du bras puis du thorax pour le retrouver « car il était coincé dans l’artère pulmonaire » (cf. Franceinter.fr, 6 décembre 2019).

Quelques mots pour recaler les responsabilités susceptibles d’être encourues dans de telles circonstances :

Il s’agit d’un implant contraceptif hormonal préchargé dans un applicateur jetable ; l’implant est constitué d’un petit bâtonnet en plastique, flexible, souple, de 4 cm de long et de 2 mm de diamètre, qui contient 68 milligrammes d’une substance active, l’étonogestrel, utilisé pour empêcher la survenue d’une grossesse chez les femmes âgées de 18 à 40 ans. L’étonogestrel est une hormone féminine synthétique proche de la progestérone. Une petite quantité d’étonogestrel est libérée en continu dans la circulation sanguine. Le bâtonnet lui-même est composé de copolymère éthylène/acétate de vinyle, une matière plastique qui ne se dissout pas dans le corps. Il contient également une petite quantité de baryum qui le rend visible aux rayons X. L’implant est inséré juste sous la peau. Le composé actif, l’étonogestrel, a une double action : il empêche la libération d’un ovocyte par les ovaires et il entraîne des modifications de la glaire cervicale qui rendent difficile le passage des spermatozoïdes vers l’utérus. L’implant doit être retiré ou remplacé au plus tard trois ans après l’insertion.

Au regard de la complication dont vient de se faire l’écho la presse grand public, savoir une migration non voulue de l’implant, quelques aspects du résumé des caractéristiques du produit (RCP) et de la notice préparés par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (MSD France) peuvent être rappelés :

  • La réussite de l’utilisation et du retrait de l’implant repose sur son insertion sous-cutanée dans le bras non dominant réalisée correctement et avec précaution conformément aux instructions contenues dans le RCP. Le professionnel de santé qui a inséré l’implant ainsi que la patiente doivent être capables de palper l’implant sous la peau de la femme après insertion. Il doit être inséré en sous-cutané, juste sous la peau. Un implant inséré plus profondément qu’en sous-cutané (insertion profonde) peut ne pas être palpable et la localisation et/ou le retrait peuvent être difficiles. Le laboratoire titulaire de l’AMM annonce que « Si l’implant est inséré profondément, une lésion nerveuse ou vasculaire peut se produire. Des insertions profondes ou incorrectes ont été associées à une paresthésie (due à une lésion nerveuse) et à une migration de l’implant (due à une insertion dans le muscle ou dans le fascia), et dans de rares cas à une insertion intravasculaire. ».
     
  • Dès lors, ces complications annoncées par le laboratoire MSD France sont connues du professionnel de santé qui implante et elles doivent faire l’objet d’une information de la patiente conforme aux dispositions de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique qui prévoit qu’elle porte notamment sur « les risques fréquents ou graves normalement prévisibles ».
     
  • En 2016, dans le Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (JGYN-1378), est publié le résultat d’une étude ayant pour objet d’analyser les effets indésirables déclarés avec Nexplanon® et Implanon® (qu’il remplace) et d’estimer si l’incidence des problèmes lors de la pose et du retrait de l’implant a diminué depuis la substitution d’Implanon® par Nexplanon®. Le suivi a porté sur les cas d’effets indésirables notifiés en France aux centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et au laboratoire MSD France entre le 1er octobre 2002 et le 31 décembre 2012. L’étude mentionne, au titre des résultats :

    « Entre octobre 2002 et décembre 2012, 5433 cas d’effets indésirables, de migrations, de difficultés de retrait ou de pose et 789 grossesses ont été déclarés en France, dont 5113 avec Implanon® (soit une incidence de 4,79 pour 1000 patientes) et 1102 avec Nexplanon® (soit une incidence de 2,72 pour 1000 patientes) […].

« Au titre des migrations : […] pendant les 10 ans de recueil, 1392 cas de « migration difficultés de retrait ou de pose » ont été notifiés avec Implanon® et 374 avec Nexplanon® […]. L’effet indésirable a été qualifié de grave chez 85 (7 %) patientes, pour lesquelles une (ou plusieurs) anesthésie générale ont été nécessaires pour le retrait de l’implant. »

  • Le 30 septembre 2016, le laboratoire pharmaceutique MSD France a écrit aux professionnels de santé, en accord avec l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) et de l’Agence Européenne du Médicament (EMA), afin de leur apporter des informations complémentaires sur le risque de migration de l’implant Nexplanon®, suite à 18 cas de migration dans les vaisseaux sanguins (y compris l’artère pulmonaire) et dans la paroi thoracique (dans 11 cas sur 18 il s’agissait de cet implant) :

« - Après insertion, le professionnel de santé ainsi que la patiente doivent être capables de palper l’implant sous la peau du bras de la femme.

- Un implant non palpable doit toujours être localisé avant le retrait. Si l’implant n’est pas palpable et du fait de la nature radio-opaque de Nexplanon®, une radiographie bidimensionnelle doit être réalisée afin de vérifier sa présence dans le bras.

Les méthodes adaptées pour sa localisation comprennent également la tomodensitométrie (TDM), l’échographie avec sonde linéaire à haute fréquence (10 MHz ou plus) ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

- Si l’implant reste malgré tout introuvable au niveau du bras, les techniques d’imagerie mentionnées ci-dessus doivent être envisagées au niveau thoracique car des cas extrêmement rares de migration dans le système vasculaire pulmonaire ont été rapportés.

- Après localisation d’un implant non palpable, son retrait est recommandé sous guidage échographique.

- Si l’implant est localisé dans le thorax, une intervention chirurgicale ou endovasculaire peut être nécessaire pour le retrait.

De plus il est rappelé aux professionnels de santé que :

- Il est fortement recommandé que Nexplanon® soit inséré et retiré uniquement par des professionnels de santé ayant été formés à l’utilisation de l’applicateur de Nexplanon® et aux techniques d’insertion et de retrait de l’implant Nexplanon® et le cas échéant, qu’une supervision (par un médecin expérimenté) soit demandée lors de l’insertion ou du retrait de l’implant.

- La formation pratique, en présentiel, doit être privilégiée par rapport à une formation virtuelle en ligne qui ne permet pas de s’exercer à la manipulation en pratique de l’applicateur de Nexplanon®. »

  • Il en ressort que, depuis au moins 2016, les professionnels de santé ne peuvent ignorer le risque de migration au niveau vasculaire ou thoracique et, dans le but d’éviter les insertions incorrectes ou les complications au moment du retrait, les professionnels de santé doivent bénéficier d’une formation pratique à l’utilisation de l’applicateur de l’implant Nexplanon®. Des centres de formation ont été mis en place par MSD France, ayant pour but d’accompagner les professionnels de santé dans leur apprentissage à l’utilisation correcte de l’implant contraceptif.
     
  • Un professionnel de santé implantant Nexplanon® sans s’être soumis à une telle formation pratique préalable à l’utilisation de l’applicateur commet-il une faute professionnelle ?

    Le code de la santé publique prévoit que certains médicaments et/ou dispositifs médicaux sont réservés à certains professionnels et ne peuvent être prescrits ou implantés par d’autres : ce sont les médicaments soumis à prescription restreinte (article R. 5121-77). Dans cette hypothèse, l’AMM peut imposer au prescripteur de mentionner sur l’ordonnance qu’il a informé le patient des risques encourus. Tel n’est pas le cas de Nexplanon®.

    Dès lors un gynécologue-obstétricien bien sûr, mais également un médecin généraliste ou une sage-femme sont autorisés à le prescrire et l’implanter (pour les sages-femmes depuis le décret n° 2012-881 du 17 juillet 2012, cf. article R. 4127-318 : « La sage-femme est notamment autorisée à pratiquer : […], (g) l’insertion, le suivi et le retrait des dispositifs intra-utérins et des implants contraceptifs.»).

    Ces trois catégories de professionnels de santé sont donc réglementairement autorisées à implanter Nexplanon®, la patiente victime d’une migration ne peut invoquer une faute que si le professionnel intervenu ne prouve pas avoir suivi la formation ad hoc recommandée.

    En l’absence de faute, un professionnel de santé n’engage pas sa responsabilité civile et la seule migration de l’implant quelque regrettable soit-elle et ses conséquences d’une éventuelle gravité n’autorisent pas de plein droit sa condamnation à indemniser la patiente (article L. 1142-1 I. du CSP).

    L’article L. 1142-1 II. confie alors à l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) l’indemnisation, au titre de la solidarité nationale, du préjudice subi lorsque la migration a eu pour la patiente « des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci » sous certaines conditions fixées par la loi et par décrets d’application.

Conclusion : s’abstenir d’implanter Nexplanon® sans formation pratique préalable, ne pas se contenter d’une formation virtuelle en ligne et surtout : informer, informer et informer encore, ça ne réduit pas le risque médical mais limite le risque judiciaire d’être condamné au titre de la perte d’une chance d’éviter le dommage et d’échapper à une condamnation réparant le nouveau préjudice d’impréparation mis en œuvre par la Cour de cassation :

« Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, qui, dès lors qu’il est invoqué, doit être réparé ».

 
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