L’expertise médicale : comment l’éviter, comment s’y préparer

« Des examens de passage de l’étudiant au passage en examen du médecin »

Depuis quelques dizaines d’années, l’exercice médical se trouve de plus en plus fréquemment confronté à une mise en cause juridique.
Il ne s’agit pas d’un évènement récent.
Le Docteur HELIE, en 1825, faisait déjà face à une réclamation (1).
Toutefois, les mises en causes étaient très marginales et prospéraient rarement.

Les magistrats ont besoin d’avoir un avis technique avant de pouvoir juger. Cet avis sera délivré à la suite d’un accedit (expertise) par les experts désignés.
L’objectif est de définir une vérité scientifique pour en tirer une vérité juridique.
C’est au vu de cet avis technique qu’une décision sera prononcée (sanctions ou non, rejet de la réclamation, indemnisation par les différents acteurs de santé ou la solidarité nationale…)

L’expertise est une mesure d’instruction médicale nécessaire à la rédaction d’un rapport juridique de nature à éclairer le Tribunal.

Notre spécialité, en particulier en obstétrique, est porteuse du triste apanage d’indemnisation pouvant maintenant atteindre plusieurs millions d’euros.

Il ne s’agit pourtant pas d’une fatalité, et une prévention simple est possible.

La complication et la faute

Pour le plaignant, la complication est toujours fautive.
Le médecin devra gérer la complication, médicalement, humainement et juridiquement.

Avant la plainte
Lors de la survenue d’un événement grave ou à haut risque, une présence effective, une information du patient et de ses proches sont nécessaires.
Le maintien d’un lien de confiance est indispensable. Un diagnostic aussi rapide et précis que possible doit être établi. Une approche pluridisciplinaire évite souvent un stress toujours contagieux.
La prise en charge fera l’objet d’un-compte-rendu écrit et d’emblée détaillé. Dans ce domaine, l’écrit est une religion dogmatique.
Chaque décision sera transcrite et horodatée. La communication sera utilement délivrée en présence de témoins fiables.
Une pratique de « Médecine Défensive » est inadaptée, inefficace, et finalement génératrice d’erreurs en cascade. Le risque médical se mute en complication authentique porteuse de risque par peur du risque judiciaire et de sa sanction.
Encore faut-il que la « faute » ne respecte pas « les données acquises de la Science » et engendre un dommage en lien direct et certain avec les préjudices.
A ce titre, il est fondamental de conserver le dossier.
Le médecin devra rédiger un résumé détaillé de sa prise en charge, noter toutes les interventions, tous les intervenants et assurer la traçabilité de l’événement.
Une sage précaution consiste à photocopier le dossier de l’Etablissement et à le stocker dans ses archives personnelles.
Si le dossier personnel du praticien risque d’être saisi (en cas de plainte pénale), il devra préalablement en faire une copie.

La validation de l’information
Une grande partie des condamnations résulte d’un défaut d’information.
La preuve de l’information est un élément capital du dossier.
Le consentement doit être daté, signé et conservé par le praticien.
Les délais de réflexion doivent être respectés.
On déplore trop souvent des consentements conservés par la clinique et les patients et… « malencontreusement égarés ».
D’autres éléments peuvent assurer la réalité de l’information : lettre aux correspondants avec double remis au patient, courrier dicté en présence des patients, notes de consultation, schémas sur enveloppe radio…

La mise en cause
Une mise en cause ne signe ni une faute ni un procès, mais une instruction.
Première mesure : prévenir votre assureur, se préparer à l’expertise en restant serein, réunir des données bibliographiques.
Il ne vous reste à cet instant que trois interlocuteurs (et seulement trois) :

  • votre assureur,
  • votre avocat,
  • votre médecin-conseil.

Il est toujours contre-productif de prendre contact avec la partie adverse, d’adresser sans contrôle des pièces à l’expert (même s’il en fait la demande) et de répondre aux sollicitations des journalistes.

Si vous souhaitez aggraver la situation !!!

Vous avez de nombreuses ressources :

  • la falsification des pièces,
  • l’ajout de notes personnelles,
  • la transmission des informations avec retard,
  • enfin le refus de répondre aux demandes de votre assureur qui doit tout centraliser.

En attendant l’expertise

Si le patient en fait la demande expresse, il vous faudra transmettre une copie intégrale du dossier aux patients : ceci est une obligation légale.
La prudence s’impose dans la transmission du consentement et dans le respect du délai.
Il est impératif de conserver l’original de votre dossier.

Avant l’expertise, il faut avant tout organiser sa journée et ne rien prévoir d’autre (garde, consultations, tableau opératoire…).
Votre présence est obligatoire.
Une réunion préalable sera prévue avec vos conseils.
La présence des autres parties (clinique, confrères, sages-femmes) est contre-indiquée lors de ce briefing.
Au cours de cette préparation à l’expertise, vous serez familiarisé avec le déroulement de l’accédit. Vous pourrez élaborer la meilleure ligne de défense en analysant les points positifs et les points négatifs de votre dossier ainsi que le formalisme de la réunion.

Le déroulement de l’expertise

L’expert poursuit trois objectifs principaux :

  • répondre à la mission qui lui a été confiée par le juge,
  • diriger sereinement les débats,
  • assurer le respect du contradictoire.

Il vous faudra, au cours de l’expertise, respecter les horaires, saluer les participants, sans jamais vous adresser aux plaignants et laisser chacun s’exprimer sans l’interrompre.
L’accedit a souvent une fonction pédagogique et thérapeutique vis-à-vis des plaignants.
Il est fondamental d’éviter les polémiques sans mettre en cause les confrères, tout en cherchant à exploiter d’éventuelles contradictions de la partie adverse.
Vos conseils vous assistent pour adapter au mieux votre défense.

Rester serein dans sa pratique

Nombreux sont les atouts dans votre exercice professionnel :

  • prévenir les complications en respectant les données des sociétés savantes,
  • informer sans faille les patients et obtenir des consentements adaptés,
  • rédiger des dossiers complets et précis,
  • faire appel au moindre doute à votre assureur… qui saura vous rassurer.
     

Bibliographie 

  1. C. SUREAU : « Fallait-il tuer l’enfant FOUCAULT ? » Ed. STOCK 2003
  2. C. RACINET – C. CATTEAU : « La qualité de l’expertise médicale en question » Ed. SAURAMPS 2019
  3. J.HUREAU – D. POITOUT : « L’expertise médicale » Ed. MASSON 2010

 
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