Date de rémission et/ou consolidation après cancer

Le mot « guérison » fait rarement partie du vocabulaire d’un médecin dans ses échanges avec ses patients traités pour un cancer. Il emploie plus volontiers le terme « rémission complète » parce qu’il sait qu’une récidive, même lointaine est possible. En revanche, le mot guérison se rencontre souvent dans les statistiques médicales et traduit en langage ordinaire une notion qu’on appelle « le taux de survie relative à 5 ans ». Selon l’Institut National du Cancer, les statisticiens estiment qu’un patient ayant eu un cancer a des chances élevées d’être « guéri » lorsque, 5 ans après le diagnostic, il retrouve la même espérance de vie que l’ensemble de la population de même âge, de même sexe et n’ayant pas eu de cancer.

 

Par arrêt du 23 janvier 2019, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (n° 18-10.662) a confirmé un arrêt de la cour d’appel de Versailles concernant une patiente victime d’un adénocarcinome à cellules claires du col de l’utérus qui avait notamment jugé : « que, s’agissant d’affections cancéreuses, les médecins se réservaient une longue période d’observation avant de considérer l’état de la patiente stabilisé et la rémission acquise, et qu’il résulte d’un certificat médical attestant des examens pratiqués que la rémission clinique, distincte de la guérison, est intervenue le 24 janvier 2002 ; la cour d’appel en a souverainement déduit que la consolidation, constituant le point de départ de la prescription de dix ans, devait être fixée à cette date, de sorte qu’était recevable l’action diligentée par Mme L. » .

 

L’arrêt de la cour d’appel de Versailles, en date du 30 novembre 2017 (n° 17/004221) avait quant à lui rappelé la définition de la date de consolidation :

 

« La date de consolidation de la victime est définie par le rapport Dintihac comme la date de stabilisation des blessures constatées médicalement, soit comme le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif […]. La date de consolidation a été fixée à la date à laquelle la rémission a été considérée comme acquise, soit le 24 janvier 2002. »

 

Il s’agissait en l’espèce d’un adénome imputable à l’exposition de la demanderesse au Distilbène pendant la grossesse de sa mère et le collège d’experts avait noté : « l’association d’une adénose vaginale, d’une hypoplasie du col et d’un cancer cervico-vaginal témoigne d’un rapport direct et certain avec l’exposition in utero au DES ».

 

Dans les procédures ayant pour objet la réparation d’un préjudice corporel, la date de consolidation met un terme aux préjudices temporaires et marque le début des préjudices permanents qui peuvent ainsi être indemnisés. Dans le raisonnement médico-légal c’est en conséquence une date importante, qu’il convient de déterminer avec soin.

 

D’une manière plus générale, elle fait démarrer le délai de prescription de l’action judiciaire en responsabilité civile, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent (article 2226, code civil).

 

 La date de consolidation est en principe fixée par l’expert, ou le collège d’experts, nommé par la juridiction saisie pour examiner la personne concernée et décrire les préjudices soufferts.

 

Cette date ne doit évidemment pas être confondue avec les délais d’accès à l’assurance emprunteur (financement immobilier en lien avec la résidence principale ou financement professionnel) pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer qui ne relèvent pas du « droit à l’oubli », définis par une grille de référence adoptée dans le cadre de la Convention dite AERAS, par exemple :

 

  • cancer du col de l’utérus : un an après l’application d’un traitement de référence en vigueur au moment de la prise en charge et une surveillance selon recommandations HAS pour un cancer classe CIN III (ou HSIL) ou in situ pur sans caractère microfiltrant ;
  • cancer du sein : un an après traitement selon le consensus HAS/INCa réalisé, pour un carcinome lobulaire ou canalaire in situ strict sans caractère microinfiltrant ou un carcinome canalaire in situ présentant lors de l’exérèse chirurgicale une ou plusieurs zones de micro-invasion (rupture de la membrane basale) n’excédant pas 1 mn (dans le plus grand axe) et dont l’exploration axillaire (ganglion sentinelle ou curage axillaire) ne montre pas d’envahissement du ou des ganglions prélevés).

 

Le « droit à l’oubli », prévu par les articles L. 1141-2 et suivants du code de la santé publique, concerne actuellement les personnes souhaitant emprunter et ayant été atteintes d’un cancer (quels qu’en soient la localisation et le type histologique) découvert :

 

  • avant l’âge de 18 ans, 5 ans après la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute,
  • pour les adultes : 10 ans après la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute.

 

La « date de fin du protocole thérapeutique » est celle de la fin du traitement actif du cancer, en l’absence de rechute, par chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie effectuées en structure autorisée, à laquelle plus aucun traitement n’est nécessaire hormis la possibilité d’une thérapeutique persistante de type hormonothérapie ou immunothérapie.

La date de rechute est constituée de toute nouvelle manifestation médicalement constatée du cancer, qu’elle le soit par le biais d’un examen clinique, biologique ou d’imagerie.

 

Rémission, guérison, consolidation, des mots pas toujours synonymes à utiliser par les professionnels de santé avec prudence et discernement, en raison des conséquences humaines et économiques qu’ils impliquent, bien évidemment.

 
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