Fausse-couche ou infertilité, faut-il doser les anti-TPO si la TSH est normale ?

Dans le domaine des fausses-couches et de l’infertilité, on a vite fait de trouver un coupable et de proposer des traitements sur peu de preuves, ou sur des suspicions. Cela est de moins en moins vrai grâce aux recommandations pour la pratique clinique (au niveau national ou international) basées sur des preuves scientifiques.

Encore faut-il avoir des essais de fort niveau de preuve sur lesquels s’appuyer.
 

Une revue systématique de 31études chez des femmes en euthyroïdie montrait une forte association entre la présence d’anticorps anti-peroxydase (anti-TPO) et le risque de fausses-couches (x4)  ou de prématurité (x2)1. Dès lors, il était tentant d’imaginer qu’un traitement par L-thyroxine pourrait aider à diminuer ces risques et de nombreuses études ont voulu évaluer cette proposition avec des résultats contradictoires. Il faut cependant noter que cette méta-analyse intégrait des études de cohorte ou de comparaisons observationnelles de population. De plus, la plupart des études utilisées pour cette méta-analyse n’avait que de petits effectifs. Il fallait donc rester prudent.

L’étude présentée dans le New England Journal of Medicine va marquer un point important dans la place de la L-thyroxine chez les femmes euthyroïdiennes ayant des anti-TPO positifs en cas d’antécédent de fausses-couches ou d’infertilité.

Jusqu’alors, les données disponibles d’études randomisées étaient les suivantes :

  • Une étude randomisée sur 115 patientes sans autre critère de sélection que la présence d’anti-TPO montrait un bénéfice du traitement sur le taux de fausses-couches et d’accouchements prématurés chez les patientes traitées.2
  • Une  étude randomisée sur 72 patientes infertiles avec des anti-TPO montrait le même taux de grossesses mais un peu plus de fausses-couches dans le groupe placebo.3
  • Une étude randomisée sur 600 patientes infertiles ne montrait pas de différence dans le taux de grossesses intra-utérines, le taux de fausses-couches ou le taux de naissances vivantes.4

Il est a noté que les seuls travaux qui montraient un bénéfice du traitement des femmes euthyroïdiennes avec des anti-TPO venaient de la même équipe. En 2017, les recommandations de l’American Thyroid Association incitaient à la mise en route de L-thyroxine chez les femmes euthyroïdiennes avec anti-TPO positifs ayant un antécédent de FCS ; les bénéfices attendus semblaient alors dépasser les risques minimes de cette thérapeutique.

 

L’étude actuelle5 vient du Royaume-Uni, et a débuté avant la publication de la troisième étude citée plus haut.

Les critères d’inclusion étaient les suivants :

  • Des patientes entre 16 et 40 ans
  • En euthyroïdie (TSH entre 0,44 et 3,63 et T4L entre 10 et 21)
  • Avec un désir de grossesse dans les 12 mois.
  • Et avec au moins une fausse-couche et/ou une prise en charge pour infertilité

Les patientes étaient randomisées en 2 groupes : lévothyroxine 50 g/j ou placebo, débuté avant toute grossesse et poursuivi jusqu’à l’accouchement.

Les auteurs ont stratifié le recrutement en fonction de l’âge maternel (< ou > 35 ans), le nombre de fausses-couches, l’infertilité, et la TSH de base (< ou > 2,50).

Les patientes étaient suivies pendant 12 mois et l’analyse se faisait en intention de traiter.

Le critère de jugement principal était le taux de naissance > 34SA. Les critères secondaires portaient sur les FCS<24SA, les MFIU>24SA, les GEU, les accouchements < 24SA, 34 SA, 37SA, les complications néonatales et maternelles.

Le recrutement s’est effectué de décembre 2011 à janvier 2016, et a inclus 952 patientes (476 dans le groupe L-T4 et 476 dans le groupe placebo).

 

Les résultats sont simples. Le traitement empirique n’a pas eu d’influence sur le  taux de grossesse, le taux de fausses-couches, le taux de prématurité, le poids de naissance ou l’état néonatal.

La prise en compte des critères de stratification n’a également montré aucune différence entre le groupe lévothyroxine ou du placebo.

 

Au total, les deux plus grandes et récentes études randomisées contredisent les deux précédentes études, plus petites et des mêmes auteurs, sur le bénéfice du traitement par de la lévothyroxine des patientes euthyroïdiennes avec des anti-TPO et une infertilité ou des antécédents de fausses-couches.

Si la patiente a une TSH normale, la recherche d’anti-TPO n’aurait probablement plus sa place y compris chez les patientes avec une infertilité ou des antécédents de fausses-couches, même à répétition. Une nouvelle métaanalyse ne sert probablement à rien, vu le poids des deux études les plus récentes qui ont des résultats similaires.

Ces publications récentes de travaux bien conduits font diminuer la liste de bilans que l’on réalise chez ces patientes. Ces avancés se font sur des bases solides et nous permettent d’informer correctement les femmes et couples qui consultent pour fausse-couche ou infertilité.

 

Références

  • 1.    Thangaratinam S, Tan A, Knox E, Kilby MD, Franklyn J, Coomarasamy A. Association between thyroid autoantibodies and miscarriage and preterm birth: meta-analysis of evidence. BMJ 2011;342:d2616.
  • 2.    Negro R, Formoso G, Mangieri T, Pezzarossa A, Dazzi D, Hassan H. Levothyroxine treatment in euthyroid pregnant women with autoimmune thyroid disease: effects on obstetrical complications. J Clin Endocrinol Metab 2006;91:2587-91.
  • 3.    Negro R, Mangieri T, Coppola L, et al. Levothyroxine treatment in thyroid peroxidase antibody-positive women undergoing assisted reproduction technologies: a prospective study. Hum Reprod 2005;20:1529-33.
  • 4.    Wang H, Gao H, Chi H, et al. Effect of Levothyroxine on Miscarriage Among Women With Normal Thyroid Function and Thyroid Autoimmunity Undergoing In Vitro Fertilization and Embryo Transfer: A Randomized Clinical Trial. JAMA 2017;318:2190-8.
  • 5.    Dhillon-Smith RK, Middleton LJ, Sunner KK, et al. Levothyroxine in Women with Thyroid Peroxidase Antibodies before Conception. N Engl J Med 2019;380:1316-25.

 
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