ADN fœtal : où en sommes-nous en 2016

Trois ans après l’introduction des différents tests de dépistage non invasifs en France (nous avons commencé à adresser des prélèvements aux USA en Janvier 2013), il est possible de dresser un bilan très favorable des tests de dépistage non invasifs par étude de l’ADN fœtal libre dans la circulation maternelle

Il est maintenant avéré que la réalisation du test dans les populations à haut risque et à risque intermédiaire permet d’identifier la quasi-totalité des fœtus trisomiques 21, les exclusions restant constituées par les risques très élevés après dépistage combiné, et surtout les anomalies échographiques.  

Il s’agit d’un test de dépistage et non de diagnostic. Il s’agit du meilleur test de dépistage de la trisomie 21 disponible, mais avec une sensibilité de 99,3%, un taux de faux positifs (dû habituellement à un jumeaux évanescent pas toujours diagnosticable), et un taux d’échecs de test de 0,2 à 0,9 %.

En population à haut risque, si le test est positif, la probabilité de trisomie 21 est multipliée par 900 et s’il est négatif, elle est divisée par 140.

En population générale, la valeur prédictive positive diminue nettement du fait du taux de faux positifs et de la prévalence de la trisomie 21 aux environs de 1/500 ; la VPP tombe alors à 66 %, ce qui est illustré par le fait qu’ en population générale, chez les femmes ayant un risque de 1/1000 de trisomie 21, un test positif a seulement une chance sur 2 de correspondre à une trisomie 21, et encore moins si le risque est plus faible.

Deux corolaires : il est impératif de confirmer tout test positif par la réalisation d’une amniocentèse ; et la réalisation des tests du 1er trimestre de la grossesse, échographie du 1er trimestre de la grossesse et marqueurs sériques, reste nécessaire.

Il est donc nécessaire de poursuivre la politique d’accréditation des échographistes, qui a permis de nettement améliorer le niveau des échographies obstétricales en France. L’identification des hyperclartés nucales et de dépistage combinant la mesure de la clarté nucale restent encore tout à fait  d’actualité, permettant d’identifier 85 à 90 % des fœtus trisomiques pour 5 % d’amniocentèses (la VPP d’un test  positif étant alors de 1/15 à 1/20. Quand une hyperclarté nucale supérieure au 95e percentile est dépistée, la réalisation du caryotype fœtal doit être proposée, le plus souvent par choriocentèse.

De la même manière, l’échographie reste un outil indispensable à la surveillance de la grossesse : un abaissement de la vigilance et des performances des échographistes lié à une fausse réassurance induite par les tests non invasifs serait particulièrement dommageable. Dans 2,5 à 6 % des fœtus porteurs d’une anomalie anatomique, il existe des anomalies chromosomiques autres que les trois principales trisomies, et identifiables par CGH array ou ACPA( analyse chromosomique par puce ADN).

La conséquence en est qu’un test non invasif négatif ne prend tout son caractère rassurant que si l’examen échographique est normal : en cas d’anomalie échographique, il est nécessaire de pratiquer une amniocentèse pour détermination du caryotype avec ACPA.

La question peut aussi se poser en termes de chronologie : devant un risque combiné de trisomie 21 augmenté au premier trimestre de la grossesse, faut-il réaliser sans tarder un geste invasif, ou un test non invasif si la patiente peut y avoir accès, ou attendre une échographie plus détaillée vers 17/18 SA permettant d’orienter vers une amniocentèse en cas d’anomalie, ou un test non invasif, voire un simple suivi échographique, en cas d’examen normal ?

Il est clair qu’en cas d’hyperclarté nucale un test invasif doit être réalisé sans tarder. Il est manifeste également que la majorité des patientes veut être rassurée sans attendre par un test non invasif (dont les résultats prennent  environ 8-10 jours). Il faut cependant  les prévenir qu’un test non invasif doit obligatoirement être complété par une échographie morphologique de bonne qualité  ultérieurement, car si une anomalie échographique venait  à  être diagnostiquée, l’indication d’une amniocentèse pour caryotype et ACPA serait à discuter.

Il faut également souligner que l’excellente sensibilité du test sur la trisomie 21 et la trisomie 18, est moindre (environ 91 %) sur la trisomie 13, liée à la difficulté d’identifier les séquences spécifiques du chromosome 13,  et le dépistage des anomalies des chromosomes sexuels (syndromes de Turner et de Klinefelter).

D’où la question : faut-il étendre le test à d’autres recherches en théorie  réalisables ? Il est désormais possible de dépister les anomalies des chromosomes sexuels, les trisomies 16 (le plus souvent confinées au placenta et dont la notion va modifier complètement le suivi de la grossesse), les trisomies 22 (dont le pronostic peut être défavorable et associé à des syndromes malformatifs),  et d’identifier  un risque élevé de nombreuses micro délétions impliquées dans des retards mentaux et dont certaines ne sont pas rares, telle la micro délétion 22q11 du Syndrome de Di George.

Vouloir restreindre le dépistage non invasif à la trisomie 21 n’aura qu’un temps ; en face des avancées scientifiques permettant de dépister sur l’ADN fœtal circulant dans la circulation maternelle de plus en plus d’anomalies, il est peu probable que le dépistage reste cantonné à la trisomie 21.

Identifier en anténatal un syndrome de Turner ou un syndrome de Di George n’est pas dénué d’intérêt en terme de diagnostic, de contrôle échographique, de prise en charge précoce.

Bien sur certains couples vont demander la réalisation d’IMG dont les critères d’acceptation sont tout à fait définis dans la loi française. Mais de la même manière qu’il n’a jamais été question pour un cytogénéticien qui rend un résultat de caryotype d’occulter un diagnostic de syndrome de Turner ou de Di George, de la même manière il n’y a aucune raison pour que le dépistage non invasif reste cantonné à la trisomie 21. L’objectif ultime reste le même : donner aux futurs parents des informations sur la santé de leur enfant à naitre, permettre à ces enfants de bénéficier de la meilleure prise en charge dès la naissance.

Pourquoi toujours opposer à toute avancée de dépistage le risque de dérive vers des IMG injustifiées compte tenu de la qualité de la prise en charge et du suivi en CPDPN ?

Il est bien entendu que les informations  recueillies dans le dépistage des anomalies autres que trisomie 21 restent en cours d’évaluation et qu’un travail d’information, d’évaluation doit être fait.

Tout ceci permet de mettre l’accent sur ce qui demeure sans doute le plus important : la nécessité d’information des praticiens, des sage-femmes, et des patientes. Cette information ne peut se réduire à un simple formulaire de consentement signé à la va vite : les implications sont telles, qu’elles nécessitent un temps spécialement dédié à l’information des patientes.

Les différentes stratégies et modalités de mise en place sont en cours d’étude par les autorités de santé ; l’orientation vers la réalisation d’un test pour les patientes présentant un risque supérieur à 1/1000 est une hypothèse plausible, permettant d’identifier les fœtus trisomiques 21 également dans le groupe de risque intermédiaire entre 1/250 et 1/1000, où persistent environ 9 % des fœtus trisomiques, surtout dans le groupe 1/250-1/500.          

La qualité de l’information délivrée, le maintien d’un niveau échographique satisfaisant, le recours aux CPDPN permettra assurément l’implémentation des tests non invasifs en France des lors qu’ils seront disponibles, et à un niveau financier permettant leur prise en charge par la collectivité nationale. 

 
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