La radiothérapie per-opératoire dans le cancer du sein : Indications et résultats

J. BARROU, M. COHEN, E. LAMBAUDIE, A. TALLET, G. HOUVENAEGHEL

Depuis le début des années 1980, le développement de la radiothérapie externe a permis de révolutionner la prise en charge des cancers du sein non métastatique. En effet l’irradiation en adjuvant d’une chirurgie conservatrice du sein a permis un taux de contrôle local de la maladie semblable à celui du traitement historique du cancer du sein : la mastectomie.

Avec l’essor du dépistage organisé, de plus en plus de tumeurs de petite taille sont diagnostiquées et prises en charges par mastectomie partielle et radiothérapie adjuvante. Si cette prise en charge conservatrice s’accompagne d’une amélioration de la qualité de vie des patientes, il n’en demeure pas moins que la radiothérapie est un traitement contraignant. En effet une irradiation standard normo-fractionnée de 50 Gy et 16 Gy additionnel sur le lit tumoral nécessite 33 séances soit environ 7 semaines de traitement. En comparaison, la radiothérapie per opératoire allonge en moyenne de 30-45 minutes la durée opératoire (lié à la mise en place puis au retrait du dispositif, et à la délivrance de la dose) sans complément de radiothérapie externe lorsque la radiothérapie per opératoire peut être le traitement exclusif.

Afin d’améliorer encore la qualité de vie de nos patientes, une alternative a été développée pour les petites tumeurs du sein : la radiothérapie per opératoire (RIOP). Son principe repose sur l’administration d’une dose unique, élevée, hypofractionnée, directement au contact des berges d’exérèse du lit tumoral. Cette irradiation peut être délivrée soit via des rayons X de basse énergie au moyen d’un applicateur sphérique, soit via un générateur d’électron.   Cette technique est rendue possible par une excellente conformation et une rapide atténuation de dose. En fonctions des équipes, la radiothérapie per opératoire peut être utilisée soit à visée exclusive, soit à visée de surdosage du lit tumoral.

La radiothérapie per opératoire par rayons X a été validée par l’étude TARGIT-A publiée en 2014 (1). Dans cette étude randomisée, 1721 patientes ont été traitées par RIOP (Intrabeam)) et 1730 ont bénéficiées d’une irradiation externe standard. La particularité de l’étude était qu’au sein du groupe RIOP, certaines patientes étaient traitées lors de la mastectomie partielle initiale (groupe pré histologie) tandis que d’autres étaient traitées après l’analyse anatomopathologique de la pièce opératoire (le lit tumoral était alors ré ouvert pour délivrer la dose de rayons X). Il s’agissait d’une étude de non infériorité basée sur le risque de récidive locale à 5 ans. Les auteurs retrouvaient un risque de récidive locale à 5 ans de 3,3% dans le groupe RIOP contre 1,3% dans le groupe traité par radiothérapie externe conventionnelle. L’analyse du sous groupe traité par RIOP lors de l’intervention initiale permettait de retrouver un risque de récidive local à 2,1% contre 1,1% dans le groupe radiothérapie externe (p=0 ,31).

La radiothérapie per opératoire délivrée via des électrons a été validée par une autre étude randomisé d’équivalence : l’étude ELIOT (2).  1305 patientes ont été randomisées entre RIOP (n=651) et radiothérapie externe (n=654). Le taux de récidive locale à 5 ans était de 4,4% dans le groupe RIOP contre 0,4% dans le groupe radiothérapie externe. Ces résultats sont à nuancer par la faible sélection des patientes de l’étude. En effet 199 patientes du groupe RIOP (30,6%) avaient au moins un facteur de risque de récidive (tumeur >2cm, atteinte ganglionnaire, grade III, RE négatif, profil triple négatif). Dans ce groupe RIOP à risque élevé, le taux de récidive local à 5 ans était de 11,3% contre 1,5% dans le groupe RIOP à faible risque (n=452 ; 69,4%).

Plusieurs études ont analysé les complications de l’IORT ainsi que la qualité de vie des patientes. Ces études retrouvent un taux faible de complications, sans différence avec une irradiation externe et un taux de satisfaction des patientes élevé.

La problématique de la radiothérapie per opératoire tient à la sélection des patientes. La RIOP s’adresse à des patientes ayant des petites tumeurs du sein de bon pronostic. Classiquement les critères retenus sont :

  • Patiente ménopausée de 55 ans ou plus
  • Carcinome infiltrant NST ≤20mm, grade 12, RH+, HER2- sans embole et sans composante in situ extensive
  • Absence d’atteinte ganglionnaire

En effet lorsque la RIOP est administrée à visée exclusive, le taux d’irradiation externe complémentaire (en raison de donnée histologique définitive plus péjorative) est de l’ordre de 20%. L’utilisation du profil génomique tumoral pourrait être l’une des voies à explorer pour diminuer ce taux de ré-irradiation. Les critères d’éligibilité à une RIOP sont en France plus restrictifs que ceux qui ont été déterminés dans les études TARGIT-A et ELIOT (3) avec généralement la réalisation d’une IRM pré thérapeutique afin d’éliminer avec une haute fiabilité le risque de cancer du sein homolatéral.

Outre la RIOP à visée exclusive, deux autres indications sont à l’étude : la RIOP utilisée afin de délivrer le surdosage au lit tumoral et la RIOP dans le cadre de la récidive homolatérale d’un cancer du sein. Cette seconde indication semble prometteuse afin d’éviter à nos patientes, dans des cas bien sélectionnés, la mastectomie systématique en cas de récidive. Une étude de phase II est actuellement en cours en France (RE-IORT 01) avec des premiers résultats attendus fin 2019.

La radiothérapie per opératoire est donc une alternative thérapeutique au traitement de référence de chirurgie conservatrice et radiothérapie adjuvante. La sélection et l’information des patientes est primordiale, et cette prise en charge thérapeutique ne doit se faire que dans le cadre de protocoles institutionnels.

Le bénéfice pour les patientes est important en terme de qualité de vie et de tolérance des traitements. Cette technique d’irradiation unique permet également de diminuer les coûts de santé engendrés par la radiothérapie externe et de faciliter l’accès à la radiothérapie pour de nombreuses patientes habitant à distance de l’un des 173 centres de radiothérapie français. Cette prise en charge en 1 jour, peut tout à fait s’intégrer dans un parcours de soin de chirurgie ambulatoire.

Références

  1. Vaidya JS, Wenz F, Bulsara M, Tobias JS, Joseph DJ, Keshtgar M, et al. Risk-adapted targeted intraoperative radiotherapy versus whole-breast radiotherapy for breast cancer: 5-year results for local control and overall survival from the TARGIT-A randomised trial. Lancet Lond Engl. 15 févr 2014;383(9917):603-13.
  2.  Veronesi U, Orecchia R, Maisonneuve P, Viale G, Rotmensz N, Sangalli C, et al. Intraoperative radiotherapy versus external radiotherapy for early breast cancer (ELIOT): a randomised controlled equivalence trial. Lancet Oncol. déc 2013;14(13):1269-77.
  3. Ziouèche-Mottet A, Houvenaeghel G, Classe JM, Garbay JR, Giard S, Charitansky H, et al. Eligibility criteria for intraoperative radiotherapy for breast cancer: study employing 12,025 patients treated in two cohorts. BMC Cancer. 2014 Nov 24;14:868.
     

 
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