La TOMOSYNTHESE : mise au point en 2013

Le dépistage du cancer du sein a longtemps reposé sur la mammographie conventionnelle. Elle est progressivement remplacée par la mammographie digitalisée (2D). La double lecture a montré une discordance dans 23 % des cas de cancer, c’est-à-dire que des vrais- positifs ont été manqués par un des examinateurs dans 23 % des cas. La double lecture implique un taux de rappel élevé. Il pourrait être diminué par la mise en place d’une procédure d’arbitrage en cas de discordance des lecteurs mais ceci est coûteux. La tomosynthèse est une procédure récente susceptible d’améliorer le dépistage des lésions subtiles en les distinguant de leur environnement glandulaire. La tomosynthèse affine les caractéristiques d’une masse ou d’une zone suspecte, en précisant les contours, l’existence de spicules, la ponctuation de la zone par des microcalcifications. Elle permet de s’affranchir des effets de superposition. Elle est particulièrement utile pour révéler une masse dans un sein dense, pour visualiser une distorsion quelle que soit la densité. Elle apporte une sécurité diagnostique à tous les radiologues mais plus particulièrement, les études l’ont montré, aux moins expérimentés. Elle est donc un instrument d’homogénéisation et de diffusion de la qualité du dépistage. C’est une application de la mammographie numérisée, obtenue par addition d’un « balayage » supplémentaire du sein sur le même appareil. Il s’agit d’une série d’images « low-dose » acquise en 2D à différents angles sur un arc générant une information multiple  sur des coupes espacées d’un millimètre qu’on lit séquentiellement. La procédure pour le manipulateur et la patiente n’est guère différente de la mammographie standard. Le temps d’acquisition de la tomosynthèse est bref et n’alourdit pas significativement la procédure diagnostique. L’acquisition « tomosynthèse » se fait sur l’incidence oblique ou cranio- caudale avant l’acquisition standard sur la même compression. Le temps d’acquisition est de 4,5 secondes pour la tomosynthèse seule et de 14 secondes pour l’acquisition « tomosynthèse et mammographie ». Les premières évaluations de la tomosynthèse ont été des études prospectives avec un seul lecteur sur une population non sélectionnée ou rétrospective sur une population à risques. Elles ont suggéré une amélioration du taux de détection des cancers et simultanément une diminution du taux de rappel des patientes. Les études les plus récentes ont évalué la validité de la tomosynthèse dans des protocoles prospectifs de double lecture. (Per Skaane  et son équipe à Oslo, 12 621 patientes entre 50 et 69 ans). Elles ont comparé la double lecture de mammographies 2D digitalisées et la double lecture des mêmes mammographies 2D auxquelles s’ajoutait l’acquisition 3D (tomosynthèse). Les résultats montrent un gain de 30 % du taux de cancers détectés avec la tomosynthèse ouvrant une voie prometteuse au dépistage. Plus intéressante encore est la constatation que les cancers additionnels révélés par la tomosynthèse sont des cancers invasifs dont une grande partie n’a pas d’extension ganglionnaire. Ceci remplit donc parfaitement l’objectif d’un dépistage. Confirmant les premières études en lecture simple, la tomosynthèse n’augmente pas sur cette étude en double lecture le dépistage des carcinomes canalaires in situ. La double lecture avec tomosynthèse réduit les faux positifs ; elle ne réduit pas les taux de rappel des patientes mais elle assure en compensation la détection de 30 % de cancers supplémentaires.

Cette étude de grande envergure valide la tomosynthèse. Mais qu’en est-il dans nos cabinets en pratique de ville pour ceux d’entre nous qui ont la chance de bénéficier de cet équipement ? Le couple mammographie – échographie étant la base du dépistage individuel, il convient de souligner l’impact de la lecture en tomosynthèse sur la réalisation de l’échographie. Deux situations se présentent : sur un sein de densité moyenne, un surcroît d’opacité en 2D peut s’avérer n’être que glandulaire lors de l’analyse en tomosynthèse, cette dernière analysant au mieux ses contours , raccords et l’absence de distorsion. Dans ce cas l’échographie peut être évitée. À l’inverse sur un sein dense, la tomosynthèse peut révéler un effet de distorsion, des spicules non vus en 2D et guider la recherche d’une image correspondante en échographie. En pratique la tomosynthèse permet ou d’économiser le temps et le coût d’une échographie ou à l’inverse de l’indiquer et de l’orienter permettant ainsi de réaliser une échographie ciblée.

Dans d’autres cas la lecture en 2D digitalisée est  en faveur d’une lésion maligne. Le passage en mode « tomosynthèse » confirme souvent de façon spectaculaire l’analyse antérieure. La tomosynthèse devient un instrument de confort dans la démarche diagnostique et donc un instrument de sécurité.

L’utilisation de la tomosynthèse nécessite un temps d’apprentissage, variable selon l’expérience préalable du radiologue ; elle augmente le temps de lecture ; elle augmente modérement l’irradiation, une acquisition 3D dans un plan correspondant à environ 1,2 fois l’irradiation dans le même plan en 2D digitalisé. Une correction de cet excès d’irradiation sera possible avec l’arrivée et l’extension de la technique C–View approuvée le 21 mars 2013 par la FDA ; il s’agit de réaliser seulement une acquisition 3D (tomosynthèse) et d’obtenir l’image 2D correspondante par synthèse à partir des données 3D. Ceci on le comprend aisément, maintiendrait globalement l’irradiation initiale d’avant l’adjonction de la tomosynthèse. Enfin une limite d’utilisation de la tomosynthèse est bien sûr le coût de l’appareillage.

En conclusion,

L’imagerie en tomosynthèse représente une avancée importante dans le dépistage du cancer du sein puisque de grandes séries prospectives, en double lecture ont montré qu’elle révélait un taux de cancers supplémentaires de 30 %.  La preuve de son efficacité diagnostique a abouti à sa validation par la FDA dès le 11 février 2011, tant pour le diagnostic que le dépistage en incidence de face et en incidence oblique. Des aménagements techniques  (logiciel C-View) sont néanmoins nécessaires pour  limiter l’irradiation qu’elle entraîne quand elle est réalisée en plus des incidences habituelles. Elle guide la réalisation de l’échographie ce qui la rend plus performante et apporte un confort diagnostic à l’échographiste.

 

 

Bibliographie :

Skaane P, Bandos AI, Gullien R, Eben EB, Ekseth U, Haakenaasen U, Izadi M, Jebsen IN, Jahr G, Krager M, Hofvind S. Prospective trial comparing full-field digital mammography (FFDM) versus combined FFDM and tomosynthesis in a population-based screening programme using independent double reading with arbitration. Eur Radiol. 2013 Aug;23(8):2061-71.

Rafferty EA, Park JM, Philpotts LE, Poplack SP, Sumkin JH, Halpern EF, Niklason LT. Assessing radiologist performance using combined digital mammography and breast tomosynthesis compared with digital mammography alone: results of a multicenter, multireader trial. Radiology. 2013 Jan;266(1):104-13

2: Rafferty EA. Digital mammography: novel applications. Radiol Clin North Am. 2007 Sep;45(5):831-43.

 
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