A propos du consentement en gynécologie …

Ayant plus de 35 ans de carrière dans le domaine de la gynécologie-obstétrique, j’ai constaté depuis une quinzaine d’années une évolution inquiétante de notre spécialité, faite de critiques de plus en plus acerbes et médiatisées et d’une désaffection croissante de nos plus jeunes confrères face à des situations potentiellement médico-légales.

La gynécologie-obstétrique a bénéficié de progrès considérables tels que l’échographie, l’assistance médicale à la procréation, l’imagerie des cancers, la biologie moléculaire, la génétique, … Ces progrès ont laissé penser que les résultats ne pouvaient être que positifs, alors qu’il faut toujours se souvenir que si nous avons une nécessité de moyens, on ne pourra jamais nous opposer une obligation de résultats. La médiatisation de certaines techniques peut induire une fausse sécurité chez les patientes, comme nous l’a montré l’affaire Perruche (enfant né avec de multiples malformations liées à une infection rubéolique durant la grossesse ; 1983-2000).

L’apparition des réseaux sociaux et le développement des associations de patientes ont conduit à une exposition médiatique des progrès médicaux mais surtout des dérives de notre spécialité : témoignages de femmes, dénonciation de pratiques (dont la plus récente concerne un gynécologue parisien réputé), pétitions (parfois diligentée par des étudiants en médecine), apparition du terme de « violences » ou de « viols » en gynécologie-obstétrique, livres (noirs), politisation au sein du débat public, … La société parallèlement a changé, Me Too est apparu, l’instantanéité de l’information a pris la place de la réflexion, le jugement sociétal le dessus sur la justice, … On condamne avant de confronter, on juge avant de vérifier, telle est l’époque.

Comment en est-on arrivé là, comment est-on passé d’une confiance raisonnable à une suspicion permanente, d’un exercice serein à une crainte du médico-légal. Autrefois basé sur un paternalisme médical où la patiente était un objet de soins, la pratique actuelle doit faire appel à une alliance thérapeutique où la patiente est devenu un sujet de soins, une actrice de ses soins.

La loi n° 2002-303 du 4 Mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (dite loi Kouchner ou loi anti-Perruche) introduit la décision partagée et le consentement libre et éclairé. Ainsi, l’article L. 1111-2 indique que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé, … que cette information doit s’étendre aux risques fréquents ou graves normalement prévisibles des traitements, … que l’information incombe au cours d’un entretien individuel à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé.

L’article L. 1111-4 proclame que le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Cette loi n’est pas la seule responsable de l’évolution de la relation médecin-malade, les excès, l’interdépendance de certains médecins avec certains laboratoires et l’« égo » parfois surdimensionné de certains collègues ont conduit à une méfiance légitime des patientes vis-à-vis de la connaissance médicale, comme nous l’a montré encore récemment la frénésie d’interventions médiatiques souvent contradictoires à propos de l’infection SARS COV-2. Le principe de précaution, qui a fait suite à la crise du sang contaminé, a fini par modeler la société, la rendant craintive et fragile.

Dans ce contexte, Communication, Information et Consentement doivent être les piliers de l’exercice médical contemporain.

La COMMUNICATION est à la fois intrinsèque au colloque singulier que constitue la consultation médicale mais également extérieure vers la patiente (le dossier médical « appartient » à la patiente), le médecin traitant (courrier), voire la famille si elle le souhaite. Elle est basée sur l’émission et la réception de messages, verbaux (les mots pour les maux) et non-verbaux (attitude, présentation). On parle à un malade et non à une maladie. A partir de ce que le médecin pense et souhaite exprimer, la communication passe par ce qu’il dira et la manière dont cela sera entendu par la patiente et ensuite compris par elle (avec parfois le barrage linguistique). La communication tient à la personnalité du médecin, à la qualité de sa formation initiale et continue (car la communication s’apprend tous les jours …), à sa manière d’exprimer des données simples et compréhensives (absence d’anesthésie verbale de la patiente). Elle doit faire appel à de l’empathie (émotions), ce qui est différent de la sympathie (sentiments) qui doit rester distincte de la consultation médicale. Communiquer, c’est aussi désarmorcer des situations conflictuelles issues d’une consultation ou d’un traitement qui pourraient rapidement s’envenimer et conduire à une procédure judiciaire. Rester factuel permet de légitimer l’aléa thérapeutique, pour lequel les assurances professionnelles et les indemnisations existent.

L'INFORMATION est capitale, car sans information il ne peut y avoir de consentement éclairé. L’information doit être orale (claire et intelligible) et écrite (permettant de s’y référer), car « la plume est serve et la parole est libre ». L’information est due par celui qui prescrit l’acte et/ou le réalise, et la preuve de l’information pèse sur celui qui la donne. Cependant, le médecin doit reconnaître ses limites et parfois son ignorance. Il a aussi le devoir de refuser un acte médical, d’en informer la patiente et de l’orienter vers l’un de ses confrères. L’information est un mélange complexe pour les patientes entre la conscience des droits et la légitimité médicale. Ainsi, la conformiste, du fait de sa restriction de ses droits, adhère complètement au message du gynécologue, banalise le manque d’information et ne négocie pas. La contractualiste, actrice de son information souvent glanée sur internet, pose de multiples questions mais considère in-fine que le gynécologue reste la référence de l’information. Enfin, la militante est totalement dans la négociation de la relation médecin-malade, car elle utilise des stratégies d’évitement de situations problématiques (pour le respect de ses droits) et recherche des sources d’informations permettant de remettre en cause le savoir médical. On comprend mieux la définition de la consultation médicale par Winston Churchill, « une énigme doublée d’un mystère ».

Vient enfin LE CONSENTEMENT, cum sentire en latin, soit sentir ensemble, avoir une opinion ensemble. La conformiste sera confiante dans la pratique du gynécologue, sans revendication (perte de ses droits au sens de la loi Kouchner), ni règle nécessaire. La contractualiste sera méfiante, en lien avec des expériences contradictoires avec la gynécologie et ses fortes attentes, ses droits étant plus pensés que verbalisés. Enfin, la militante réclame son consentement comme preuve de son adhésion aux soins. Pour elle, la consultation peut devenir un lieu de discrimination et de « violence », reliquat de la société patriarcale. L’obtention du consentement est également influencée par de nombreux autres facteurs : féminité, pudeur, nudité, sexualité, âge, poids, éducation, ...

En conclusion, la relation de confiance entre médecin et patiente et l’information adaptée conduiront au consentement éclairé ; la qualité des soins et la responsabilité médicale à la satisfaction de la patiente vis-à-vis de l’acte thérapeutique.

-------------------

Philippe MERVIEL
Service de Gynécologie-Obstétrique et Médecine de la Reproduction, hôpital Morvan, CHRU Brest – France
Mail : philippe.merviel@chu-brest.fr

 

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.