L'utilisation des prothèses dans le traitement chirurgical des prolapsus par voie vaginale est-elle justifiée ?

Il existe un paradoxe entre l'utilisation fréquente mais souvent sans contrôle du matériel prothétique comme renfort dans le traitement chirurgical des prolapsus par voie vaginale et l'absence de recommandations officielles.

Sur le plan administratif, le rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) date de Juillet 2007 (1). Ce rapport recommande de ne pas utiliser de matériel prothétique comme renfort dans la prise en charge des prolapsus génitaux par voie vaginale. Les signataires de ce rapport admettent cependant (en bons politiques) que les implants prothétiques « pourraient présenter un intérêt en 2ème intention après échec d'un traitement chirurgical antérieur ou s'il existait un élément clinique particulier faisant craindre un risque élevé de récidives ».

Les recommandations restent « figées » malgré la prise de position favorable des différentes Sociétés Savantes concernées : GNGOF – AFU – SIFUD, SCGP et d’une commission mixte regroupant gynécologues et urologues au sein de l’AFNOR. Un registre national des interventions pour cure de prolapsus a été créé de manière à pouvoir comptabiliser de façon objective les complications.
Aux USA, plusieurs publications (2) font état d’un nombre croissant de complications (plus de mille) et par corollaire d’une augmentation du nombre de procès.
Sur le plan médical cette attitude dogmatique des pouvoirs publics contraste avec les résultats actuellement satisfaisants de la littérature scientifique

Il existe actuellement 16 essais randomisés (3) exploitables qui comparent les résultats anatomiques et pour certains fonctionnels des techniques utilisant un revêtement prothétique dans le traitement des prolapsus par voie vaginale.
Ces études comportent les recommandations actuellement exigées dans ce type d’essai : définition d’un objectif principal et parfois d’objectifs secondaires avec leurs critères de jugement, accord d’un comité d’éthique, recueil écrit du consentement éclairé des patientes, critères d’inclusion et d’exclusion, technique chirurgicale utilisée, caractéristiques du matériel prothétique, homogénéisation des techniques chirurgicales, étude des résultats anatomiques et fonctionnels, recul suffisant.

Les résultats sont en faveur du matériel de renfort prothétique pour le traitement des cystocèles.
Il existe en effet un taux de récidive de 37% à 1 an en cas de chirurgie conventionnelle vs 11% encas d’utilisation de prothèse.
Par contre, il n’existe pas de bénéfice à l’utilisation des prothèses dans les autres indications : prolapsus isolé de l’utérus ou du fond vaginal, rectocèle isolée.
Le manque d’études comparatives ne permet pas de conclure et donc de recommander une réparation prothétique pour un défect isolé en dehors de la paroi vaginale antérieure.
En ce qui concerne le type de revêtement prothétique, les études publiées ne sont pas en faveur de l’utilisation des prothèses biologiques.
Les complications per opératoires non spécifiques (hémorragie per opératoire, plaie des organes creux : vessie – rectum – urètre – uretère, infections post opératoires) se retrouvent avec une fréquence voisine en cas de réparations prothétique et en cas de chirurgie de réparation conventionnelle (niveau de preuve 1).

D’autres complications sont spécifiques de la chirurgie prothétique.
Un taux d’exposition se retrouve dans 12,3% des études randomisées mais les variations sont très très importantes dans les séries (de 0 à 35,7%).
L’étude des facteurs de risque a permis de proposer une chirurgie assez « standardisée » pour réduire ce risque : réduction du nombre d’incision vaginale – privilégier l’incision horizontale pour rester à distance (…) de la prothèse - conservation de l’utérus – respect vaginal – éviter les résections vaginales – hémostase soigneuse – vérification de l’absence de perforation vaginale par les bras prothétiques au niveau des culs de sac et des parois vaginales – l’expérience de l’opérateur semble jouer un rôle important (4).
Sur le plan fonctionnel les études randomisées portant sur la sexualité et la dyspareunie n’ont pas trouvé de différence statistique dans les séries comparatives bien que la rétraction du revêtement prothétique soit constatée de façon habituelle après ce type de chirurgie. La rétraction de la prothèse n’a pas fait l’objet de véritables études objectives car la définition de rétraction est en effet assez floue et reste très subjective. Un bon résultat anatomique s’accompagne toujours d’un certain degré de rétraction de même qu’un résultat fonctionnel médiocre est lié à la rétraction de la prothèse.
Il est nécessaire de faire évoluer la structure du matériel prothétique pour réduire cette rétraction. Le Polypropylène est actuellement reconnu comme le support de toute prothèse placée par voie vaginale mais son poids et son grammage doivent évoluer.
Des essais sont effectués avec des prothèses semi résorbable pour réduire la rétraction tout en conservant son efficacité (5).

Pour conclure, on peut actuellement affirmer que l’utilisation d’une prothèse non résorbable est indiquée dans le traitement des cystocèles importantes (niveau de preuve 1). Il ne faut pas la proposer dans le traitement de tous les défects de l’étage antérieur et la réserver aux cystocèles de stade III et aux cystocèles récidivantes. En cas de prolapsus sévère associant plusieurs étages et en cas de prolapsus sévère récidive, il est possible (3) de proposer l’utilisation d’une prothèse sur les étages concernés mais cette recommandation n’est pas validée.
En cas de prolapsus utérin, de prolapsus du dôme vaginal, de colpocèle postérieure et de rectocèle, l’étude de la littérature ne recommande pas l’utilisation systématique des implants prothétique.
En effet, la spinofixation du col utérin ou du dôme du vagin selon les procédés de Richardson et de Richter et la colpomyorraphie des muscles releveurs de l’anus entrainent des résultats satisfaisants dans ces prolapsus de l’étage postérieur.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. HAS – Evaluation des implants de renfort pour le traitement du prolapsus des organes pelviens de la femme. www.has-sante.fr -200
  • 2. MUCOWSSKI SJ et al. – Use of vaginal ……th in the face of recent FDA warnings and digitation. Am J. Obstet Gynecol 2010 ; 203 (2) : 103 el -4
  • 3. LUCOT JP et al – Vaginal Mesli for pelvic organ prolapse repart. GOF 39 (2011) 232-244.
  • 4. DWYER P et al – Transvaginal repair of anterior and posterior compartment prolapse with Atrium Polypropylene mesh. BJOG 2004 ; 111 (8) : 831- 6)
  • 5. MILANI AL et al. – Trocar – Guided mesh repair of vaginal prolapse using par trally absorbable mesh : 1 year outcomes. Am J Obstet Gynecol 2011 : 204 (i) 74 el -8

 
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