Futur de la ménopause

L’avenir de la ménopause ne se conçoit qu’après l’analyse des faits concernant son passé et son présent. Personne ne nie que la ménopause soit un phénomène naturel physiologique, mais l’accroissement de l’espérance de vie doit faire réfléchir aux conséquences possibles de la carence estrogénique qui sera présente pendant plus de 35 ans. Depuis la publication des résultats de la WHI, le Traitement Hormonal de Ménopause (THM) a été remis en cause, les risques en ayant été largement médiatisés à l’opposé des bénéfices, qui sont rarement mis en balance, laissant le principe de précaution l’emporter sur la décision médicale rationnelle. De ce fait, les prescriptions ont chuté passant de 23,2 millions de boites vendues en 2002 à 3,84 millions en 2018.

Évolution des concepts sur le THM

 

Il est certain que des erreurs ont été faites dans le passé, comme de dire que la ménopause était une maladie qu’il fallait systématiquement traiter ou qu’il n’était jamais trop tard pour traiter la ménopause.
L’étude WHI publiée en 2002 a rappelé la dure réalité des résultats de l’évaluation scientifique. Cet essai qui avaient été débuté dans le courant des années 1990 comportaient 2 études randomisées, une 1ère étude (WHI 1) comparant l’association estrogènes conjugués équins (ECE) et acétate de médroxyprogestérone (MPA) (n=8 506) et le placebo (n=8 101) et pour les femmes hystérectomisées les ECE seuls (WHI 2 : n=5 310) vs placebo (n=5 429). Rappelons que ces 2 essais ont été stoppés prématurément après 5,4 ans pour la 1ère et 6.8 ans pour la 2ème (initialement prévue pour 7 ans) car les risques (cardio-vasculaires et de cancer du sein pour la 1ère et pour la 2ème, le risque d’AVC) l’emportaient sur les bénéfices (réduction du nombre de fractures et du risque de cancer du côlon). Dans cet essai, la présence d’un syndrome climatérique était un motif d’exclusion. L’objectif principal de cette étude était en effet de confirmer le bénéfice du THM à diminuer l’incidence des maladies cardio-vasculaires et il devait donc concerner des femmes âgées et à risque n’ayant pas de symptôme de manière à conserver le double aveugle. Mais, c’est avant tout la confirmation de l’augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes traitées qui a fait chuter partout dans le monde la prescription du THM. L’histoire ou tout au moins sa médiatisation continue à se renouveler car, plus récemment l’étude de Valérie Béral publiée dans le Lancet en 2019, a relancé le débat sur le risque prépondérant de cancer du sein en niant tous les bénéfices potentiels. Le rôle des progestatifs est notamment totalement occulté dans ce dernier papier alors que non seulement le risque de cancer du sein est significativement diminué avec les ECE seuls (HR=0,79 (0,65-0,97)) dans la WHI 2 (et contrairement à l’association ECE + MPA), mais que les études françaises E3N (Fournier A) et de Cordina-Duverger suggèrent que la progestérone ou la dydrogestérone en combinaison avec l’estradiol serait  associé à un risque moindre que les progestatifs de synthèse.

De plus, les études plus récemment publiées permettent de souligner les bénéfices en particulier en termes de mortalité des femmes de 50 à 60 ans. Le suivi à 18 ans de la WHI a publié en 2017 des analyses par tranche d’âge (J. Manson). Le résultat essentiel concerne une diminution significative de la mortalité à l’issue de la période de l’essai chez les femmes qui avaient reçu le THM entre l’âge de 50 et 60 ans (notion d’hypothèse du temps). Ce bénéfice restait présent 18 ans après le début de l’étude, même s’il n’était plus statistiquement significatif par rapport aux femmes qui avaient reçu le placebo. Il est avant tout lié à l’effet de prévention des estrogènes sur l’athérosclérose lorsque celui-ci est donné en début de ménopause sur des artères « saines ». C’est ce que confirme l’étude ELITE (Hodis HN, 2016) lorsque le THM est proposé en début de ménopause et contrairement à une utilisation plus tardive. Lorsqu’il est donné à distance du début la ménopause (comme cela était le cas pour la majorité des femmes dans l’essai WHI dont l’âge moyen de prescription était de 63 ans !), cet effet de prévention non seulement disparait, mais du fait de l’effet pro-inflammatoire des estrogènes, il existe un risque de déstabilisation de plaques d’athérome potentiellement présentes avec une augmentation du risque d’infarctus du myocarde. De fait, le concept de prévention du risque coronarien qui prévalait lors de la mise en place de l’étude WHI se trouve finalement et presque 20 ans plus tard, confirmé sous réserve de prescrire le THM à bon escient !

La Haute Autorité de Santé (HAS) a écrit des recommandations en 2003 et les a renouvelées en 2014. Ces recommandations ont souvent été mal interprétées comme la limite à 5 ans du THM qui est une erreur. Rappelons que ces recommandations soulignent la nécessité à l'instauration du traitement, de donner toute information utile permettant une prescription adaptée et éclairée. Les risques inhérents au traitement doivent être communiqués, de même que les résultats des études récentes qui suggèrent que le risque pourrait varier selon les produits. Le traitement doit être réévalué régulièrement, au moins une fois par an, en prenant en considération l'évolution du rapport bénéfices/risques. Cette réévaluation peut s'accompagner d'une suspension temporaire du traitement afin de contrôler la persistance du syndrome climatérique et sa sévérité. Le traitement peut être instauré si la femme le souhaite, à la dose minimale efficace, pour une durée la plus courte possible.

La prise en charge hormonale de la ménopause impose de fait une évaluation personnalisée de la balance bénéfices/risques et devrait être sous-tendue par la réalisation d’un véritable bilan de santé pour toutes les femmes à 50 ans. Il faut évaluer le retentissement du syndrome climatérique sur la vie personnelle et sociale de la femme, évaluer son risque cardio-vasculaire, comme son risque de fracture ou de cancer en analysant les antécédents familiaux et personnel et dépister les facteurs de risque. Il faut l’accompagner pour minimiser les risques métaboliques en rappelant les consignes d’hygiène de vie en terme d’activité physique et de diététique, en supprimant le tabac et en modérant la prise d’alcool.

Si le THM doit être prescrit il faut respecter les 3 points forts de ce traitement :

1/ Le THM doit être débuté au mieux durant la fenêtre d’intervention (entre 50 et 60 ans ou dans les 10 ans qui suivent le début de la ménopause).
2/ L’administration des estrogènes doit se faire préférentiellement par voie non orale (voie cutanée).
3/ Compte tenu du risque imputable aux progestatifs pour l’augmentation de l’incidence du cancer du sein et du risque thrombo-embolique veineux, le médecin choisira de préférence la progestérone micronisée ou la rétrogestérone.

Par ailleurs, si l’insuffisance ovarienne est prématurée, il s’agira d’un véritable traitement hormonal substitutif (THS) qui devra être poursuivi au moins jusqu’à l’âge de 50 ans.

Quel futur pour une meilleure prise en charge de la ménopause ?
Rappelons tout d’abord que contrairement à l’âge de la puberté, l’âge de la ménopause n’a pas varié et qu’il se situe en médiane entre 50 et 52 ans. Rappelons également que le tabagisme peut avancer d’1 à 2 ans l’âge de la ménopause. Malgré les travaux concernant la préservation de la fertilité, il ne faut pas espérer que la greffe d’ovaire puisse faire disparaitre la ménopause. L’utilisation de cellules souches pourrait régénérer les cellules produisant l’estradiol et la progestérone, mais les travaux expérimentaux, extrêmement prometteurs de Tilly JL, qui datent de 20 ans ne laissent pas espérer pour l’espèce humaine, une application à court terme en dehors peut-être de l’amélioration de la qualité des ovocytes vieillissants (Tilly 2013).
Le futur de la prise en charge de la ménopause réside donc dans l’amélioration des connaissances de l’impact tissulaire de la carence estrogénique tout comme dans l’évaluation de la balance bénéfices/risques des estrogènes propre à chaque femme. L’étude des polymorphismes génétiques sera certainement de nature à mieux individualiser la décision de traitement mais cette médecine est encore en voie d’élaboration et reste très couteuse. Le développement de nouvelles molécules,  modulant l’activité des récepteurs estrogéniques (Estetrol par exemple) pour amplifier les effets bénéfiques en réduisant les risques est attendue. L’expérience des TSEC (association d’un SERM, le bazedoxifène et d’un estrogène) a été malheureuse car le laboratoire a retiré le produit alors que cette association offrait la perspective de bénéfices sur le syndrome climatérique et la prévention de l’ostéoporose en diminuant le risque de cancer du sein. Enfin, c’est peut-être plus dans l’intelligence artificielle qu’il nous faudrait investir. Elle devrait permettre plus facilement à partir de scores personnalisés des risques de cancer, de fracture, des risques métaboliques et de maladies cardio-vasculaires, de déficience cognitive et de maladie d’Alzheimer tout comme de qualité de vie d’améliorer l’information des patientes et d’être une aide à la décision pour la prescription du THM en particulier.
C’est dans ces voies que nous devons entre autres nous engager de manière à ne pas continuer à sacrifier des générations de femmes comme c’est actuellement le cas depuis plus de 15 ans.

Bibliographie :
Beral V and Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Type and timing of menopausal hormone therapy and breast cancer risk: individual participant meta-analysis of the worldwide epidemiological evidence. Published online Lancet 29 août 2019
Cordina-Duverger E, Truong T, Anger A, et al. Risk of breast cancer by type of menopausal hormone therapy: a case-control study among post-menopausal women in France. PLoS One 2013; 8(11):e78016
Hodis HN, Mack WJ, Henderson VW, Shoupe D, Budoff MJ, Hwang-Levine J, Li Y, Feng M, Dustin L, Kono N, Stanczyk FZ, Selzer RH, Azen SP; ELITE Research Group. Vascular effects of early versus late postmenopausal preatment with estradiol. N Engl J Med 2016 Mar 31; 374:1221-31
Fournier A, Berrino F, Clavel-Chapelon F. Unequal risks for Breast cancer associated with different hormone replacement therapies: results from the E3N cohort study. Breast Cancer Res Treat2008;107:103-11
HAS. Commission de la Transparence. Réévaluation des traitements hormonaux de la Ménopause. Rapport d’évaluation du 28/5/2014
Manson JAE, DrPH; Chlebowski RT and al. Menopausal Hormone Therapy and health outcomes during the intervention and extended poststopping phases of the Women’s Health Initiative randomized trials. JAMA 2013; 310:1353-68
Manson JE, Aragaki AK, Rossouw JE, et al; WHI Investigators. Menopausal Hormone Therapy and long-term all-cause and cause-specific mortality: The Women's Health Initiative randomized trials. JAMA 2017; 318:927-38.
Rossouw JE, Anderson GL, Prentice RL, LaCroix AZ, Kooperberg C, Stefanick ML, et al. Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women: principal results from the Women's Health Initiative randomized controlled trial. JAMA 2002; 288: 321-333
Tilly JL, Sinclair DA. Germline energetics, aging, and female infertility. Cell Metab 2013; 17:838-50

 
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