Entre Evidence Base Medicine, Pression médiatique et médico-légale, Principe de précaution : Que faire des recommandations ?

La conduite des soins est  strictement de la responsabilité médicale.

Depuis des années, la notion du rapport bénéfice/risque est entrée dans la réflexion médicale ainsi que celle de la stratégie. On a cherché à fonder les choix sur les faits (evidence based medicine), et à s’appuyer sur des schémas (arbres de décision). Des méthodes d’analyse de la littérature (Cochrane) ont permis de jauger les niveaux de preuve des affirmations des uns et des autres. Des règles de Bonnes Pratiques Cliniques rédigées à la suite de conférences de consensus et de méta analyses et des structures chargées de l’évaluation ont été créées en France (ANDEM puis ANAES et enfin HAS) Tout ceci ayant pour but de fournir un acte médical le plus adapté et le plus efficace dans une approche humaniste, au moindre coût.

Mais de nombreuses dérives existent en grande partie , par le fait que l’activité médicale est actuellement très sensibilisée par le principe de précaution et le risque de judiciarisation. Les médiasjouent un aussi rôle considérable en raison de la diffusion hâtive d’informations difficiles à trier car insuffisament tempérées par des avis d’experts.

Dans ce contexte, le principe de précaution est souvent mis en avant pour justifier la multiplication des actes alors qu’il s’agit le plus souvent d’une attitude défensive délétère, illusoire et inefficace, ne reposant sur aucune base sérieuse.
 

Qu’en est-il dans le cadre de la prévention du cancer du col ?

Actuellement existent une prévention primaire par vaccination et une prévention secondaire par la cytologie.

 La prévention primaire

Deux vaccins ayant prouvé leur excellente efficacité et leur très bonne tolérance Gardasil® (Quadrivalent : 16-18-6-11) et Cervarix® (16-18) sont à la disposition du corps médical depuis respectivement 2007 et 2008.On sait qu’une couverture vaccinale la plus large possible est garante d’une efficacité tant personnelle que collective.

Les “instances de contrôle” internationales, européennes et françaises (FDA, EMEA, AFSSAPS) ont à maintes reprises et encore en juillet 2014 ( HCSP) confirmé le bénéfice-risque de cette vaccination tout particulièrement chez les très jeunes filles avant les premiers rapports sexuels.

Les praticiens ont ainsi à leur disposition des textes  officiels leur recommandant de vacciner le plus largement possible les jeunes filles, l’âge de cette recommandation vaccinale ayant été modifiée récemment passant à 11-13 ou 14 ans avec rattrapage jusqu’à 19 ans (HCSP  28/09/12) et le schéma simplifié à 2 doses (o-6) pour les plus jeunes.

Il est en effet bien préférable de prévenir l’apparition d’une lésion que de la guérir, sachant l’impact psychologique majeur de l’annonce d’une pathologie cervico-vaginale ou vulvaire tout particulièrement au sein d’un couple le plus souvent très jeune et en se souvenant de la morbidité et du coût de la prise en charge des anomalies cervico-vaginales ou vulvaires.

Les Anglo-saxons , très pragmatiques , nous donnent l’exemple de couvertures vaccinales très élevées de l’ordre de 85 % ce qui se traduit en Australie où la vaccination en milieu scolaire utilise depuis 2007 le vaccin quadrivalent par une quasi disparition des végétations génitales, (1ers témoins d’une infection HPV) dans la population concernée par la vaccination et une diminution des lésions de haut grades chez les plus jeunes filles particulièrement impactées par cette vaccination . Ces résultats sont maintenant confirmés au Danemark qui a aussi une CV de 80 % .

Il reste beaucoup de chemin à faire en France pour relever le défi de cette prévention primaire et protéger  notre jeune génération comme nous en avons l’opportunité depuis déjà 7 ans puisque les derniers chiffres de CV en France sont dramatiquement bas, proches de …20 % 
 

La prévention secondaire

Le dépistage et la prise en charge des lésions cervico-vaginales et vulvaires est en pleine mutation.

A la cytologie traditionnelle s’ajoute la virologie : deux outils performants qui permettent lorsqu’ils sont bien gérés une meilleure  efficacité pour un moindre coût tant psychologique, physique que financier.

Malgré des recommandations  déjà anciennes, bon nombre d’examens inutiles sont proposés engendrant angoisses , conflits au sein des couples , escalades thérapeutiques non dénuées de morbidité .

Rappel des Recommandations pour le dépistage par cytologie :

  • 25 ans : 1er Frottis
     
  • 26 ans : 2ème Frottis
     
  • Puis Frottis tous les 3 ans jusqu’à 65 ans 
     

 Il est regrettable de voir encore trop souvent des frottis pratiqués chez de toutes jeunes femmes de 18 à 24 ans, qui sont parfois même déjà protégées par la vaccination.

Ces frottis  sont grands pourvoyeurs d’anomalies de Bas grade entrainant des colposcopies ainsi que des traitements inutiles et anxiogènes : Vaporisations mais aussi conisations pour CIN1 chez des femmes très jeunes malgré la morbidité bien connue des traitements d’exérèse . En effet ces anomalies cytologiques guérissent spontanément dans la grande majorité des cas et n’évoluent que rarement  vers une lésion de haut grade  en 3 à 5 ans. (Moscicki, Obstet Gynecol 2010)(Moore, 2007)(EJOGRB; 2011) (Ostor AG Int J Gynecol Pathol 1993; 12:186-92)

Suivre les recommandations signifie de ne pas proposer de 1er frottis avant 25 ans, ni de frottis systématique annuel mais cela n’empêche en aucun cas un examen annuel minutieux au speculum : si un col est congestif ou qu’existent des saignements provoqués inexpliqués un contrôle cytologique et une colposcopie sont  nécessaires afin de dépister l’exceptionnelle lésion de haut grade d’une femme parfois très jeune. Ceci tout particulièrement si la sexualité a été très précoce chez une jeune femme tabagique.

Eviter des colposcopies inutiles : le typage viral

C’est la persistante de l’infection  virale qui est le principal facteur de risque de développer une lésion de haut grade. Il faut laisser à une infection transitoire le temps nécessaire à la  clearance du ou des virus. Avant 30 ans le typage viral ne doit pas être proposé en dépistage car l’infection latente, infra clinique est très fréquente : 5 à 70% des femmes jeunes. L’infection HPV le + souvent transitoire et asymptomatique avec une clairance 8 à 14 mois. Le pic de prévalence diminue après 30 ans.

Les test HPV-HR systématiques avant 30 ans exposent à la situation frottis normal + typage viral positif entrainant des colposcopies inutiles et des situations anxiogènes comme l’a démontré Mc Caffery  en 2004 : 30 % des femmes  HPV+ ont une  sexualité perturbée voire nulle  versus 2 % si HPV négatif.

L’utilisation du typage viral en particulier HC 2 est donc bien codifié dans notre pays :

Le Test HPV est recommandé et remboursé en cas de frottis ASCUS

Le typage viral est inutile dans les situations à risque de lésion sous-jacente (ASC-H, LSIL, HSIL, AGC)

La répétition avant 12 mois d’un typage viral n’a aucun intérêt.

 

 

Cependant il existe certaines situations particulières où l’expertise colposcopique pourra s’aider d’un typage ou d’un génotypage partiel et se permettra de transgresser la règle (suivi post thérapeutique d’une lésion de haut grade tout particulièrement si la colposcopie n’est pas contributive,….) mais cela reste marginal.
 

En conclusion

Le praticien se doit de toujours garder un esprit critique, et savoir exercer la médecine avec « art » ce qui peut l’amener à déroger aux recommandations les plus récentes mais de façon tout à fait exceptionnelle.

Dans la prévention du cancer du col, il peut et doit s’appuyer sur les recommandations des sociétés savantes dans l’intérêt, en priorité, de la  patiente mais aussi de la collectivité . 

 
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