Utilisation du système CRISPR/Cas9 en embryologie : correction des anomalies génétiques de zygotes humains, le projet osé de l’équipe chinoise de Tang

CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) est un motif présent dans le génome des procaryotes. Cas9 (CRISPR ASsociated gene) désigne une famille de gènes spécifiant des endonucléases bactériennes. Il s’agit d’un outil d’édition génomique programmable développé par deux femmes Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna en 2012. Le système permet de cibler une séquence d’ADN cible à l’aide d’un ARN guide. L’endonucléase Cas 9 permet de couper les deux brins d’ADN afin de supprimer ou de remplacer le fragment de molécule visé ou d’insérer une nouvelle séquence d’ADN. La molécule d’ADN modifiée est ensuite réparée par recombinaison homologue dirigée (HDR) ou par jonction d’extrémités non homologues (NHEJ) (Lieber et al., 2010, Chapman et al., 2012).

Le rythme des publications scientifiques sur le sujet a augmenté de façon exponentielle depuis le développement de CRISPR/Cas9 en 2012 : le nombre d’articles mensuels a été multiplié par 10 entre 2013 et 2016. Devant l’intérêt grandissant suscité par cette technologie, l’agence nationale de médecine a publié un rapport au sujet de CRISPR/Cas9 et des modifications du génome des cellules germinales et de l’embryon humain. Ce rapport d’avril 2016 mené sous la direction de Pierre Jouannet rappelle que la seule indication médicale acceptable ayant pour but de modifier le génome de la descendance serait d’éviter la transmission d’une pathologie génique grave à l’enfant. Concernant le système CRISPR/Cas9, l’incertitude concernant l’efficacité et l’innocuité de la méthode cantonne son utilisation au champ de la recherche pour des expériences scientifiquement et médicalement justifiées.

Les publications se multiplient également dans le domaine de l’embryologie, et, en 2015, une équipe chinoise a montré que la technique pourrait également être utilisée pour modifier le génome d’embryons humains triploïdes (Liang et al., 2015). L’objectif des travaux de l’équipe de Tang est de valider la technique pour les embryons humains triploïdes et de tester la méthode pour les embryons normaux diploïdes.

Le cytoplasme des embryons 3PN était injecté par un mélange de protéine Cas9 et d’ARN guide ciblant respectivement RAG1, G6PD et NEK1. Le ciblage obtenu par jonction d’extrémités non homologues (NHEJ) était respectivement de 60, 80 et 70%. Concernant le ciblage par recombinaison homologue dirigée (HDR) des loci G6PD et HBB, l’efficacité obtenue était respectivement de 20 et 10%.

Ils ont ensuite essayé de démontrer l’efficacité des systèmes de réparations sur des embryons diploïdes. Les embryons diploïdes utilisés étaient des embryons provenant de l’injection en ICSI d’ovocytes initialement immatures ayant maturé après avoir été introduit dans un milieu de maturation. En particulier, ils se sont penchés sur la correction de mutations causant des maladies : une mutation de G6PD et une mutation de la β-globine générant un codon stop causant une β-thalassémie. L’efficacité de recombinaison homologue dirigée obtenue était respectivement de 100 % (2 corrections sur 2 embryons portant la mutation) et de 50% (1/2).

Ces résultats encourageants devront ensuite être confirmés sur un plus grand nombre d’embryons et des améliorations concernant l’efficacité et l’innocuité de la technique devront être apportées. A l’heure actuelle, en dehors de l’unique indication évoquée ci-dessus, l’utilisation de cette technologie est cantonnée à la recherche. En fonction de l’évolution de l’état des connaissances, cette position pourra ensuite être rediscutée. Cependant, les recherches fondamentales doivent continuer car elles pourront notamment permettre de mieux comprendre les phénomènes qui régissent la gamétogenèse et le développement de l’embryon préimplantatoire.
 

Bibliographie
Chapman JR, Taylor MR, Boulton SJ (2012) Playing the end game: DNA double-strand break repair pathway choice. Mol Cell 47:497–510
Liang P, Xu Y, Zhang X, Ding C, Huang R, Zhang Z, Lv J, Xie X, Chen Y, Li Y, Sun Y, Bai Y, Songyang Z, Ma W, Zhou C, Huang J (2015) CRISPR/Cas9-mediated gene editing in human tripro nuclear zygotes. Protein Cell 6:363–372.
Lieber MR (2010) The mechanism of double-strand DNA break repair by the nonhomologous DNA end-joining pathway. Annu Rev Biochem 79:181–211

_____________________________________

Vous pourrez trouver plus d’informations sur l’auteur à l'adresse : www.laboclement.com

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.