Résultats mondiaux des naissances après transfert d’embryons évalués comme chromosomiquement anormaux (aneuploïdes) par Diagnostic Pré-implantatoire des aneuploïdies

Les centres de fertilités sont en permanence à la recherche de solution permettant d’améliorer les taux de grossesses en Assistances Médicales à la Procréation (AMP).
Une partie plus ou moins importante des embryons obtenus après Fécondation In Vitro (FIV) sont aneuploïdes, ce qui pourrait expliquer une partie des échecs de FIV. En effet, à priori, un embryon aneuploïde ne devrait pas se développer correctement et devrait entrainer soit un arrêt rapide du développement embryonnaire avec « échec d’implantation », soit une fausse couche.
Devant ce constat, les médecins de la reproduction ont pensé qu’utiliser les techniques de diagnostic pré-implantatoire pour connaître le statut chromosomique (euploïdie ou aneuploïdie) des embryons pourrait permettre de transférer principalement les embryons euploïdes, avec l’espoir d’une augmentation des taux de grossesses.

Cette technique, encore interdite en France, est réalisée dans de nombreux pays.
Mais il semble que ces tests de Diagnostic Pré-Implantatoire pour recherche d’Aneuploïdie (DPI-A) soient controversés suite à deux publications montrant des naissances vivantes euploïdes normales suite à des transferts d’embryons aneuploïdes (Gleicher N, 2015 ; Greco E, 2015).

L’équipe de l’université de Yale a souhaité faire un état des lieux de la pratique du DPI-A dans le Monde. Pour cela, une enquête avec un questionnaire a été envoyé par Internet aux centres d’AMP, afin d’une part de connaître quels sont les centres qui pratiquent cet examen et parmi eux la pratique ou non de transfert d’embryons trouvés aneuploïdes par le DPI-A et les résultats de ces transferts.
Les centres participants à l’enquête se trouvent aux Etats Unis, au Canada, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique.
Sur les 151 centres d’AMP qui ont répondu à l’enquête, 125 ont déclaré pratiquer le DPI-A ; avec une utilisation prépondérante en Europe, suivi par les Etats Unis puis par le Canada.
Les principales indications d’utilisation du DPI-A sont l’âge maternel (77% des cas), puis les échecs d’implantation répétés (70%), les fausses couches inexpliquées (65%), et pour la connaissance du sexe (25%).
Il faut noter que 90% des centres utilisent la technique de NGS (Next Generation Sequencing) sur biopsie de cellules du trophoblaste, comme cela est recommandé dans le guide de bonnes pratiques pour le DPI-A.  Cette technologie a permis de séparer trois types d’embryons concernant le statut chromosomique : les embryons « normaux » qui ont moins de 10% de cellules aneuploïdes, les embryons « aneuploïdes » qui ont plus de 80% de cellules aneuploïdes, et les embryons en mosaïque qui ont entre 10 et 80% de cellules aneuploïdes.

Sur les 125 centres ayant répondu, 25 centres (20%) annoncent réaliser des transferts d’embryons « anormaux » sans que soit précisé s’il s’agit d’embryons « aneuploïdes » ou d’embryons en mosaïque tel que défini ci-dessus. Ceci correspond à 215 transferts d’embryons « anormaux ». Sur ces 215 transferts, 106 (soit 49%) ont entraîné 50 grossesses en cours et 56 naissances vivantes d’enfants sans anomalie chromosomique. Les autres cas représentent 89 échecs d’implantation et seulement 20 fausses couches.

Les auteurs de l’article conclue que cette analyse des pratiques confirme les premières publications ayant montré des naissances vivantes suite à des transferts d’embryons étiquetés comme « aneuploïdes » par DPI-A et que cette technique ne permet pas de déterminer de manière fiable quels embryons doivent ou ne doivent pas être transférés.

Analyse de l’article
Le biais de cet article très intéressant est que c’est une analyse globale des cas, sans connaître ni les indications des couples pris en charge, ni les indications des couples qui ont eu une grossesse et une naissance vivante suite à ces transferts d’embryons « anormaux », ni quels étaient les taux de cellules aneuploïdes des embryons ayant donné ces grossesses. D’autre part, l’article parle de résultats faussement positifs, sans plus de précision, mais pouvant expliquer les résultats étonnants d’un taux de mosaïque assez élevé avec un taux de fausse couche très bas.

A un moment où il y a une révision de la Loi de Bioéthique, et où cette technique est demandée par plusieurs sociétés savantes de médecine de la reproduction, cet article doit permettre d’avoir une réflexion supplémentaire sur l’apport du DPI-A dans la prise en charge des couples infertiles. Il est fort probable qu’elle puisse être intéressante à condition qu’elle soit réservée à certaines indications à définir.

 

Références :

Worldwide live births following the transfer of chromosomally "Abnormal" embryos after PGT/A: results of a worldwide web-based survey.
Patrizio P, Shoham G, Shoham Z, Leong M, Barad DH, Gleicher N.
J Assist Reprod Genet. 2019 Aug;36(8):1599-1607

Further evidence against use of PGS in poor prognosis patients: report of normal births after transfer of embryos reported as aneuploid
Fertil Steril. 2015 ; 104 :e59

Healthy Babies after Intrauterine Transfer of Mosaic Aneuploid Blastocysts.
Greco E, Minasi MG, Fiorentino F.
N Engl J Med. 2015 Nov 19;373(21):2089-90

 
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