Qualité de l'air et FIV

La qualité de l'air dans un laboratoire de FIV est un élément clef pour contribuer à la qualité et la constance des résultats. Cependant en 2017, moins de 50 articles et de qualité variable ont été publiés sur ce sujet. Afin de déterminer, jusqu'à quel niveau d'exigence, un laboratoire de FIV doit filtrer son air, il est nécessaire au préalable de connaitre la nature et les concentrations de VOC qui peuvent être délétères pour les gamètes et les embryons. C'est un "challenge" en raison des différents types et de la concentration variée des VOC dans l'air. Etant donné que la qualité de l'air à l'intérieur du laboratoire est impactée par celle de l'extérieur (qui varie régionalement), le fait que la pollution de l'air affecte la fertilité est un argument fort pour accorder de l'importance à la filtration de l'air.

1- Aspect historique
Au cours des années 1990, une prise de conscience de l'importance de la qualité de l'air sur les résultats de la FIV a émergé et de l'effet potentiellement délétère de particules type VOC (Volatile Organic Compounds). Deux approches principales ont été développées :

  • la philosophie de la "pièce propre" portant l'attention sur la filtration des particules grâce aux filtres HEPA (High Efficiency Particulate Air Filters). C'est ainsi que certaines structures ont évolué d'un système HVAC (Heating Ventilation ans Air Conditioning) en pièce de classe 100 (= un maximum de 100 particules > 0.5µm par pied cube d'air = classe 5 ISO).
  • la philosophie de "la filtration chimique de l'air" basée sur la "capture" des VOC grâce à des filtres en phase solide (à base de charbon actif ou de permanganate de potassium). A partir des premiers rapports anecdotiques sur le sujet, un premier système de filtration d'air portable a vu le jour en 1999. Les gaz médicaux, les incubateurs et les conditionnements plastiques ont été initialement identifiés comme sources potentielles de VOC dans le laboratoire et des filtres de type Coda® ont été développés. Des rapports initiaux ont relevé des résultats prometteurs avec l'usage de ces filtres (amélioration du taux de grossesse et chute du taux de fausses couches) mais non confirmés par d'autres équipes. Ainsi à la fin des années 2000, deux études ont montré que l'introduction d'une filtration HEPA ou HEPA+VOC ne permettait pas de d'objectiver une amélioration des résultats en FIV, limitant ainsi la diffusion de ces systèmes. Il est à noter, cependant, la disparité d'usage de ces systèmes en fonction des territoires à cette période ( estimation à un centre sur 10 en Europe vs au moins 70% des centres les plus performants aux USA).

2- Qualité de l'air au sein du laboratoire de FIV
Des études plus récentes (menées entre 2007 et 2015) ont comparé certains paramètres cliniques avant et après changement du système de qualité d'air au sein du laboratoire de FIV. De manière générale, la mise en place d'une filtration particulaire associée à une filtration chimique est associée à une amélioration du taux de fécondation, du taux de clivage, du taux de blastocyste, du taux de grossesse clinique, du taux d'implantation et du taux de naissance.

2-1- Filtration particulaire
Cette filtration particulaire est souvent associée aux "pièces propres" du fait de spécifications bien établies dans des secteurs spécifiques comme celui de l'industrie des semi-conducteurs. Cette spécification est basée sur un certain nombre de facteurs comme la classe du filtre HEPA, les volumes de renouvellement d'air par heure, la pression relative avec les pièces voisines. Des standards internationaux existent (classe ISO), définis par des comptages particulaires et des recherches microbiologiques. Les recommandations spécifiques pour les laboratoires de FIV dépendent des pays. Au regard de la littérature essayant de faire le lien entre filtration particulaire et résultats clinques en FIV, l'absence d'établissement d'une association forte entre ces deux points peut être liée à la nature même de la FIV (durée de culture relativement courte, culture sous huile minérale, présence d'antibiotiques dans les milieux de culture).

2-2- Filtration chimique et rôle(s) des VOC
A la différence de la filtration particulaire évoquée ci-dessus, la filtration chimique de l'air est loin d'être standardisée. Les niveaux et la forme du charbon activé et des milieux d'oxydation (KMnO4) varient considérablement en fonction des différents types de filtres (filtres imprégnés de charbon seul, filtres combinant charbon et KMnO4 et plus récemment oxydation photocatalytique par UV avec ou sans filtre charbon associé. Si toutes les études publiées ont observé une amélioration des résultats biologiques et/ou cliniques en FIV, leur caractère rétrospectif laisse suspecter un biais lié à des variations de populations et/ou de pratiques pouvant expliquer à elles seules les différences observées sur des périodes parfois étendues (> 10 ans). Seule exception possible à cette règle, une étude récente (2015) dans la quelle il a été rapporté que le retrait inopiné de filtres charbon dans un laboratoire de FIV s'est traduit par une période de perturbation du développement embryonnaire (moins de 90% de clivage des zygotes en embryons à 2 cellules) par comparaison avec la période précédent le retrait des filtres et la période suivant la remise en fonction de ceux-ci.

2-3- Unités de filtration portables
Un autre développement des premières études portant sur la qualité de l'air, à la fin des années 90 a été l'introduction d'unités de filtration VOC portables par le Dr Cohen. Cette option était basée sur l'hypothèse qu'il était peut être possible de surmonter un environnement d'air de qualité insuffisante avec une solution dite portable moins couteuse (avec filtre charbon ou oxydation photocatalytique). Certains auteurs ont observé un bénéfice limité après addition de telles unités portables dans un environnement qui ne contenant pas de filtration VOC. D'autres auteurs ont observé une diminution de quelque VOC (ex benzène) avec amélioration de la fécondation et du taux de clivage sans impact toutefois sur le taux d'implantation.

3- Qualité de l'air au sein des incubateurs de FIV
Au-delà de la qualité de l'air au sein du laboratoire, la qualité des gaz médicaux qui alimentent les incubateurs est aussi primordiale. Ainsi si la pharmacopée américaine a établi des limites pour certains contaminants chimiques des gaz médicaux, les seuils sont probablement trop élevés pour un embryon dépourvu des systèmes de défense d'un organisme adulte humain. Chez la souris, il a été mis en évidence expérimentalement que l'acroléine (polluant commun de l'air) ajoutée à la concentration de 2.1 parts par million (ppm) provoque un blocage de développement au stade 8 cellules et que le taux de naissance vivante est réduit dès la concentration de 0.58 ppm. D'autres auteurs ont observé que l'acroléine à la concentration de 0.5 ppm pendant 24 heures au stade zygote inhibait la poursuite du développement chez la souris. Cet effet était toutefois dépendant de la concentration d'albumine présente dans le milieu (effet décroissant lorsque la concentration en albumine augmente).

4- Conclusion
S'il est évident que la qualité de l'air impacte les résultats en FIV, des études contrôlées sur la qualité de l'air manquent encore. Les offres industrielles restent encore limitées, couteuses et sans pertinence scientifiquement rigoureusement établie. 

 
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