Quel embryon choisir pour le transfert ?

Analyse d’article.

Transfer of blastocysts with deviant morphological and morphokinetic parameters at early stages of in-vitro development : a case series.
Reproductive BioMédecine Online In Press.
Astrid Stecher, Pierre Vanderzwalmen, Martin Zintz, Barbera Wirleitner, Maximilian Schuff, Dietmar Spitzer, Nicolas H. Zech.

En Assistance Médicale à la Procréation, le biologiste de la reproduction a un rôle important dans le choix de l’embryon à transférer pour avoir les meilleures chances d’implantation, et de grossesse évolutive ; ceci si possible en privilégiant le transfert d’un embryon unique (Single Embro Transfer) afin de limiter au maximum le risque de grossesse multiple.

Dans ce contexte, les biologistes ont essayé de mettre en place des critères morphologiques de choix à partir de l’ovocyte jusqu’au blastocyste.

Cet article des membres d’une équipe autrichienne (Centre de Fécondation In Vitro de Bregenz en Autriche) et d’une équipe belge (Centre Hospitalier Inter régional Edith Cavell à Bruxelles) reprend ces différents critères morphologiques que ce soit des critères « statiques » ou « cinétiques ».

Depuis les débuts de la fécondation in vitro, les biologistes se sont principalement basés sur des critères morphologiques statiques des ovocytes, des zygotes, des embryons (à J2 et à J3) ou des blastocystes, dans le choix des embryons à transférer ou à congeler.


Embryon à J3

Concernant l’ovocyte, des critères dysmorphiques ont été retenus comme étant de mauvais pronostic pour une implantation embryonnaire : cytoplasme très granuleux, vacuolisation importante du cytoplasme, présence d’une quantité importante de réticulum endoplasmique (SER) autour du noyau, anomalie de la zone pellucide et du globule polaire (Figueira et al, 2010). Ces anomalies sont décrites comme délétères pour le développement embryonnaire (Rienzi et al, 2008, 2011). Ceci étant, tous les auteurs ne retrouvent pas de corrélation entre certaines de ces anomalies ovocytaires et le taux de fécondation ou la morphologie du zygote (Fancsovtis et al, 2012).


Zygote à 2PN

Les critères morphologiques du zygote sont également utilisés par certaines équipes, notamment la structure et la position des pronuclei de chaque noyau et pour cela des scores ont même été mis en place, afin d’utiliser ce critère comme choix du futur embryon à transférer (Scott et al, 2000). Ainsi plusieurs études ont montré une corrélation entre ces scores du zygote et un développement embryonnaire jusqu’au stade blastocyste (Rienzi et al, 2003) voir même avec le taux de grossesse (Wittemer et al, 2000).

D’autres critères concernant l’embryon ont été décrits par certains comme ayant un mauvais pronostic sur le développement embryonnaire : un clivage irrégulier (Scott et al, 2007), une multinucléation (Hardarson et al, 2001) sont décrits comme associés à une aneuploïdie de l’embryon, alors que d’autres équipes ne retrouvent pas cette association (Staessen et Van Steirteghem, 1998 ; Van Royen et al, 2003).

Concernant l’embryon J2-J3, les critères utilisés par les équipes sont le nombre de cellules, la régularité de celle ci et le pourcentage de fragments présents dans l’embryon (Alikani et al, 1999). Le TOP embryon étant défini comme présentant 4 cellules à J2 ou 6-8 cellules à J3, des cellules régulières et moins de 10% de fragments. Ceci étant cet article nous rappelle que ces critères sont très suggestifs, notamment le taux de fragmentation qui peuvent varier dans le temps (Lemmen et al, 2008).


Spermatozoïde

Une nouvelle technologie (« Time Laps ») nous permet aujourd’hui d’avoir une approche cinétique de la morphologie embryonnaire. Cette méthode basée sur une lecture de la morphologie à des temps très rapprochés (toutes les 10 à 20 minutes) remet en cause les critères morphologiques « statiques » utilisés jusqu’à maintenant, et montre le coté suggestifs de ceux ci, notamment en ce qui concerne la notion de fragmentation de l’embryon puisque celui ci a la capacité de les résorber. Ces nombreuses lectures permettent d’avoir un nombre très important de données (Kirkegaard et al, 2012) que plusieurs équipes ont essayé d’utiliser à travers des scores (Meseguer et al, 2011 ; Rubio et al, 2012). Certaines équipes allant même jusqu’à proposer des critères permettant de distinguer les embryons euploïdes des aneuploïdes (Campbell et al, 2013).

Les auteurs de cet article ont repris plusieurs cas de couples infertiles pour lesquels ont été réalisées des IMSI. Ils ont récupérés les données des analyses morphologiques statiques (analyses réalisées en double par deux opérateurs) et cinétiques (Time Laps). Les cultures embryonnaires pour ces tentatives allaient jusqu’au stade blastocyste et les blastocystes étaient analysés selon la classification de Gardner (Gardner et al, 2000). Pour neuf cas décrits dans l’article, où les critères de morphologie embryonnaire précoce statique et/ou cinétique étaient défavorables, ils ont obtenu des blastocystes (ayant des critères morphologiques variables selon la classification de Gardner) et des grossesses évolutives.


Blastrocyste

Ces résultats confirment le caractère subjectif des critères morphologiques statiques, mais également des critères cinétiques obtenus grâce à la technologie « Time Laps ».

Les auteurs posent la question de la pertinence des critères retenus comme favorables ou défavorables dans la cinétique de développement embryonnaire.

Il est certain que ces embryons ont un potentiel d’implantation plus faible, mais ils ne doivent pas être systématiquement écartés au stade précoce, dans la mesure où les chances de grossesses évolutives ne sont pas nulles. Les auteurs rappellent que le critère de développement de l’embryon jusqu’au stade blastocyste permet d’avoir un meilleur regard sur son développement (notamment parce qu’il y a passage du stade d’activation du génome embryonnaire), mais aussi que l’implantation embryonnaire est plus efficace à ce stade grâce à une meilleure synchronisation avec la muqueuse utérine (Papanikolaou, 2008).

Ainsi de nombreux auteurs donnent plus d’intérêts pronostic au fait d’obtenir un blastocyste qu’aux critères morphologiques de l’embryon précoce (Shaw-Jackson et al, 2013).

 

Commentaires.

Cet article permet une réflexion sur plusieurs points :

  • une nouvelle technique d’observation des embryons comme le Time laps permet d’obtenir de nouveaux et nombreux critères de qualité de l’embryon, mais ceux ci restent subjectifs et doivent continuer à être évalués afin d’être affinés comme le font plusieurs équipes (Lammers J et al, 2014)
  • dans le respect du décret n° 2012-360 du 14 mars 2012, une nouvelle technique  (ou nouveau procédé) d’AMP doit faire la preuve de son efficacité avant d’être proposée en routine. Cette démarche sera également nécessaire pour un dépôt de dossier à la Haute Autorité de Santé pour une demande de mise à la nomenclature des actes de biologie médicale.
  • la culture prolongée au stade blastocyste garde certaines indications parmi les choix techniques à notre disposition dans un centre d’AMP, et ceci, même en cas d’utilisation du Time Laps.
  • la sélection des embryons à congeler au stade J2-J3 actuellement encore très subjective (y compris avec l’utilisation de marqueurs cinétiques de qualité du développement embryonnaire précoce), et la mise en culture prolongé d’embryons surnuméraires qui n’auraient pas été congelés à J2 ou J3, permet d’obtenir dans certains cas des blastocystes qui pourront être cryoconservés, avec de meilleurs résultats grâce à la vitrification et des chances de grossesse évolutives.

Ce dernier élément est renforcé par le fait que grâce à la technique de vitrification, des blastocystes de moins bonne qualité résistent mieux à la technique de cryoconservation (Wirleitner et al, 2013).

Références.

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Lammers J, Splingart C, Barrière P, Fréour T (2014)

Morphokinetic parameters of ICSI tripronucleated embryos observed using time lapse.

Reprod Biomed Online, In Press.

 
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