Etat de santé des enfants nés après Assistance Médicale à la Procréation

Reproductive Technologies and the Risk of Birth Defects.
Michael J. Davies, Vivienne M. More, Kristyn J. Willson et col.
N Engl J Med. 2012 ; 366 : 1803-13

Depuis les premières naissances faisant suite à des Assistances Médicales à la Procréation, plusieurs millions d’enfants sont aujourd’hui nés dans le Monde grâce à ces techniques.  Les professionnels de l’AMP suivent l’état de santé de ces enfants à la naissance, et pour certaines équipes au cours des premières années de leurs vies afin de savoir si il y a des répercussions sur leurs santés.

Une étude réalisée par une équipe belge (Bonduelle M et col, 2005) sur une population de 540 enfants nés après ICSI et 437 enfants nés après FIV, versus 538 enfants nés suite à des grossesses spontanées montrait une augmentation significative des anomalies sévères chez les enfants nés après FIV et encore plus pour les enfants nés après ICSI. Cette étude ne précisait pas si cette augmentation d’anomalies pouvait être attribuée aux techniques d’AMP et/ou aux caractéristiques de la population des couples infertiles.

Une étude récente faite par une équipe australienne (Davies M.J. et col, 2012) s’est intéressée à une population plus importante d’enfants, afin d’évaluer le risque de malformations avant l’âge de 5 ans chez les enfants nés d’AMP sans FIV et nés d’AMP avec FIV ou ICSI par rapport à une population d’enfants nés de grossesses spontanées dans une population de femmes fertiles et de femmes subfertiles. Les anomalies étaient répertoriées en fonction de la classification BPA (British Paediatric Association) et de la classification internationale (International Classification of Diseases-9) incluant les anomalies morphologiques, neurologiques, biochimiques, génétiques et cytogénétiques.

Les données ont été analysées à partir d’une population de 302811 grossesses spontanées versus 6163 grossesses obtenues après AMP.

Concernant l’analyse de ces populations, les femmes ayant accouchées après techniques d’AMP étaient plus âgées (p<0,001), présentaient la probabilité d’habiter dans une région plus défavorisée (p<0,001), d’être nullipare (p<0,001), d’avoir accouché prématurément (p<0,001), par césarienne (p<0,001). Il y a également plus de faible poids de naissance (p<0,001) et d’enfants mort nés (p<0,001) dans cette population.

Les auteurs précisent que l’âge du père n’a pas été pris en compte dans cette étude.

Un risque augmenté d’anomalies pour les enfants nés d’AMP.

L’étude australienne montre une augmentation significative de malformations (anomalies multiples, infirmité motrice cérébrales, uro-génitales, cardiovasculaires …) pour les enfants nés après AMP (8,3% d’anomalies) par rapport au groupe d’enfants nés après grossesses spontanées (5,8%) ce qui représente un Odds ratio de 1,28 (intervalle de confiance à 95% : 1,16-1,46).

Un risque différent en fonction du type d’AMP.

Cette étude montre également que le risque semble être différent en fonction du type de technique d’AMP qui est réalisée. En effet, l’augmentation de risque est moins importante pour les enfants nés après FIV sans micro-injection (7,2% d’anomalies) par rapport aux enfants nés après ICSI (9,9% d’anomalies) ce qui fait un Odds ratio de 0,68 en faveur de la FIV. Cette différence peut être liée soit à la technique elle même, soit aux caractéristiques des couples à qui la technique d’ICSI est proposée.

Il n’y a pas de modification du risque lorsque l’on compare des enfants nés après transfert d’embryons « frais » par rapport aux enfants nés après transfert d’embryons congelés, que ce soit en FIV ou en ICSI.

Cette étude montre également une augmentation du risque d’anomalie chez l’enfant après insémination intra utérine, mais pas en cas d’induction simple de l’ovulation.

Une différence de risque d’anomalie pour les singletons et les jumeaux ?

L’équipe australienne montre que l’association entre l’AMP et une augmentation d’anomalies est significative pour les singletons mais pas pour les enfants nés de grossesses multiples ; ceci par rapport à une population d’enfants singletons ou jumeaux nés de grossesses spontanées. Pour les auteurs, ceci pourrait s’expliquer en partie par le fait que les grossesses multiples en AMP sont plus souvent dizygotiques, en raison du transfert fréquent de plus d’un embryon, que dans les grossesses multiples spontanées. Or les grossesses multiples monozygtiques ont un risque d’anomalies chez l’enfant supérieur aux grossesses dizygotiques.

Une différence de risque en fonction de la population ?

Afin d’essayer de répondre à cette question, l’équipe australienne a également comparé les taux d’anomalies des enfants nés de couples subfertiles ayant ou non eu recours aux techniques d’AMP.

Le risque d’avoir un enfant atteint de malformation après une grossesse spontanée est plus élevé, mais de manière non significative, chez les femmes présentant un antécédent d’infertilité et n’ayant pas eu recours à l’AMP (Odds ratio de 1,29) et chez les femmes ayant obtenus précédemment un enfant grâce à une technique d’AMP (Odds ratio de 1,25) par rapport aux enfants nés d’une population de femmes fertiles.

Les antécédents d’infertilité des couples semblent donc jouer un rôle dans cette augmentation d’anomalies comme cela est déjà évoqué dans le registre danois.

En conclusion, cette étude confirme, sur une population importante, l’augmentation de risque de malformations pour les enfants nés après Assistance Médicale à la Procréation en FIV et surtout en ICSI, mais sans en préciser réellement les causes.  Elle doit permettre aux professionnels de l’AMP de mieux informer les couples infertiles, en toute transparence, sur les risques pour l’enfant à naître lorsqu’on leurs propose une prise en charge médicale avec une technique d’AMP. Cette étude doit également nous inciter à faire un suivi des enfants nés d’AMP dans les centres français en collaboration avec l’Agence de la Biomédecine. Ce suivi doit se faire à la fois grâce aux déclarations d’AMP vigilance, mais également par l’envoi des fiches tentatives à l’ABM ce qui permettra peut être de connaître les causes de ces augmentations d’anomalies. Ceci peut être également réalisé par des études ciblées à l’initiative de certains centres avec un suivi des enfants jusqu’à des âges plus avancés, comme vient de le publier une équipe belge qui s’est intéressée au développement pubertaire chez les enfants nés d’ICSI (Belva F et col, 2012).

Références.

Michael J. Davies, Vivienne M. More, Kristyn J. Willson, Philippa Van Essen, Kevin Priest, Heather Scott, Eric A. Haan and Annabelle Chan..

Reproductive Technologies and the Risk of Birth Defects.

N Engl J Med. 2012 ; 366 : 1803-13

M. Bonduelle, U-B. Wennerholm, A. Loft, B.C. Tarlatzis, C. Peters, S. Henriet, C. Mau, A. Victorin-Cedequist ; A. Van Steirteghem, A. Balaska, J.R. Embeson and A.G. Sutcliffe.

A multi-centre cohort study of the physical health of 5-year-old children conceived after intracytoplasmic sperm injection, in vitro fertilization and natural conception.

Hum Reprod. 2005 ; 20 ; 413-419.

JL. Zhu, O. Basso, C. Obel, C. Bille, J. Olsen.

Infertility, infertility treatment and congenitals malformations : Danish national birth cohort.

BMJ. 2006 ; 333-679.

F. Belva, M. Roelants, R. PAinter, M. Bonduelle, P. Devroey and J. De Schepper.

Pubertal development in ICSI children.

Hum Reprod. 2012 ; 27 ; 1156-1161

 
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