L’avenir de la cancérologie reposera aussi sur une meilleure utilisation des données de santé

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Parmi les évolutions susceptibles d’influencer les progrès en cancérologie, l’utilisation de données massives (Big Data) de santé sera certainement à l’origine de progrès majeurs.

Ces données massives exploitées par l’intermédiaire de l’intelligence artificielle et en particulier de l’apprentissage profond (Deep-learning) permettront d’effectuer des progrès spectaculaires en terme de recherche, car l’intelligence artificielle est capable d’aller mettre en évidence des résultats non soupçonnés initialement et ayant un impact thérapeutique majeur.

Citons à titre d’exemple le cas de la mise en évidence récente de l’action de certains hypocholestérolémiants sur le risque de cancer du sein alors que cette hypothèse n’était pas testée initialement.

Si l’on connaissait déjà l’importance des données de la génomique pour personnaliser les diagnostics et les traitements du cancer, dans ce qu’il est convenu d’appeler la médecine de précision, de nombreux autres progrès vont surgir au fur et à mesure de l’exploitation et surtout du croisement des données disponibles en santé (DS).

Il est clair que ces données amélioreront et optimiseront la qualité des soins, qu’elles nous permettront de développer nos connaissances dans le cadre de la recherche opérationnelle et translationnelle. Elles sont bien entendues également un facteur essentiel d’amélioration de l’économie de la santé. Elles vont permettre de dépister et de mettre en évidence des gâchis d’examen complémentaire (dans le cadre du diagnostic ou de la surveillance) source de dépenses totalement inutiles. Tout cela est à mettre en perceptive avec le fait que les dépenses de santé, rappelons-le, représentent environ 11% du PIB.

Jusqu’à présent, si l’on compare les différents pays européens, pour le ratio degrés de préparation de nos systèmes à l’utilisation des données de santé rapporté aux structures de gouvernance ; la France était et jusqu’à ces derniers temps, dans le peloton de queue. Il en va de même du classement open data index pour lequel la France est passée, ces dernières années, de la 3ème à la 10ème place. Ce critère qui témoigne de l‘ouverture des données publiques dans 184 pays est essentiel pour caractériser une démocratie sanitaire.

Rappelons que le dossier médical personnalisé (DMP), qui devrait depuis plusieurs années être un formidable instrument d’utilisation et d’harmonisation des données de santé, tout en améliorant la qualité des parcours de soins, est totalement sous-utilisé concernant quelques centaines de mille de patients alors qu’il devrait en concerner plusieurs dizaines de million. Cet échec est à rapporter à une certaine résistance des professionnels, parfois des patients eux-mêmes et surtout à l’habitude sacro-sainte du dossier papier et des notes personnelles.

Rappelons que désormais ce dossier peut être ouvert par le patient lui-même et que cette implication des patients sera probablement un facteur de réussite. Il faut en tout cas le souhaiter.

Tout cela a conduit, récemment, nos gouvernants à agir et nous verrons cela plus loin.

 

Faudra-t-il convaincre le corps médical ?

Vraisemblablement non, car il est prêt à s’impliquer au même titre que l’ensemble des acteurs de santé dans les moyens les plus modernes de Big Data, d’intelligence artificielle, de robotique, d’application, de connectique, etc …

Les médecins veulent garder la dimension du dialogue singulier pour gérer auprès des usagers et des futurs patients les résultats, les préconisations de l’intelligence artificielle et ce dans un contexte de confidentialité préservée.

Les médecins sont prêts à utiliser les données recueillies sur les patients eux-mêmes (Self Quantified). Concernant les dispositifs connectés, aujourd’hui la grande crainte concerne la qualité des données recueillies, leurs fiabilités, leurs reproductibilités et surtout la pertinence des applications qui très souvent n’ont pas été testées et validées par une institution de certification.

Il faudra donc demain préparer les futurs médecins et les médecins déjà diplômés à utiliser, (pour l’aide au diagnostic, l’aide à la stratégie thérapeutique et l’aide au coaching des patients) les données de la e-médecine. Les médecins sont même conscients que certaines disciplines vont évoluer radicalement et pour cela, il suffit de voir les résultats spectaculaires obtenus dès lors qu’il s’agit d’analyse d’images avec des systèmes qui sont en train de se développer comme le système Watson.

Il suffira simplement que les médecins fassent évoluer encore plus leur métier vers les relations humaines et la gestion des technologies, voir demain devenir demain des « risques managers » :

  • Risque de voir survenir la maladie, risque de la voir évoluer, risque de la voir se compliquer, voire risque d’une issue fatale de la maladie.

Il était donc nécessaire que la gestion de ces données de santé répondent à une gouvernance nationale et que cette gouvernance offre toutes les garanties concernant le respect de la vie privée, le respect des données, le respect de la déontologie et de l’éthique médicale et qu’elle permette toutefois d’utiliser largement ces données de santé dans le cadre de la recherche et de la formation.

C’est l’objectif qui a été poursuivi et qui vient d’aboutir à la mise en œuvre du système national des données de santé (SNDS) avec un nouveau cadre d’accès aux données de santé. Tous ces éléments sont consultables sur le site du Ministère des Affaires Sociale et de la Santé, mais pour résumer, nous disons que le système national de santé qui va être mis en place en France, est unique en Europe, voire au monde et constituera une avancée considérable pour analyser et améliorer la santé de la population.

Il sera géré par la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) et permettra de relier :

  • les données de l’assurance maladie (base SNIIRAM)
  • les données des hôpitaux (base PMSI)
  • les causes médicales de décès (base de l’INSERM)
  • les données relatives aux handicaps (CNSA)
  • un échantillon de données en provenance des organismes complémentaires.

Ces données seront progressivement disponibles entre Avril 2017 et 2019.

Surtout ces données pourront être utilisées par des structures publiques d’enseignement et de recherche, mais également, pour certaines d’entre elles, des structures publiques ou privées à but lucratif ou non-lucratif. « Le gendarme » de la gestion de ces données sera l’Institut National des Données de Santé et la CNIL avec un comité d’expertise chargée d’examiner les demandes (CEREES).

Il y aura même des procédures simplifiées pour accéder aux données pour certains types de demandes.

Enfin toutes les mesures seront prises pour garantir la sécurité et l’intégrité des données mise à disposition des utilisateurs, car les données constituant le système SNDS seront pseudonymisées, afin de préserver la vie privée des personnes. Aucun nom, prénom adresse ou numéro de sécurité sociale ne figurera dans le SNDS.

En conclusion, c’est à une véritable révolution numérique qu’on espère assister dans les prochains mois et prochaines années, cela permettra à la France de retrouver une place de choix dans la recherche, et surtout de ne pas l’abandonner à des pays qui seraient seuls capables de traiter nos données.

 
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