Risque de cancer du sein en cas d’hyperprolactinémie ?

La prolactine, sécrétée par l’hypophyse, est une hormone essentielle au développement de la glande mammaire et à la lactogénèse par le biais de récepteurs spécifiques. Chez les rongeurs et dans des modèles humains de culture cellulaire, la prolactine contribue à l’initiation, la progression et l’invasion du cancer du sein.

Certaines données épidémiologiques suggèrent que de forts taux de prolactine chez la femme pourraient être liés à une augmentation de cancer du sein avec une association particulière pour les cancers ER+ après la ménopause.

Une équipe danoise vient de publier un beau papier visant à éclaircir la relation entre hyperprolactinémie et cancer du sein (1). Pour ce faire, elle a tout d’abord conduit une étude de cohorte dans la population danoise puis poolé leurs résultats à ceux d’études antérieures après recherche bibliographique.

Ainsi, grâce aux registres de santé tenus dans leur pays, les auteurs ont pu croiser les données afin d’évaluer le risque de cancer du sein dans la population de femmes avec hyperprolactinémie entre 1994 et 2010. Du fait de la faible incidence du cancer du sein chez ces femmes jeunes, les auteurs ont ensuite réalisé une méta-analyse en poolant les résultats obtenus avec ceux des 2 autres études de cohorte.

Dans la première partie de leur article, l’évaluation du risque de cancer du sein chez 2130 femmes présentant une hyperprolactinémie montre un taux similaire à celui de la population générale : RR=0,99 (IC à 95% 0,60-1,52). 20 cas de cancer du sein sont survenus durant la période d’observation, dont 16 chez des femmes âgées de 30 à 49 ans. Le risque absolu de cancer du sein à 5 ans dans la cohorte était de 0,34 (IC à 95% 0,68-1,15).

Dans la seconde partie de l’article, ces résultats ont été poolé à ceux de 2 autres études de cohortes comprenant suffisamment de cas de cancers du sein lors du suivi de femmes présentant une hyperprolactinémie. Il s’agissait d’une étude hollandaise comprenant 1342 patientes traitées par agonistes dopaminergiques pour hyperprolactinémie et d’une étude suédoise suivant 668 femmes hyperprolactinémiques. Le risque de cancer du sein retrouvé y était proche de 1 avec respectivement 1,07 (IC à 95% 0,5-2,03) et 1,09 (IC à 95% 0,60-1,99). La réunion des 3 études permettait de calculer un  risque global de cancer du sein en cas d’hyperprolactinémie : il n’y apparaissait pas de sur-risque de cancer du sein : 1,04 (IC à 95% 0,75-1,43).

Ces données sont cependant discordantes avec des données in vitro et avec une large étude prospective, la Nurses’Health Study. En effet, la prolactine a un effet mitogène dans des cultures de cellules du sein ; de plus, elle inhibe l’apoptose et favorise l’angiogénèse dans des lignées de cellules cancéreuses mammaires ainsi que le développement de métastases dans des modèles animaux. Dans l’étude des Nurses, il existe une association entre les taux de prolactine et le risque de cancer du sein à la fois avant la ménopause (RR=1,5 IC à 95% 1,0-2,5) et après la ménopause (RR=1,3 IC à 95% 1,0-1,8).

Les auteurs proposent plusieurs explications à cette discordance : - une hyperprolactinémie prolongée favorise un hypogonadisme or la diminution des taux d’estrogènes réduit le risque de cancer du sein, - si l’hyperprolactinémie est traitée efficacement, le risque potentiellement associé redeviendrait identique à celui de la population des femmes sans hyperprolactinémie, - les femmes présentant une hyperprolactinémie auraient moins de grossesses ou des grossesses retardées et plus souvent recours à une contraception estroprogestative : autant de facteurs de risque possibles de cancer du sein.

Dans cet article, il n’existe donc pas de risque accru de cancer du sein en cas d’hyperprolactinémie ni au sein de la cohorte danoise ni dans la méta-analyse réalisée à la suite. Cependant, le faible incidence de ces pathologies, l’hétérogénéité des populations étudiées, les résultats d’études antérieures et les données biologiques rendent l’interprétation de ce résultat délicate et ne permettent pas de conclure de façon formelle sur l’association hyperprolactinémie-cancer du sein.

 

Dekkers OM, Ehrenstein V, Bengtsen M et al. Breast cancer risk in hyperprolactinemia: a population-based cohort study and meta-analysis of the literature. European J of Endocrinology 2015;173:296-273.

 
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