Risque d’adénome hypophysaire et utilisation d’estrogènes à visée contraceptive ou substitutive ?

La prévalence des adénomes hypophysaires est estimée à 20 % sur des séries radiologiques et autopsiques. Les principaux symptômes sont liés à une l’hypersécrétion hormonale pour les adénomes sécrétants. Leur découverte est souvent plus tardive en cas d’adénomes non sécrétants. Des céphalées, troubles visuels ou manifestations liées à un hypopituitarisme peuvent amener au diagnostic. Chez les femmes jeunes, le bilan devant une aménorrhée ou une infertilité y conduit plus rapidement.

Les estrogènes stimulent les cellules hypophysaires, notamment lactotropes. Il est donc légitime de se poser la question d’un lien potentiel entre la contraception estroprogestative (COP) ou le traitement hormonal de la ménopause (THM) et la survenue d’un adénome hypophysaire. Le rôle de la COP est particulier car elle peut, à tort, être prescrite devant une irrégularité menstruelle voire une aménorrhée masquant une possible pathologie hypophysaire.

Aucune étude épidémiologique prospective n’avait jusqu’à présent étudié la relation entre la prise d’estrogènes exogènes et la découverte d’une pathologie hypophysaire. Une équipe de Boston a évalué de façon prospective cette association à partir des données des cohortes des Nurses’ Health Study et Nurses’ Health Study II, déterminant un hasard ratio ajusté (MVHR). Simultanément, une autre étude, cas-contrôles, a permis de calculer le risque d’avoir un adénome hypophysaire lors de l’utilisation de COP ou THM par l’intermédiaire d’odds ratios ajustés (MVOR).

Dans les 2 cohortes analysées, comportant 6 668 019 personnes/années, 331 femmes avaient rapporté un diagnostic d’adénome hypophysaire :

  • la COP ne semblait pas augmenter le risque d’adénome hypophysaire ni chez celles l’ayant antérieurement utilisée (MVHR=1.05 ; IC à 95%, 0.80-1.36) ni chez les utilisatrices actuelles (MVHR=0.72 ; IC à 95%, 0.40-1.32) comparativement aux femmes n’ayant jamais eu recours à une COP
  • le THM, à l’inverse, apparaissait associé au risque d’adénome hypophysaire aussi bien chez celles l’ayant antérieurement utilisé (MVHR=2.00 ; IC à 95%, 1.50-2.68) que chez les utilisatrices actuelles (MVHR=1.80 ; IC à 95%, 1.27-2.55) comparativement aux femmes n’ayant jamais eu recours à un THM
  • pour les utilisatrices actuelles de THM, un effet durée semblait apparaitre pour des durées supérieures à 5 ans (MVHR=2.06 ; IC à 95%, 1.42-2.99, P=.002) comparativement aux femmes n’ayant jamais eu recours à un THM

Dans l’autre étude, où 5 469 cas avaient été inclus, en comparaison des femmes n’ayant jamais eu recours à des estrogènes exogènes :

  • le risque d’adénome hypophysaire était augmenté lors de l’utilisation d’un THM (MVOR=1.57 ; IC à 95%, 1.35-1.83)
  • le risque d’adénome hypophysaire apparaissait aussi plus élevé lors de l’utilisation d’une COP (MVOR=1.27 ; IC à 95%, 1.14-1.42)

Le THM, en particulier pour des durées supérieures à 5 ans, est donc associé dans les 2 études à une augmentation de 1,6 à 2 du risque de pathologie adénomateuse hypophysaire. Ce risque ne semble pas modifié par l’utilisation antérieure d’une COP. L’incidence des prolactinomes décroit habituellement après la ménopause du fait de l’arrêt de stimulation des cellules lactotropes par les estrogènes. La mise en place d’un THM pourrait favoriser la croissance de telles lésions quiescentes.

Le risque d’adénome hypophysaire en lien avec l’utilisation de la COP n’apparait que dans l’étude cas-contrôles. La moindre influence de la COP est plus difficile à comprendre d’autant qu’elle utilise habituellement des doses supérieures d’estrogènes comparativement aux THM. Une exposition cumulative dans la durée pourrait en partie en rendre compte de ces constatations.

Le type d’adénome, sécrétant (prolactinome ou autre) ou non sécrétant, n’est pas précisé dans ces études. Une différence pourrait exister en cas de prolactinome du fait de la stimulation estrogénique des cellules lactotropes. Par ailleurs, l’existence d’un adénome hypophysaire connu ne contre-indique pas l’utilisation d’estrogènes exogènes (COP ou THM) s’il s’agit d’un microprolactinome (<10mm) moyennant une surveillance régulière. En revanche, ils doivent être évités en cas de macroprolactinome (>10mm).

 

Référence

 Cote DJ, Kilgallon JL, Nawabi NLA, Dawood HY, Smith TR et al. Oral contraceptive and menopausal hormone therapy use and risk of pituitary adenoma : cohort and case-control analyses. J Clin Endocrinol Metab 2022, 107 :e1402-e1412

 
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