Pas d’estroprogestatif en cas de migraine avec aura !

Une très belle mise au point sur le risque vasculaire encouru par les patients migraineux vient d’être publiée dans une célèbre revue scientifique de neurologie (1). D’importantes conclusions concernent particulièrement la prise en charge de la contraception des femmes atteintes de migraine avec aura (MA). Ainsi, il nous est apparu important d’en résumer les principaux éléments.

L’association entre migraine (M) et AVC est complexe mais les migraines avec aura en représentent un facteur de risque prouvé. Si la prévalence de la migraine dans la population est d’environ 18,5%, celle de la MA n’est que de 4,4%.

Trois grandes méta-analyses révèlent un risque relatif d’AVC ischémique plus que doublé en cas de MA comparativement aux sujets non migraineux (2-4). La migraine simple, quant à elle, ne constitue pas un facteur de risque d’AVC dans ces analyses. De plus, leurs auteurs considèrent qu’il existe des facteurs de risque vasculaire non modifiables comme l’âge et le sexe et des facteurs modifiables comme la fréquence des attaques migraineuses, la contraception orale et le tabagisme. Ainsi, l’utilisation d’une contraception estroprogestative augmente significativement le risque d’AVC ischémique (RR entre 7,02 et 8,72 selon la méta-analyse), le tabagisme également avec un risque relatif estimé à 9,03 (IC à 95% 4,22-19,34) et l’association des 2 accroit encore ce risque avec un RR= 10 ,0 (IC à 95% 1,4-73,7).

Le mécanisme conduisant aux MA est complexe et non totalement élucidé ; cependant, il semblerait que ce type de migraine soit en relation avec un phénomène physiopathologique associant troubles de la dépolarisation du cortex cérébral et anomalies du flux vasculaire avec une phase de faible vascularisation. Certaines perturbations correspondent à celles participant aux AVC ischémiques. Cette physiopathologie complexe reposerait sur de multiples facteurs comme une hyperactivité plaquettaire, des modifications des facteurs de la coagulation, des altérations de la fonction endothéliale et des phénomènes inflammatoires.

Les données épidémiologiques permettent de définir une population particulièrement à risque d’AVC ischémique en cas de MA : il s’agit de sujets de sexe féminin, de moins de 45 ans, présentant une fréquence élevée d’attaques migraineuses, utilisant une contraception estroprogestative et fumant.

Une action efficace doit être menée sur les facteurs de risque évitables. Ainsi, l’arrêt du tabac, l’utilisation de contraceptions non hormonales ou progestatives et la mise en route d’un traitement de fond de la migraine visant à espacer les crises apparaissent comme étant 3 piliers majeurs de la prise en charge des femmes jeunes atteintes de MA.

Le rôle des praticiens que nous sommes est donc fondamental et quelques règles simples doivent être respectées en cas de désir de contraception chez les migraineuses:

  • dépister par un interrogatoire minutieux les femmes présentant des migraines avec aura lors de chaque consultation
  • contre-indiquer toutes les contraceptions estroprogestatives en cas de MA mais les autoriser en surveillant l’évolution du profil migraineux en cas de migraine sans aura
  • proposer une contraception progestative ou non hormonale  en cas de MA
  • s’assurer de la mise en route d’un traitement de fond en cas de fréquence élevée des crises de MA (>12 attaques de migraine par an)
  • aider au sevrage tabagique

La migraine avec aura représente donc un facteur de risque d’AVC ischémique chez les femmes jeunes imposant des règles strictes de prise en charge notamment en termes de contraception hormonale.

  1. de Falco FA, de Falco A. Migraine with aura: which patients are most at risk of stroke? Neurol Sci, 2015;36:S57-S60.
  2. Etminan M, Takkouche B, Isorna FC, Samii A. Risk of ischaemic stoke in people with migraine: systematic review and meta-analysis of observational studies. BMJ, 2005;330:63-65.
  3. Shurks M, Rist PM, Burind et al. Migraine and cardiovascular disease: systematic review ans meta-analysis. BMJ 2009;339:b3914.
  4. Spector JT, Khan SR, Jones MR et al. Migraine headhache and ischemic stoke risk: an update meta-analysis. Am J Med 2010;123:612-624.

 
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