Exposition au distilbène : quels risques ?

Le distilbène (DES) développé en 1938 est un estrogène de synthèse utilisé alors dans le but de réduire le taux de fausses-couches spontanées. Au début des années 50, 4 études cliniques révélaient son inefficacité avec pour conséquence une nette diminution des ventes. A la fin des années 60, un nombre de cas inhabituel d’adénocarcinomes à cellules claires du vagin et du col chez des adolescentes et jeunes femmes commençait à être observé. L’association entre l’exposition de ces filles in utéro au DES pris par leur mère et leur pathologie fut rapidement évoquée. Les études qui s’en suivirent montraient également d’importantes anomalies de développement du tractus génital conduisant à de sévères complications lors des grossesses de ces filles. Plusieurs études de cohortes, menées aux Etats-Unis, initiées en 1970 ont permis de suivre, sur le long terme, 4653 femmes exposées au DES in utéro et de les comparer à une cohorte de 1927 femmes contrôles. Le célèbre New England Journal of Medicine vient de publier un article qui permet d’en faire une synthèse et de chiffrer les risques cumulés de diverses pathologies.

Comparativement aux filles contrôles, les filles exposées au DES avaient eu moins de grossesses et étaient plus âgées lors du premier accouchement. Le suivi cytologique, par frottis cervico-vaginaux, apparaissait intensifié contrairement au suivi sénologique. Il n’existait pas de différences pour l’âge de la ménarche, l’indice de masse corporelle, l’utilisation de contraception orale, le niveau socio-éducatif.

Le suivi sur le long terme a permis de préciser les risques de différentes pathologies sur le long terme :                            

  • risque relatif d’infertilité : 2.37 (2.05-2.75)
     
  • risque de fausse couche spontanée : 50,3% par rapport au 38 ,6% de la population contrôle soit un risque relatif de1.64 (1.42-1.1.88)
     
  • risque d’accouchement prématuré : 53,3% avec un risque relatif de 4.68 (3.74-5,86)
     
  • risque relatif de perte fœtale du second trimestre : 3.77 (2.56-5,54)
     
  • risque relatif de grossesse ectopique : 3.72 (2.58-5.38)
     
  • risque relatif de pré-éclampsie : 1.42 (1.07-1.89)
     
  • risque relatif de mort-né : 2.45 (1.33-4.54), les décès néonataux étant pour la plupart liés à la grande prématurité.
     
  • risque relatif de ménopause précoce : 2.35 (1.67-3.31)
     
  • risque relatif de cancer épithélial cervical de grade 2 ou plus : 2.28 (1.59-3.27)
     
  • risque relatif de cancer du sein après 40 ans : 1.82 (1.04-3.18).
     

Quatre cas d’adénocarcinomes à cellules claires (3 au niveau vaginal et 1 au niveau cervical) ont été répertoriés, tous chez les filles exposées : ces données comparées à celle de la population générale aux Etats-Unis permettent de chiffrer le ratio de risque à 39.

Pour tous les risques cités plus haut, il était retrouvé une association encore supérieure chez les filles porteuses de modifications épithéliales vaginales : témoignant probablement du timing et de la dose de l’exposition au DES.

Bien que le DES ne soit plus prescrit depuis des décennies, ses conséquences néfastes continuent à apparaitre imposant un suivi rigoureux des filles exposées in utero. De plus, depuis quelques années surgissent des publications sur l‘impact négatif du DES au niveau du tractus génital des enfants de ces filles. En effet, il semblerait, par exemple, que le taux d’hypospadias chez leurs garçons soit 40 à 50 fois supérieur à celui de la population générale. Des questions se posent également sur la future fertilité des petits-enfants des femmes traitées. Le distilbène n’a donc pas fini de faire des dégâts et les études en cours permettront d’en préciser encore l’ampleur.

 

Adverse health outcomes in women exposed in utero to diethylstilbestrol. R N Hoover, M Hyer, R Pfeiffer and al. N Eng J Med 2011;365:1304-14.

 
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