Contraception estroprogestative et maladies veineuses thromboemboliques : confirmation du niveau de risque en fonction des molécules progestatives !

Environ 9% des femmes dans le monde utilisent la contraception orale ; ce chiffre atteint 18% dans les pays développés et  28% au Royaume-Uni où une nouvelle étude vient d’être publiée. Les contraceptions estroprogestatives (COP) sont les plus utilisées avec une bonne efficacité mais des effets secondaires au premier rang desquels les accidents thromboemboliques veineux. Les maladies veineuses thromboemboliques (MVTE) font l’objet de nombreux travaux du fait de leur gravité potentielle ; leur risque est accru chez les utilisatrices de  contraception combinée, et ce quel que soit leur voie d’administration ou le type de molécules utilisées. De nombreuses études ont permis d’évaluer, avec précision, le risque de MVTE sous COP. Des publications plus récentes évoquent une différence de risque selon la molécule progestative utilisée dans la COP à dose équivalente d’ethinyl-estradiol (2). Ainsi, les COP contenant un progestatif de 3ème génération auraient un risque doublé comparativement aux COP de 1ère et 2ème générations. Cependant, ces études sont parfois discordantes et le risque des COP plus récentes ou moins fréquemment utilisées (comme celles contenant de la drospirénone ou du norgestimate) sont moins évaluées .

Une publication du British Medical Journal rapporte les résultats de 2 études cas-témoins emboitées (1). Les données utilisées sont issues de 2 grands registres des médecins généralistes du Royaume-Uni : la Clinical Practice Research Database  et la QResearch primary care database comprenant respectivement 618 et 722 cabinets de généralistes.

Les cas étudiés étaient des femmes âgées de 15 à 49 ans ayant présenté un premier évènement thromboembolique veineux entre 2011 et 2013. Durant cette période, les registres ont permis de retenir 10 500 cas de MVTE. Chaque cas était apparié à des témoins (jusqu’à 5 témoins par cas) en fonction de leur âge, du cabinet médical et de année de l’accident veineux... Ainsi, le groupe contrôle comportait 42 000 femmes. Un ajustement était effectué sur les paramètres suivants : IMC, tabac, alcool, origine ethnique.

Les résultats confirment les données des études publiées précédemment et apportent des précisions concernant les COP plus récentes en calculant les risques suivants :

  • les utilisatrices en cours de COP toutes associations estroprogestatives confondues: ORa= 2,97 ; IC à 95% : 2,78-3,17 par rapport aux non utilisatrices
     
  • les utilisatrices en cours de COP contenant du levonorgestrel (2ème génération)  ORa=2,38; IC à 95% : 2,18-2,59 par rapport aux non utilisatrices
     
  • les utilisatrices en cours de COP contenant du désogestrel (3ème génération) ORa= 4,28 ; IC à 95% : 3,66-5,01 par rapport aux non utilisatrices
     
  • les utilisatrices en cours de COP contenant du gestodène (3ème génération) ORa=3,64; IC à 95% : 3,0-4,43 par rapport aux non utilisatrices
     
  • les utilisatrices en cours de COP contenant de la drospirénone ORa=4,12; IC à 95% : 3,43-4,96 par rapport aux non utilisatrices
     
  • les utilisatrices en cours de COP contenant de l’acétate de cyprotérone ORa=4,27; IC à 95% : 3,57-5,11 par rapport aux non utilisatrices
     
  • les utilisatrices en cours de COP contenant du norgestimate ORa=2,53; IC à 95% : 2,17-2,96 par rapport aux non utilisatrices

Les auteurs ont évalués ensuite le risque dans 2 populations particulières : celles des 52% patientes sous anticoagulant (permettant de réduire le risque de faux diagnostics de MVTE) et celles des accidents thromboemboliques idiopathiques. Dans ces 2 sous-groupes, le risque calculé de MVTE se situe entre 4 et 6,5 pour les COP contenant du gestodène ou de l’acétate de cyprotérone. Cette estimation était globalement doublée comparativement aux utilisatrices de COP de 2ème génération.

Au total, le risque de MVTE :

  • est globalement multiplié par 2,5 pour les COP de 2ème génération
  • est globalement multiplié par 4 pour les COP de 3ème génération et pour les COP contenant de la drospirénone et de l’acétate de cyprotérone et environ 1,5 à 1,8 fois supérieur à celui des COP de 2ème  génération
  • des COP contenant du norgestimate est équivalent à celui des COP de 2ème génération, comme cela avait été antérieurement retrouvé dans l’étude danoise (2).
  • n’est pas modifié selon le dosage en estrogènes des COP mais les COP utilisées étaient majoritairement dosées autour de 30-40μg d’ethinyl-estradiol.

Cette nouvelle publication du BMJ confirme donc le risque supérieur de MVTE sous COP de 3ème génération mais également des associations comprenant de la drospirénone et le l’acétate de cyprotérone comparativement aux COP de 1ère et 2ème génération. Ces résultats sont tout à fait concordants avec les dernières publications importantes de l’équipe de Lidegaard. De plus, les deux analyses en sous-groupes tenant compte des évènements traités (patientes utilisant un traitement anticoagulant) montrent des risques plus élevés que pour leur population globale permettant probablement d’évaluer le « vrai » risque associé à ces différentes combinaisons contraceptives (3). L’utilisation de des COP contenant  un progestatif de 2ème génération doit donc être privilégiée en respect des bonnes pratiques cliniques.

 

  1. Vinogradova Y, Coupland C, Hippisley-Cox J. Use of combined oral contraceptives and risk of venous thromboembolism: nested case-control studies using the QResearch and CPRD databases. BMJ 2015;350:h2135/ doi:10.1136/bmj.h2135
  2. Lidegaard O, Nielsen LH, Skovlund CW et al. Risk of venous yhromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens an ostrogen doses: Danish cohort study. BMJ 2011; 343:d6423.
  3. Jick SS. Fresh evidence confirms links between newer contraceptive pills and higher risk of venous thromboembolism. NMJ 2015;350:h2442.

 
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