Antithyroïdiens de synthèse et anomalies congénitales : un risque aussi avec le PTU

L’hyperthyroïdie  est une des anomalies endocriniennes les plus fréquemment rencontrées lors de la grossesse concernant à 0,1 à 0,4% des grossesses. L’étiologie la plus commune en est la maladie de Basedow et son traitement fait appel, en priorité, aux antithyroïdiens de synthèse (ATS). L’hyperthyroïdie maternelle peut être responsable de complications chez la mère (insuffisance cardiaque principalement) et chez l’enfant (accouchement prématuré, petit poids de naissance voire mort fœtale in utero). Le traitement par ATS réduit incontestablement ces accidents mais non sans risques. En effet, ces molécules traversent la barrière placentaire avec possibilité d’hypothyroïdie fœtale et anomalies congénitales lorsqu’elles sont administrées au premier trimestre de la grossesse. Deux ATS sont principalement utilisés : les dérivés du thio-imidazole (carbimazole CMZ ou Néomercazole®, prodrogue du méthimazole MMI) et les dérivés du thio-2-uracile (propylthiouracile PTU ou Proracyl®). De nombreuses études confèrent un rôle tératogène supérieur au CMZ par rapport au PTU : cette dernière molécule a donc la préférence lors de la grossesse. Cependant quelques cas d’insuffisances hépatiques sévères récemment décrits sous PTU modèrent cet enthousiasme d’autant que son risque tératogène reste mal évalué.

Une équipe danoise a cherché à estimer le risque tératogène des ATS en début de grossesse à l’aide des registres nationaux où sont consignées avec précision les thérapeutiques suivies par les femmes pendant et à l’issu de leur grossesse. Ainsi, ont été analysés les dossiers de près de 850 000 enfants nés entre 1996 et 2008. L’exposition à un ATS en début de grossesse a pu être retrouvé dans 0,22% des cas avec 564 enfants exposés au PTU, 1097 au MMI/CMZ et 159 aux 2 agents consécutivement. Les données ont été comparées à celles d’enfants nés de mères traitées en dehors de leur grossesse (n=3543) et de femmes jamais exposées à ces molécules (n=811 730).

La prévalence des anomalies congénitales retrouvée en cas d’exposition à un ATS en début de grossesse était de 8,0% en cas de traitement par PTU, 9,1% en cas de MMI/CMZ et 10,1% si les 2 traitements avaient du être utilisés. Ce chiffre était estimé à 5,4% lorsqu’un ATS avaient été administré en dehors de la grossesse similaire à celui des femmes jamais exposées 5,7%. Il semble donc que le risque de malformations congénitales soit accru aussi bien sous MMI/CMZ (OR=1.66 IC à 95% 1.35-2.04) que sous PTU (OR=1.41 IC à 95% 1.03-1.92).  Un passage au PTU, tel qu’il est habituellement recommandé en début de grossesse pour les femmes sous MMI/CMZ,  ne semblait pas diminuer ces chiffres (OR=1.82 IC à 95% 1.08-3.07).

L’ « embryopathie au CMZ » décrite dans la littérature est retrouvée ici avec un OR=21.8 (IC à 95% 13.4-35.4) : elle associe à des degrés divers une atrésie des choanes, une atrésie œsophagienne, une omphalocèle, des anomales des canaux omphalo-mésentériques, une aplasie du cuir chevelu et autres anomalies de la face et du cou. La prévalence des anomalies congénitales cardio-vasculaires était augmentée uniquement sous MMI/CMZ. Le PTU, dans cette étude, était plutôt à l’origine de malformations de la face et du cou.

Les résultats de cette étude corroborent les données de la littérature concernant le risque tératogène du MMI/CMZ mais retrouvent également un risque malformatif accru sous PTU. Ainsi, le traitement de l’hyperthyroïdie clinique authentifiée est nécessaire mais impose une prise en charge pluri-disciplinaire dans laquelle endocrinologue, obstétricien, échographiste et pédiatre partagent le suivi. Concernant le risque hépatique, il semble faible puisqu’un seul cas d’insuffisance hépatique maternelle à 9 semaines de grossesse a été retrouvé, il s’agissait d’une patiente sous PTU.

Les tableaux polymalformatifs semblent plus fréquents et probablement plus graves sous MMI/CMZ ; la préférence vers le PTU reste toujours de mise en début de grossesse malgré le risque tératogène non négligeable retrouvé ici. L’intérêt du switch MMI/CMZ pour du PTU ne montre pas ici de diminution du risque malformatif et il serait probablement préférable d’utiliser cette molécule dès le souhait de grossesse.

 

S LindingAndersen, J Olsen, C Sen Wu, P Laurberg. Birth defects after early pregnancy use of antithyroid drugs: a danish nationwide study. J Clin Endocrinol Metab 98:4373-4381,2013.

 
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